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Tourisme au Bénin: 600 milliards d’investissement et 700 000 touristes attendus d’ici 2021
Publié le vendredi 10 mars 2017  |  La Nation
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© Autre presse par DR
La cité lacustre de Ganvié






Le Bénin dispose d’énormes atouts pouvant lui permettre de rivaliser avec les grandes destinations d’Afrique. Sauf que le pays s’y prend mal. Le taux de fréquentation de la richesse touristique laisse à désirer, du moins jusqu’à un passé récent. Mais on note une volonté affichée du régime du Nouveau départ à révolutionner le secteur.

Le Bénin met la barre haute et se fixe de grandes ambitions à l’horizon 2021 pour son secteur touristique. Pour y arriver, le Gouvernement déploie ces derniers mois l’artillerie lourde. Plans, projets, projections, prévisions… le tourisme à peine présent dans les débats publics est devenu la tasse quotidienne. Ministres, chefs d’agence, puis le président de la République lui-même ne font pas dans la dentelle. « Patrice Talon nous fait rêver », confesse Alméric Fandohan, jeune opérateur touristique. Le président de la République du Bénin, dit-il, lui donne des raisons de s’accrocher à un secteur d’où il comptait partir « pour se chercher ailleurs ».

En effet, le discours du chef de l’Etat est accrocheur. « Nous sommes riches d’un patrimoine historique extraordinaire dont nous pouvons être fiers. Ce patrimoine doit nous permettre de développer le tourisme, un secteur capteur d’emplois et capable de faire rayonner le Bénin dans le monde. Enfin, nous avons un capital humain de grande réputation avec de nombreux Béninois qui se distinguent dans le monde entier », s’enorgueillit le président Patrice Talon, à l’occasion du lancement du programme d’action de son gouvernement, promettant ainsi que le jadis quartier Latin de l’Afrique « va redorer son blason et révéler au monde ses talents et ses compétences ».
Le secteur est hissé au rang des priorités de son quinquennat. Sur les 45 projets phares du mandat, le tourisme absorbe six : Parc de la Pendjari, cité lacustre de Ganvié, pôle Abomey – Porto-Novo, tourisme premium-tata Somba, cité historique de Ouidah, stations balnéaires.
A la tête de l’Agence nationale de promotion des patrimoines et du développement du tourisme (Anpt), créée pour booster le secteur et le hisser au rang de priorité de développement, l’écrivain et metteur en scène José Pliya enchaîne les actions pour donner corps au rêve du président Patrice Talon. « Notre objectif d’ici la fin du quinquennat c’est d’atteindre 700 000 touristes », projette l’homme. Mais l’ambition ici n’est pas seulement en termes de chiffres. José Pliya explique en effet que l’autre ambition, c’est d’augmenter la part du tourisme de loisirs. « Toutes les projections nous donnent de bons espoirs d’y arriver parce que nous allons développer la Pendjari, les Tata Somba, créer un nouveau musée à Abomey, un nouveau musée des arts, civilisation et Vodoun à Porto Novo, développer le tourisme balnéaire et historique avec la route de l’esclave à Ouidah », annonce-t-il.
Officiellement, indique le directeur de l’Anpt, entre 2017-2021 un investissement de 600 milliards de francs Cfa est prévu pour le tourisme. « Un effort sans précédent » qu’il salue, arguant que le chef de l’Etat et son gouvernement ont pris la mesure de la situation. « Quand vous avez un vrai trésor, une mine d’or, vous mettez beaucoup de moyens dedans parce que savez que le retour sur investissement sera colossal. C’est ce que nous faisons. Investir dans notre tourisme, créer des espaces, aménager nos sites touristiques, créer de vrais produits touristiques aménager des packages et dès qu’on l’aura fait, l’Etat aura fait ses investissements, le privé prend le relais pour faire fructifier », poursuit-il.
Autant de balises qui verront arriver les touristes avec de nouveaux « produits phares » et « une communication internationale ». Seulement, il faudra, détaille-t-il, réhabiliter les réceptifs hôteliers, former les guides … D’ici deux ans, donc en 2019, « une grande campagne internationale sur la destination Bénin » sera faite, promet-il. José Pliya se veut tout de même prudent : « Nos projections sont prudentes, mais nous pensons objectivement que les cinq cent mille touristes peuvent être dépassés d’ici la fin du quinquennat ».
En fait, le Bénin ne tire pour l’instant que peu de choses de son secteur touristique malgré l’énorme potentialité dont le pays regorge. Le secteur ne représente que 0,7% du Pib. Les derniers chiffres officiels, pour la saison 2014-2015 « parlent de 200 000 touristes ». Un chiffre peu accrocheur lorsqu’on observe le taux de fréquentation de certains pays ouest-africains. « Quand on observe l’absence de politique, on peut l’accepter. Sans rien faire, on a droit à 200 000 personnes. Imaginez qu’avec un peu de communication on peut doubler ce chiffre là », soutient José Pliya.

