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Administration de substances nuisibles (16e dossier) : Sarè Gounou désormais libre de ses mouvements
Publié le mardi 7 fevrier 2017  |  La Nation
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© Autre presse par DR
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Dans le cadre de sa première session au titre de l’année 2017, la cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou a statué, samedi 4 février dernier, sur le 16e dossier inscrit à son rôle relatif à une affaire d’administration de substances nuisibles à la santé. Accusé d’avoir commis cette infraction, Sarè Gounou a été condamné à la peine de huit ans de réclusion criminelle. Arrêté le 7 janvier 2008, puis libéré provisoirement en décembre 2015, avant de retourner derrière les barreaux l’année dernière, il est désormais libre de ses mouvements.

Préparée à partir d’un coq et des feuilles de néré, une poudre noire ayant des vertus supposées protéger contre l’empoisonnement, aurait plutôt été à sa base. Au-delà du mystère qui entoure une telle situation, le dénouement du dossier au centre duquel elle se trouvait, a une fois encore révélé au grand jour les rivalités entre frères de mères différentes.

Le 20 décembre 2007, dans la commune de Kérou, Sarè Gounou, cultivateur et père de douze enfants, a offert à son frère consanguin Kora Gounou, gérant d’une cafétéria, produit censé lutter contre la sorcellerie. Mais cinq jours plus tard, ce dernier était allé le voir pour lui demander un remède contre les douleurs abdominales dont il a commencé à souffrir après l’avoir consommé. Transporté par la suite à l’hôpital de Kérou, puis référé sur l’hôpital Saint Jean de Dieu de Tanguiéta, il rendit l’âme le 3 janvier 2008. Interpellé et inculpé d’empoisonnement, Sarè Gounou n’a pas reconnu les faits. Il a expliqué avoir servi à Kora Gounou un produit qu’il a lui-même l’habitude de prendre pour se protéger. Requis pour présenter le produit, Sarè Gounou a déclaré avoir déjà fait usage du reste. Deux ans environ avant la survenue de cet événement, il lui avait déjà remis un produit appelé à attirer les clients vers sa cafétéria. Ce qui n’a pas été le cas. Kora Gounou les ayant tous perdus au contraire.
Poursuivi au départ sous la qualification d’empoisonnement, ces faits ont été requalifiés d’entrée par la cour, en crime d’administration de substances nuisibles à la santé ayant occasionné la mort sans intention de la donner. C’est pour répondre de ce chef d’accusation que Sarè Gounou était à la barre samedi 4 février dernier.
Invité pour rappeler les circonstances dans lesquelles les faits se sont produits, l’accusé a expliqué que Kora Gounou était son frère et son confident. Qu’ils entretenaient de très bonnes relations. « Ce que nous avons consommé ne pouvait pas tuer. Je ne suis pas sûr que c’est ce produit qui l’a tué», a-t-il répété au président, Hubert Arsène Dadjo, au représentant du ministère public, Emmanuel Opita et à son conseil, Me Claude Tékounti. En fait de produit, il s’agissait, a indiqué Sarè Gounou, de la viande d’un coq mélangée à de la poudre noire préparée à base des plumes de ladite bestiole et des feuilles de néré. Avant Kora Gounou, il a été le premier à le consommer avec son ami Lafia.

Une situation compliquée

Biba Gounou qui a le même père et la même mère que la victime et Séma Gounou, ont été écoutés par la cour. Il ressort de leurs auditions que l’accusé avait, au cours d’une réunion, tenue en présence des anciens de la famille, promis trouver un remède pour soulager Kora Gounou. Comme il prenait tout son temps pour le faire, la brigade de gendarmerie de Kérou fut saisie. Interpellé puis arrêté, Sarè Gounou aurait réclamé un coq noir et d’autres ingrédients. Selon Biba Gounou, c’est le breuvage préparé, sur les instructions de l’accusé, par son frère Yarou avec qui il partage la même mère, qui a aggravé le mal, empêchant désormais Kora Gounou de parler. Soumis à une confrontation avec Biba Gounou, l’accusé n’a pas reconnu les propos qu’elle a rapportés à la cour.
Pour le représentant du ministère public, Emmanuel Opita, il est constant que les malaises de la victime ont été consécutifs à la consommation du produit en cause. Au sens de l’article 317 alinéa 8 du Code pénal, il s’agit, selon lui, d’un crime d’administration de substances nuisibles à la santé ayant occasionné la mort sans intention de la donner. Il est convaincu que l’accusé et sa victime n’ont pas consommé le même produit. Ainsi, s’est-il employé à démontrer que les éléments constitutifs de cette infraction sont réunis. Par rapport à l’élément matériel, l’avocat général souligne qu’il est établi que Sarè Gounou a donné à son frère Kora Gounou un produit devant l’aider à se protéger contre l’envoûtement et la sorcellerie. « Le certificat médical de la victime délivré à Kérou, le 6 janvier 2008, conclut à une cirrhose hépatique de cause toxique et d’évolution foudroyante», rappelle-t-il, pour justifier la relation de cause à effet entre la consommation du produit et le décès de Kora Gounou qui a suivi. Le rapport d’expertise psychiatrique attestant que Sarè Gounou était en possession de ses facultés au moment de la commission de l’acte, Emmanuel Opita, au bénéfice de ses observations demandera qu’il plaise à la cour de la déclarer coupable de ce crime d’administration de substances nuisibles à la santé. Il lui a proposé de le condamner à la peine de dix ans de travaux forcés.

