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Charlatanisme et complicité de charlatanisme : Adamou Alassane et Yaka Gomina écopent de 15 et 10 ans de travaux forcés
Publié le mardi 31 janvier 2017  |  Matin libre
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© Autre presse par DR
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C’est une affaire d’assassinat et de complicité d’assassinat requalifiée en pratique de charlatanisme et de complicité de charlatanisme que la cour a examiné. Une infraction prévue et punie par les dispositions de l’article 264 bis alinéa 2, 3 et 4 de la loi 87-0011 du 21 Septembre 1987 et les articles 59 et 60 du Code Pénal. Adamou Alassane et Yaka Gomina sont les accusés qui sont poursuivis dans ce dossier.

Après l’instruction à la barre, les réquisitions du ministère public représenté pour la circonstance par l’avocat général Bachirou Assouma Amadou et les plaidoiries des avocats Valentin Akoha assurant la défense de Adamou Alassane et Bonaventure Essou pour l’accusé Yaka Gomina, la cour présidée par Adame Nouhoum Banzou assisté de Célestin Jean Mathieu Zanouvi et de Ignace, et après en avoir délibéré conformément à la loi, a déclaré respectivement Adamou Alassane coupable de pratiques de charlatanisme et Yaka Gomina de complicité de pratiques de charlatanisme et les a condamné respectivement à 15 et 10 ans de travaux forcés.

Il est à signaler que Adamou Alassane qui est en détention provisoire depuis le 26 mai 2006 restera encore en détention pour quatre ans et son co accusé Yaka Gomina, quant à lui, avait été placé sous mandat de dépôt le 26 mai 2006 mais a bénéficié entre temps d’une liberté provisoire le 31 décembre 2013, donc a passé 7 ans de détention, il devra retourner en prison pour y passer trois ans pour purger totalement sa peine.

Résumé des faits

Les faits qui ont été examinés par la cour le samedi 28 Janvier 2017 remontent en 2006, le nommé Yaka Gomina, cultivateur demeurant à Kpalchou dans la commune de Copargo, après avoir enregistré le décès de sa fille aînée, a été lui-même victime de morsures de serpent à plusieurs reprises dans son domicile et dans son champ.

Une consultation faite par lui, a révélé la nommée Yaka Adjaratou comme étant la source de ses malheurs. Alors, Yaka Gomina a décidé de finir avec cette dernière et a sollicité à cet effet, les services de son ami, le nommé Adamou Alassane. Ce dernier a composé une substance maléfique qu’il a déposée dans la maison de dame Adjaratou. Une semaine plus tard, dame Adjaratou a rendu l’âme.

Les débats

L’instruction à la barre des faits en cause a permis à la cour d’être plus ou moins fixée sur les circonstances de la commission des faits. Les accusés Adamou Alassane et Yaka Gomina accoupagnés d’un témoin Dafassawa Abdul, chef du village Kpalchou au moment des faits, ont déposé à la barre.

Adamou Alassane, guérisseur a été le premier a déposé devant la cour. A la question de savoir ce qui l’a conduit à la barre, l’accusé a déclaré qu’il a été sollicité par son ami Yaka Gomina pour l’aider à protéger sa famille, à la suite de plusieurs évènements malheureux qui s’abattaient sur ce dernier. Il s’agit notamment des décès de 6 de ses enfants et des morsures de serpent dont lui-même a été victime. Il dit avoir demandé à son ami de trouver une somme de dix mille francs, un poulet et de la boisson locale Sodabi pour lui préparer un gris gris qui sera enterré dans sa maison afin d’en assurer la protection. Ce qui a été fait et une semaine après, il a appris la mort de dame Adjaratou Yaka, c’est après ce décès qu’il a reçu la visite à son domicile des gendarmes qui l’accusent d’avoir tué dame Adjaratou Yaka. Il a insisté sur le fait que le gris gris qu’il a fait à son ami Yaka Gomina n’était pas destiné à tuer, mais pour protéger sa maison. L’accusé a réfuté le fait que lui et son ami Yaka Gomina ont donné la mort à dame Adjratou Yaka par étranglement, après que cette dernière a été saoulée par son ami Yaka Gomina.

Yaka Gomina accusé de complicité de pratique de charlatanisme est cultivateur, père de 10 enfants. Il a déclaré à la barre qu’il parait qu’il aurait tué dame Adjaratou Yaka à la question de savoir pourquoi, il se retrouve à la barre. Il reconnait avoir sollicité les services de son ami Adamou Alassane pour protéger sa maison, mais qu’il ne lui a jamais demandé de tuer quelqu’un. Une décision qui fait suite à une consultation faite préalablement qui lui a recommandé de protéger sa maison par rapport aux évènements malheureux qu’il traversait. Ce qui fut fait et dame Adjaratou Yaka mourut sept jours après, c’est pourquoi, il en déduit que le décès de dame Adjaratou Yaka est le résultat de l’effet du gris gris enterré dans la maison. Il ne reconnait pas avoir étranglé dame Adjaratou Yaka pour lui donner la mort.

