Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aCotonou.com NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Proposition de loi sur le renseignement : Un futur crime en téléchargement…
Publié le lundi 13 mars 2017  |  Matin libre
Ouverture
© aCotonou.com par TOP
Ouverture du Forum National sur la Diaspora
Jeudi 19 Décembre 2013, Palais des Congrès, Cotonou : Le Forum National sur la Diaspora est lancé Photo : M. Nassirou Arifari Bako, Ministre des Affaires Etrangères, de l`Intégration Africaine, de la Francophonie et des Béninois de l`Extérieur




À circonstances exceptionnelles mesures exceptionnelles. Des menaces graves pèsent sur notre démocratie, sur nos libertés individuelles si certaines propositions de loi qui sont à la table des députés venaient à être votées en l’état.

Dans les développements ci-après j’aborderai les limites non exhaustives mais matérielles de la proposition de loi sur le renseignement du député Nassirou Bako-Arifari

Dans un contexte international de lutte contre le terrorisme, la criminalité ou la délinquance organisée, que les députés veuillent doter notre pays d’un cadre législatif pour le renseignement est une très bonne chose pour éviter les abus. Les rebondissements de l’affaire Ajavon trottent encore dans nos têtes avec l’implication des services de renseignement de la présidence. Mais si ce cadre législatif contribue à renforcer les pouvoirs illimités du président de la République conduisant à des atteintes disproportionnées du droit au respect de la vie privée et du secret des correspondances, là il faut vraiment s’inquiéter.

Cinq remarques fondent mes propos :

La première est attenante au statut du demandeur : Dans l’article 2 de la proposition de loi sur le renseignement, c’est le président de la république qui prend l’initiative de diligenter toutes actions visant à effectuer des écoutes téléphoniques, filatures ou tout autre procédé, moyen ou techniques de renseignement contre tout citoyen à l’exception des personnes bénéficiant d’une immunité, c’est-à-dire les députés, les membres des hautes institutions de la République.

La seconde remarque est inhérente au contrôle de la procédure : Selon le même article 2, le recours à des mesures exceptionnelles de collecte de renseignement sur des citoyens est subordonné à une simple information du procureur général, lui-même sous l’autorité du ministre Garde des Sceaux qui lui-même est sous l’autorité du chef de l’Etat. C’est donc le serpent qui se mord la queue. Quelle hérésie intellectuelle !

Dans son article 10, le coordonnateur a la liberté de disposer des renseignements collectés à sa discrétion sur simple information du président de la république. Quelle est l’efficacité de ce contrôle?

Cette proposition de loi aurait dû prévoir un contrôle institutionnel indépendant des autorisations administratives du président de la république en cas de recours à des procédés de renseignement sur des citoyens. À l’image de la France qui s’est dotée d’un organisme indépendant, la Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignements (CNCTR), composée de magistrats, d’élus et d’expert en communication électronique, le Bénin a tout intérêt à se doter d’un tel organe.

La troisième remarque est attenante à la qualification professionnelle, technique du coordonnateur national du renseignement : L’article 4 de la proposition de loi dispose que le président de la république est assisté par le coordonnateur national du renseignement qu’il nomme par décret. La proposition de loi ne mentionne aucune précision sur la nature des qualifications techniques, ni de l’expérience ni de l’ancienneté de ce coordonnateur national du renseignement. S’agit-il d’un agent assermenté ou non? Autant d’imprécisions qui rendent le statut de cet agent précaire pour l’exploitation d’informations sensibles.

La quatrième remarque porte sur l’irresponsabilité pénale des agents pénalement fautifs des services de renseignement : l’article 11 rend pénalement irresponsable l’agent qui aurait commis des infractions dans l’exercice de la collecte des renseignements. Nous aurons donc touché le fond en érigeant la dictature institutionnelle dans notre pays.

La dernière remarque est relative au moyen de recours : l’article 18 de la proposition de loi dispose des moyens d’exercice du recours devant les juridictions judiciaires sans pouvoir spécifier les personnes ayant cette capacité : est-ce le citoyen faisant l’objet de collecte de renseignements? Une organisation de défense des droits de l’homme? Le président lui-même qui a l’initiative de la procédure? Encore une autre entourloupe qui ne donne en réalité aucune possibilité de recours au citoyen car la loi est imprécise. Comment peut-on faire recours d’une procédure censée être confidentielle? En pratique cette proposition de loi n’offre aucune possibilité de recours.

Béninoises, béninois, chers compatriotes, vous imaginez la boîte de pandore qu’ouvre cette proposition de loi qui fragilisera tout citoyen que vous soyez opposant politique, avocat en litige avec l’administration, médecin en communication avec son patient recherché ou simplement tout journaliste dans ses échanges avec les tiers.

J’en appelle à la responsabilité des députés qui ont la charge du vote de cette proposition de loi. On n’est pas député toute sa vie mais on est citoyen toute la vie. Voter cette loi, c’est donner le bâton pour vous faire battre demain. Voter cette loi c’est voter l’arbitraire en république du Bénin.

Vous avez la lourde responsabilité de ne pas écraser nos libertés individuelles avec cette proposition de loi.

Je vous remercie.
Dine Eric ADECHIAN
Consultant financier, blogueur politique
Commentaires