La défense plaide le doute

Dans sa plaidoirie, c’est vers la victime Kora Gounou que la pensée de Me Claude Tékounti est allée d’entrée. « L’accusé est également le frère de la victime. Ce qui fait que nous sommes dans une situation compliquée », a-t-il ensuite fait remarquer. Selon lui, les éléments constitutifs du crime d’administration de substances nuisibles à la santé ne sont pas réunis. Pour se faire, il a lu l’alinéa 7 de l’article 317 du Code pénal. « Malheureusement, Kora Gounou n’est plus là pour nous expliquer dans quelles conditions le produit lui a été administré et si c’est le même qu’ils ont consommé. Il n’appartient pas à Sarè Gounou de vous démontrer que, c’est le même produit qu’ils ont pris. C’est au ministère public d’apporter les éléments probants pour convaincre. Je ne sais pas sur quelle base, il s’est fondé pour indiquer qu’ils n’ont pas consommé le même produit», a poursuivi Me Claude Tékounti. «Dans le dossier, rien ne renseigne la cour sur la nature du produit. C’est un mystère total.», dira-t-il, en expliquant que le certificat médical du 6 janvier 2008 n’est pas le résultat d’une autopsie du corps de Kora Gounou. « Il y est inscrit que le traitement institué n’a pas été suivi », a-t-il laissé entendre, en se demandant si la victime a réellement bénéficié de soins à l’hôpital. « Au moment où il a été établi, Kora Gounou était encore vivant. Il a indiqué de quoi est-ce qu’il souffrait. Il est constant et les débats l’ont révélé, que ce n’est que 5 jours après, que Kora Gounou a commencé à se plaindre de malaises», a précisé l’avocat de l’accusé. «Qu’est-ce qui s’est passé entre le jour où il a consommé le produit et celui où ses plaintes ont commencé? C’est la nuit totale. Le ministère public n’a pas pu nous éclairer», a déploré Me Claude Tékounti. Il a également fait observer qu’à l’enquête préliminaire, nulle part, il n’a été question d’une réunion de famille au cours de laquelle, son client a pris l’engagement, comme les témoins l’ont affirmé, de trouver un remède. A la barre, estime-t-il, ces derniers n’ont affiché que leurs rivalités entre frères de l’autre mère.
Pour Me Claude Tékounti, il y a doute et, lorsque c’est le cas, il faut en tirer les conséquences, à moins de chercher à réécrire le droit. « Lorsqu’il y a doute, il profite à l’accusé », rappellera-t-il. Au principal, il plaide donc le doute. « Dans ce dossier, rien n’est certain, rien n’est clair», soutient-il. Au subsidiaire, il demandera à la cour de condamner Sarè Gounou au temps qu’il a déjà passé derrière les barreaux. Ce sera pour lui, insiste-t-il, l’occasion de se réinsérer dans la société, de s’occuper de ses douze enfants et enfin, une chance de ne pas perdre sa seule épouse qui lui est restée.
Dans sa réplique, l’avocat général a relevé, ce qu’il considère comme certaines confusions, que le conseil de l’accusé a voulu entretenir. «L’alinéa 7 de l’article 317 du Code pénal n’a rien à voir avec le présent dossier», a-t-il rectifié. Il est également revenu sur le mode de preuve que constitue le témoignage.
La cour déclare Sarè Gounou coupable d’avoir volontairement administré des substances nuisibles à Kora Gounou, avec cette circonstance que les substances administrées ont occasionné la mort sans intention de la donner. Elle le condamne à la peine de huit ans de réclusion criminelle.
La cour avait pour président Hubert Arsène Dadjo. Ses assesseurs étaient Célestin Jean-Mathieu Zanouvi et Noël Houngbo. L’avocat général a nom, Emmanuel Opita et le greffier, Me François Nougbodohoué. Me Claude Tékounti défendait l’accusé. Imorou Abdoulaye, Charlotte Ombari, Anselme Sossou et Poulo Amadou Sambo étaient les jurés.

Maurille GNASSOUNOU A/R Borgou-Alibori
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