Le seul témoin qui a été écouté est le chef de village de Kpalchou au moment des faits. Le vieillard de 90 ans et père de cinq enfant, dit avoir été informé du décès de dame Adjaratou Yaka par Yaka Gomina qui l’a aidé pour l’enterrement comme il est de coutume dans le village. Aussi a-t-il déclaré que Alimatou, la fille de dame Yaka Adjaratou serait allée le voir pour lui dire que la mort de sa mère ne serait pas naturelle et qu’elle aurait été assassinée par Yaka Gomina.

Le ministère public assuré par Bachirou Assouma Amadou, dans ses réquisitions, a fait observer que de plus en plus, il y a une facilité à verser dans les pratiques occultes pour la recherche des solutions aux problèmes de la vie par les populations. Il dit avoir noté des variations dans les déclarations des deux accusés depuis l’enquête préliminaire jusqu’à la barre en passant par l’instruction devant le magistrat instructeur. Bachirou Assouma Amadou a démontré la culpabilité de Adamou Alassane par rapport aux faits et la complicité de Yaka Gomina en trois étapes. Après avoir donné une définition de pratiques de charlatanisme et de charlatan, il a fait ressortir les éléments constitutifs de l’infraction de pratiques de charlatanisme et de complicité de charlatanisme par rapport aux faits au regard des dispositions de l’article 264 bis alinéa 2, 3 et 4 de la loi 87-0011 du 21 Septembre 1987 et les articles 59 et 60 du Code Pénal. Il a rappelé que Adamou Alassane s’est livré à des pratiques de charlatanisme en fabriquant le gris gris avec l’intention de porter atteinte à la victime et le résultat a été atteint par la mort de la victime. Yaka Gomina a participé à la consommation de l’infraction en fournissant les moyens à Adamou Alassane à travers l’argent, le poulet et le Sodabi. Pour le ministère public l’infraction est constituée et c’est au regard de cela, que l’avocat général Bachirou Assouma Amadou a requis que la cour, les déclare coupables des faits et de les condamner à 20 ans de travaux forcés.

Les avocats de la défense ont été unanimes pour reconnaître que, l’infraction de pratiques de charlatanisme n’est pas constituée. Me Valentin Akoha aux intérêts de l’accusé Adamou Alassane a fait observer que le ministère public veut réprimer quelque chose qu’il n’appréhende pas. Rejetant la définition de charlatan et de charlatanisme du ministère public, il a déclaré que les faits en cause ne constituent en rien des pratiques de charlatanisme se fondant sur le fait que la poursuite n’a pu définir de façon précise le charlatanisme et mieux n’a pu établir le lien de causalité entre les faits et le décès de dame Adjaratou Yaka et qui fait le lit au doute. Pour plaider l’acquittement au bénéfice du doute pour son client Adamou Alassane, Me Valentin Akoha a demandé à la cour d’aller dans le même sens que la Cour Constitutionnelle du Bénin, qui dans une de ses décisions, a déclaré l’article 264 bis alinéa 2, 3 et 4 siège de l’incrimination de l’infraction de pratiques de charlatanisme contraire à la Constitution béninoise du 11 décembre 1990.

Me Bonaventure Essou avocat de Yaka Gomina a renchéri les propos de son confrère en faisant remarquer qu’il plaint la cour qui lui fait pitié. Et pour cause, la situation de la cour est semblable à celle des soldats envoyés au front sans arme. Tout en rappelant l’historique de l’infraction en cause, il a relevé comme son confrère que la cour ne saurait entrer en condamnation parce que l’infraction n’est pas constituée pour défaut de l’élément matériel et intentionnel. Il a appelé la cour, à tenir compte des réalités endogènes pour examiner les faits en cause. Sauf hypocrisie, tous les béninois ont recours à des pratiques occultes pour s’assurer une protection, ce qui n’est pas mauvais en soi.

Les deux avocats sont unanimes pour reconnaitre que les pratiques traditionnelles constituent l’identité remarquable du Bénin, pays reconnu comme étant le berceau du vodoun et que cela ne devrait nullement vu comme une infraction à la loi pénale.

Il a plaidé l’acquittement pur et simple au bénéfice du doute de son client Yaka Gomina et, au cas où la cour devrait entrer en condamnation par extraordinaire, à le condamner au temps déjà passé en détention.


Marx CODJO (Br Borgou-Alibori)
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