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Pascal Todjinou à coeur ouvert: «J’ai vécu une situation particulière et dure de 2006 à 2016»
Publié le mercredi 4 janvier 2017  |  La Nation
Pascal
© aCotonou.com par Didier Assogba
Pascal Todjinou, Secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb).
Cotonou, le 02 Novembre 2016. Affaire de cocaïne, l`ambiance à la brigarde territoriale de Cotonou.




Après vingt-trois ans passés à la tête de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (CGTB), Pascal Todjinou vient de prendre sa retraite syndicale. Son abnégation et sa fermeté dans la défense des intérêts des travailleurs mais aussi son langage de vérité teinté d’un humour caustique et singulier, manqueront certainement au public.

Faisant le bilan, l’ancien secrétaire général de la CGTB estime qu’on ne peut pas parler d’organisation syndicale aujourd’hui au Bénin et occulter la CGTB et ce, grâce à sa ténacité et à ses nombreux sacrifices consentis. Il se réjouit ainsi d’avoir réussi à construire avec son équipe la confédération, mais déplore l’infiltration de la politique dans les organisations syndicales avant de revenir sur une situation « particulière et dure » qu’il a vécue de 2006 à 2016.

La Nation : Vous avez passé vingt-trois ans à la tête de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (CGTB). Un record si l’on fait une comparaison avec les autres confédérations et centrales syndicales. Comment l’expliquez-vous ?

Pascal Todjinou : Je crois que c’est d’abord une question des textes de la Confédération générale des travailleurs du Bénin (CGTB). De même cela dépend aussi des militants. C’est une question d’engagement et de sacerdoce pour le bien commun. Je suis à la naissance de la confédération mais lorsqu’à chaque instant, je suis appelé et que je sens que j’ai encore de l’énergie, je ne résiste pas.

Est-ce parce que vous aviez été si bon ?

Non. Je crois que ce n’est pas une question de bonté. Il faut poser la question à mes syndiqués car je ne peux pas m’apprécier. Avec moi, on est parti de 7 syndicats à la création à plus de 150 syndicats aujourd’hui. C’est une question de détermination tout simplement. Je me suis engagé à braver tout ce qu’on appelle peur ou découragement et les miens me voient à l’œuvre. Je crois que cela doit être l’une des raisons fondamentales de ma durée au niveau de ma confédération. Mais en réalité, je n’ai pas battu le record en matière de durée à la tête d’une confédération. Il y a eu plein de gens qui l’ont fait. C’est parce que, moi, je suis en vue et que l’annonce de ma retraite syndicale fait grand bruit au sein de l’opinion publique. Il y a des gens qui sont dans le syndicat avant que je ne connaisse le syndicat. Evidemment, les gens sèment de la confusion. Au moment du Parti de la révolution populaire du Bénin (PRPB), j’étais un anti-syndicaliste. J’étais fortement contre le syndicat car en ce temps-là, le syndicat était un organe de privation des libertés. Vous me voyez dans cette posture? Je dis non. Ce n’est qu’après la Conférence nationale des Forces vives de février 1990 que j’ai commencé à me faire voir sur le plan de la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs. Je n’étais pas là au temps de la révolution. Si j’ai accepté rentrer dans le syndicat, c’est parce que j’ai noté qu’il y a injustice. Et lorsqu’il y a injustice et qu’il faut défendre les victimes, vous me trouverez toujours là même si je ne suis plus responsable syndical.

Est-ce que c’est votre détermination voire votre engagement qui a fait que les militants vous ont toujours fait confiance ?

Oui, je crois. Je l’affirme parce que telle que la CGTB est composée si vous ne jouez pas bien le rôle qu’on vous a confié, vous ne pouvez pas rester à sa tête. Ce n’est pas possible. Il est question de faire la volonté du groupe ou de la confédération.

Quel bilan avez-vous à défendre après vingt-trois ans de règne syndical ?

J’ai réussi avec mon équipe à porter haut le flambeau de la confédération. Aujourd’hui au Bénin, on ne peut pas parler d’organisation syndicale sans parler de la CGTB. Ce serait une erreur. J’ai réussi à construire avec mon équipe la confédération; augmenter le nombre des militants; à être en règle vis-à-vis des confédérations auxquelles la CGTB est affiliée sur le plan régional comme sur le plan international; à faire connaître la CGTB au sein des organes de dialogue social ; former des militants et militantes ; avoir été la seule confédération au Bénin à avoir un siège propre à trois étages. Je me retrouve parfaitement dans ce qui est arrivé.

Y-a-t-il des situations que vous regrettez aujourd’hui après avoir quitté la tête de la CGTB ?

Je ne regrette pratiquement rien parce qu’en matière de lutte, il y a des hauts et des bas. Ce que je peux déplorer, c’est l’infiltration de la politique dans les formes des organisations syndicales. J’ai vécu une situation particulière dure de 2006 à 2016. Cette période m’a fait connaître la prison. J’ai passé cinq bonnes nuits à la prison civile de Cotonou. C’est un record du temps de la démocratie. J’ai pardonné çà mais je l’oublierai difficilement.
Vous voilà parti de la tête de la CGTB.

Quelle est votre prochaine destination ? La politique?

Pas du tout. La politique n’est pas mon fort, contrairement à ce que les gens ont été amenés à écrire abondamment dans les journaux. Je ne suis pas prêt à rentrer dans la politique. En politique, on ne dit pas toujours la vérité. Je ne peux pas rester dedans. J’ai commencé le mouvement associatif pendant les vacances de juin-juillet 1967. Je préfère rester dans la vie associative non partisane pour être plus à l’aise. Je ne suis pas prêt à une quelconque inféodation à un parti politique ou même à l’idée de créer un parti politique. Animer un parti politique suppose qu’on a suffisamment de moyens et moi je n’en ai pas.

Quelle sorte de vie associative vous entendez mener pour continuer à défendre la cause des travailleurs ?

Je ne veux pas abandonner la lutte syndicale. Ma retraite syndicale signifie que je ne veux pas être du bureau et je ne veux plus être membre. Mais lorsque le syndicat veut mener des activités et qu’on m’appelle, je serai là. Quand on est à la tête, c’est tout le poids qu’on supporte. C’est-à-dire faire en sorte que ça marche. Cela creuse les méninges. Mais si c’est quelqu’un d’autre, on lui donne des conseils et ça marche. Je me retrouve dans une telle posture que d’aller créer un parti politique. Je n’ai pas les moyens d’un parti politique.

Quels conseils avez-vous à donner à la jeune génération à qui vous avez laissé le flambeau de la confédération?

Oui, j’ai déjà laissé le flambeau. Ceux qui sont là aujourd’hui s’ils écoutent, ils seront performants. S’ils nous font appellent en tant qu’ancien pour les aider, ils seront encore plus performants que nous. C’est pourquoi, je voudrais les inviter à l’écoute et à être réceptifs par rapport aux conseils. Moi, je reçois des conseils de la région comme du niveau international. J’en tiens compte pour les adapter aux réalités de mon pays. Nous devons être sensibles dans tout ce que nous faisons dans la vie.

Avez-vous un appel en direction des travailleurs ?

Je voudrais lancer un appel pressant aux travailleurs. Je voudrais leur dire qu’aucune lutte n’est gagnée d’avance. La défense de la liberté est une quête permanente. Ils doivent être en veille permanente ; faire en sorte qu’il n’y ait pas d’injures dans les négociations et qu’il y ait des comportements citoyens afin que vive le Bénin.
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