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Charles Bèwa, Président des maraichers Eco-Santé: « Nous nous tuons à petits feux »
Publié le mardi 28 fevrier 2017  |  L`événement Précis




Charles Bèwa est maraicher depuis une trentaine d’années. Présent sur le site de Houéyiho, à Cotonou, il a pris conscience que le maraichage conventionnel est un danger pour la santé des maraichers et des consommateurs. Il a créé une association qui lutte désormais pour le maraichage bio. Pari difficile, mais pas impossible. Il est l’invité de notre rubrique hebdomadaire, « INVITE DU LUNDI ».

L’Evénement Précis: Le maraichage Eco-Santé qu’est-ce que cela signifie?

Charles Bèwa : Le maraichage Eco-Santé en résumé, c’est de produire sain dans un environnement sain pour le bien-être de la population. En d’autres termes, c’est de lutter contre la pollution chimique.

Est-ce que cela veut dire qu’il y a une pollution chimique au niveau du maraichage ?
Oui ! Puisque le maraichage conventionnel est fait à base des produits chimiques, comme les engrais chimiques, les NPK, l’urée, les pesticides chimiques. Il y a beaucoup de pesticides chimiques qui sont hautement toxiques allant de 25 jusqu’à 45% de toxicité.

Est-ce que c’est vérifié qu’aujourd’hui cette intoxication existe effectivement au Bénin ?
Oui ! Ce n’est plus un secret pour personne, tout le monde le sait. C’est ce qui a poussé le doyen de la Faculté des sciences de la santé, de l’université d’Abomey-Calavi, Fayomi Benjamin, à initier l’Eco-Santé depuis 2002. Il nous a mis en réseau à partir de 2012. A son arrivée, il a prélevé le sol, les cultures et l’eau qui sont hautement toxiques après les avoir analysés.

Cela veut-il dire que la population est exposée à des risques de maladie, cancer et autres ?
C’est évident. Parce que, tout ce que nous produisons termine sa course dans les plats de la population et c’est ce que nous mangeons. Nous nous intoxiquons nous-mêmes. Donc, c’est ce qui réduit notre espérance de vie.

Mais est-ce que le maraichage Eco-Santé est déjà répandu au Bénin ?
Ce n’est pas encore répandu au Bénin. Puisque vous le savez, il est vraiment difficile de changer les Hommes. Si c’était les animaux, on peut les sensibiliser par tous les moyens. Mais les Hommes, c’est difficile de changer les mentalités humaines. Nous faisons notre petit bonhomme de chemin.

Alors qu’est- ce que votre réseau fait concrètement ?
Notre réseau fait la sensibilisation et la formation. Nous passons par les sites de maraichage pour sensibiliser et leur montrer le bien-fondé de notre mouvement et attirer leur attention sur comment ils intoxiquent la population. Et également comment ils détruisent la nature. Nous travaillons en chaine appelée « chaine de valeur », qui nous permet de toucher les bonnes dames et aussi les consommateurs. Ce qui porte déjà ses fruits. L’autre aspect de la chose, est que les sites sur lesquels nous sommes, sont des sites qui sont déjà souillés. Parce que des produits chimiques sont utilisés dessus. Il faut préciser que nous ne produisons pas 100% de bio, mais nous réduisons la toxicité qui est de 45% au moins à 5% pour ceux qui ne produisent plus du tout des produits chimiques. Mais maintenant, nous avons créé un site 100% bio à Zoundja dans la zone d’Arconville où on n’a jamais utilisé des produits chimiques. Nous faisons notre petit bonhomme de chemin. Et bientôt, plaise à Dieu, on aura notre village maraicher éco-santé.

Concrètement, est-ce que les maraichers eux-mêmes ne courent pas des risques de maladies ?
C’est sûr. Les maraichers même sont les premières personnes qui sont exposées, qui prennent tous les risques. C’est celui qui pulvérise ça qui est exposé avec son entourage.

Est-ce que les autorités ont pris conscience de ça ? Est ce que l’Etat Béninois vous appuie ?
Pour le moment non. Mais nous bénéficions parfois de l’appui de l’INRAB en matière de recherche. Entre-temps, la mairie de Cotonou avait commencé par nous appuyer sur la fabrication des composts, l’utilisation des biodégradables, mais ils ont lâché à un moment donné. Et là, nous fonctionnons seuls.

Cela veut dire que l’Etat n’a pas mis en place une politique pour assainir la production maraichère dans notre pays ?
Pas pour la production maraichère bio. Puisque la production conventionnelle profite à tout le monde. Donc, c’est une lutte difficile que nous menons. Parce qu’en supprimant ça, on cause beaucoup de dommages à ceux qui font ce commerce. Donc, en principe, notre souhait c’est que l’Etat accompagne ceux qui font l’effort de nourrir la population. Mais malheureusement aujourd’hui, ça ne se fait pas.

Mais est-ce qu’il y a aujourd’hui des pays africains où cette lutte a prospéré et a marché ?
C’est seulement en 2010 qu’on a commencé cette affaire avec deux pays, le Bénin et le Togo. D’autres se sont ajoutés à nous après et aujourd’hui on est au nombre de sept. Nous faisons notre petit bonhomme de chemin. Ce n’est facile nulle part. Que ce soit Béninois, Togolais ou Burkinabè, c’est un peu difficile de changer la mentalité de l’Homme. Et surtout la sensibilisation nous tue. Il y a beaucoup qui acceptent à être Eco-Santé, mais au finish, ils retournent aux mauvaises pratiques. Simplement parce qu’ils n’ont pas les moyens pour acheter les produits bio. Ou même quand ils finissent de produire, ils n’arrivent pas à vendre. Maintenant, la sensibilisation permet à ce qu’ils vendent. C’est déjà un pas. Nous construisons des kiosques dans les sept pays, pour vendre les produits bios en temps réel, à tout moment. Ici au Bénin, nous avons un kiosque dans la zone de Calavi où nous avons des produits comme Top bio, Fertile plus, Bio plus et bien d’autres.

Comment le consommateur peut il reconnaitre le niveau de toxicité?
Les cultures produites à base des produits chimiques, leur texture est totalement vert foncé, parce qu’elles contiennent des produits chimiques. Une seconde chose, ces produits se fanent moins de 24 heures après leur enlèvement. Quant aux produits biologiques, ils font 72 ou 96 heures avant de se faner. Leur texture également n’est pas vert foncé. Les bonnes dames préfèrent ceux qui sont vert foncé et qui attirent, c’est ce qui tue souvent. Cela veut dire prendre son argent pour aller acheter la mort.

Si vous aviez un message à lancer aux consommateurs, qu’est -ce que vous leur diriez ?
Je leur dirai de faire attention à ce qu’ils mangent. Parce que la vie, elle est chère et ne se vend pas au marché. Et je conseillerai à nos mères et sœurs qui vont au marché, d’éviter d’acheter les légumes qui sont vert foncé. Les produits bios n’ont pas d’autres couleurs, c’est la couleur verte mais pas pur.

Propos recueillis par Olivier ALLOCHEME
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