Tourisme de loisirs et d’affaires

« Pour développer le tourisme, il faut réussir à réaliser l’attractivité des territoires donc la préservation et la mise en valeur du patrimoine. Ces actions induisent la création d’emplois et on crée des richesses qui impactent la population. Nous allons créer des facilités et des conditions pour que les gens aillent visiter nos sites », soutient Richard Sogan, secrétaire général du ministère en charge du Tourisme. Des aménagements pour faciliter l’accès aux sites, bien accueillir les touristes, l’érection des équipements de confort, la modernisation des routes, du système de transport, de santé sont autant d’éléments prévus, selon lui, pour mettre les touristes dans le confort. D’autres aménagements à proximité des sites sont prévus pour impacter le tourisme et même au-delà les populations en général et les communautés vivant dans la zone. Le « tourisme de voisinage » aura ainsi tout son sens, aux côtés du tourisme international, explique-t-il. « Il y a un lien, de manière à ce que toutes les actions soient inclusives. Nous allons donc créer une nouvelle race d’entrepreneurs, faciliter l’accès au crédit parce qu’on va créer les conditions pour que les porteurs de projet dans le cadre du touriste culturel puissent créer de la richesse et des devises. Et les promoteurs seront des privés. De nouveaux marchés vont se créer et même les banques vont en bénéficier », espère Richard Sogan.
Une vision largement partagée par José Pliya. Celui-ci projette deux formes de tourisme : le tourisme d’affaires et le tourisme de loisir. Si le premier est déjà présent au Bénin, par contre le second reste peu développé et il compte y travailler. « Pour le tourisme d’affaires, les infrastructures sont déjà en place et est la première niche du tourisme béninois. Ce que nous voulons tout en conservant ce tourisme d’affaire, c’est augmenter la part du tourisme de loisir ». C’est pour cette nouvelle cible que le patron de l’Agence nationale de promotion des patrimoines et du développement du tourisme dit travailler. Pour ces nouveaux touristes : Occidentaux, Afro-descendants… il sera créé les infrastructures y afférentes. « Notre objectif c’est de changer la donne. Nous allons aménager nos sites, créer de nouveaux réceptifs hôteliers dans les villes qui vont accueillir les sites de loisirs… », insiste José Pliya. Un travail qui, reconnaît-il, « a besoin de temps ». D’autres « mesures suivront pour faciliter le visa électronique par exemple et alléger l’arrivée des touristes internationaux. A côté des facilités offertes aux africains, il faut qu’il y ait au moins une simplification numérique pour que les autres touristes aient la même facilité pour venir au Bénin », suggère-t-il aussi.

La suppression des visas : un pas de géant

Le Bénin allège les formalités d’entrée sur son territoire à plusieurs pays africains. Les ressortissants des pays comme l’Afrique du Sud, l’Angola, le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Gabon, le Tchad, la Guinée équatoriale, la Tanzanie, le Rwanda, le Zimbabwe etc… peuvent, depuis quelques jours, fouler le sol béninois sans difficulté et formalité protocolaires de visas. Les ressortissants de ces pays « sont exemptés du visa d’entrée au Bénin pour une durée n’excédant pas 90 jours ». Cette mesure inspirée de l’expérience rwandaise avait été annoncée par le chef de l’Etat béninois, de retour d’une visite officielle effectuée au Rwanda du 29 au 31 août 2016. Si la mesure vise à faciliter les échanges entre le Bénin et les autres pays du continent, elle penche également en faveur de la promotion touristique.
« Il s’agit d’une mesure très importante puisqu’il y avait déjà les pays de la Cedeao qui n’avaient pas besoin de visas mais là, le Gouvernement suivant la volonté du chef de l’Etat, a entériné que 40 pays n’ont plus besoin de visas pour venir au Bénin », explique José Pliya. Selon lui, « c’est un grand pas » et c’est aussi « l’un des premiers verrous pour le développement du tourisme, la circulation des personnes sans tracasserie administrative ». Et d’ajouter que « c’est d’abord un geste politique ». Pour le secteur touristique, poursuit-il, « c’est un signe puissant adressé à tous les tours opérators pour leur dire de se tenir prêts ». Avec cette mesure, pense José Pliya, les professionnels de tourisme qui se plaignaient auront du grain à moudre. La suppression de ces tracasseries administratives, pense-t-il, « libère des énergies » et le Bénin peut espérer du monde qu’il faudra « accueillir dans de bonnes conditions ».
Oscar Tossavi, directeur d’une agence de tourisme et de billetterie, salue également la prise de cette décision pour laquelle les professionnels du secteur se sont battus depuis de nombreuses années. « Nous avions mené pas mal de démarches pour faire comprendre que ce qui fait que des pays comme le Sénégal ont de l’avance sur nous en ce qui concerne le flux touristique, c’est d’abord les questions de visa », explique-t-il. Pour lui, lorsque le touriste pense à toute la tracasserie, et qu’il n’a pas un intérêt particulier ou une urgence, il est démotivé. « Entre un pays qui n’exige pas le visa avant embarquement dans l’avion et celui qui en fait une obligation, le taux de fréquentation n’est pas le même », commente-t-il. Mais, indique Oscar Tossavi, il reste des efforts à faire. La décision du chef de l’Etat, observe-t-il, ne touche que le visa et à court terme accordé aux Africains. « Une telle décision, limitée aux Africains, ne va pas trop booster le flux touristique tel qu’on le pense », soutient l’opérateur. Et d’argumenter ensuite que cette mesure est accordée à des pays « qui ont presque les mêmes curiosités touristiques » que le Bénin. « Ils viendront peut-être faire des affaires », lance-t-il.

Quid de la Route des pêches?

Le projet dit « Route des pêches » a été annoncé depuis des années comme un élément majeur du renouveau touristique du Bénin. Mais des actes à la parole, il s’est creusé un long fossé qui n’a permis aucune matérialisation. Les décennies se sont écoulées sans que le fameux projet ne prenne corps. Des énonciations, de la parole, quelques actions d’éclat… et puis, plus rien. La fameuse Route des pêches n’a jamais réussi à se concrétiser. Il a fallu attendre les ultimes moments du second mandat de Boni Yayi, président de la République d’alors pour que démarre, enfin, les travaux censés aboutir à l’érection de la route tant attendue. Ensuite, le Gouvernement du président Patrice Talon qui a repris à son compte ce projet dans son Programme d’action a, en Conseil des ministres, mercredi 15 février dernier, décidé de donner un coup d’accélérateur au projet et de le redimensionner. Les ambitions ont été également revues à la hausse.
« Dans le cadre de la mise en œuvre du Programme d’action du Gouvernement et en vue de décongestionner la ville de Cotonou, le Gouvernement a retenu de faire passer désormais une partie du trafic portuaire par la route des pêches. Dans cette perspective, la structure de la chaussée initialement retenue devrait être redimensionnée en vue de la renforcer », annonce le ministre d’Etat secrétaire général à la présidence de la République au sortir du conclave gouvernemental.
« Les négociations engagées avec l’entreprise Adeoti Sarl (société en charge des travaux Ndlr) ont permis de retenir une nouvelle structure de la chaussée dont les caractéristiques rassurent quant à la solidité de cette voie, qui pourra supporter un trafic lourd pour une durée de 20 ans », indique-t-il. C’est encore lui qui fait savoir que le Conseil des ministres « a autorisé la poursuite des travaux sur la base des nouvelles options retenues et la prise d’un avenant au marché relatif à l’exécution des travaux d’aménagement et de bitumage de la Route des pêches phase I, tronçon Cotonou-Adounko (13,20 Km) confiés à l’entreprise Adeoti Sarl.
Le coût global des travaux s’élève à 26,2 milliards de F Cfa hors taxe. Le financement est assuré par la Banque ouest-africaine de développement (Boad) et un préfinancement de l’entreprise concernée à hauteur de 18,7 milliards F Cfa. Une nouvelle qui vient comme pour apaiser les incrédules comme J.B., promoteur d’un espace de divertissement situé sur la plage de Fidjrossè. Pour lui, il y a désormais « des raisons de croire que la route se fera ». Mais tous ne voient pas cette nouvelle option d’un bon œil.
Dans un article publié récemment dans un quotidien de la place, Dominique Fifatin écrit : « Le projet de la Route des pêches était venu à point nommé et devrait permettre au Bénin de promouvoir, entre autres, le tourisme côtier en vue d’en tirer un meilleur profit pour l’économie béninoise. Malheureusement, le Gouvernement actuel a remis en cause cette vision et a suspendu la construction de cette route ». Selon le communiqué du Conseil des ministres du mercredi 15 février, retient-il, « Le Gouvernement a retenu de faire passer désormais une partie du trafic portuaire par la route des pêches ». Et pour lui, « Cette décision met en danger le tourisme côtier » dans notre pays.
A l’en croire, « Le Bénin dispose de l’une des plus petites côtes en Afrique avec une longueur de 125 km dont à peine la moitié est réellement exploitable à des fins touristiques… La bande jouxtant l’aéroport de Cotonou et conduisant à Ouidah qui correspond au projet touristique de la Route des pêches, paraît la plus adaptée à l’exploitation touristique ». Aussi, indique-t-il que « comme le prévoit le Programme d’action du Gouvernement, cette zone se prête à l’aménagement de stations balnéaires pour en faire des espaces de loisirs et de détente et accueillir des hôtels de haut standing, ainsi que des établissements de luxe ». Sa conclusion, c’est que « la déviation du trafic portuaire par la route des pêches réduira certainement l’attrait touristique de cette zone » et « le passage de camions gros porteurs ne rime pas avec le tourisme balnéaire ».

Josué F. MEHOUENOU
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