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Rosine Soglo : «Le projet est liberticide, personnalisé, taillé sur mesure et donc risqué»
Publié le lundi 3 avril 2017  |  Notre Voix
Rosine
© Autre presse par DR
Rosine Vieyra Soglo ancienne première dame et actuelle doyenne d`âge de l`Assemblée nationale.






Après la bourde de la présidente Rosine Vieyra Soglo contre la procédure d’urgence demandée par le président Patrice Talon pour la révision de la constitution, on est davantage fixé sur la position de la doyenne d’âge de la 7è législature au sujet du projet gouvernemental. Dans une note en date du 27 mars 2017 déposée au Parlement, la dame de fer a formulé quelques observations. De la philosophie du projet, en passant par le contenu du projet, les conséquences puis les limites du projet pour finir avec les conclusions, Rosine Soglo n’a pas raté le gouvernement.



Note sur le projet de loi de révision constitutionnelle, Mars 2017



Cette note donne quelques éclairages sur la philosophie du projet de gouvernement, le contenu et les conséquences si ce projet aboutissait.

I- La philosophie du projet


L’idée de réviser la constitution de 1990 est désormais acquise par tous. Cependant à la différence des deux projets tirés des travaux des commissions Ahanhanzo Glèlè et Joseph Gnonlonfoun, le présent projet est commandé par un diagnostic erroné et une fausse idée de l’indépendance en démocratie. Le Projet actuel ne révise pas la Constitution de 1990. Il la réécrit de fond en comble et substitue à la Constitution de 1990, par un détournement de procédure, une autre constitution.

II- Le contenu du projet


Le projet adopté en conseil des ministres et soumis au Parlement est le projet le plus risqué jamais conçu au Bénin, voire dans l’histoire des nations démocratiques. Son contenu est saisissant et inédit. Ce projet de loi constitutionnelle :
-reformule 43 articles de la Constitution;
-affecte presque toutes les institutions de la République;
-fait traverser la révision par toutes les institutions de la république. (Leur mode d’organisation, leurs attributions, leurs règles de fonctionnement);
-définit de nouveaux mandats pour le Parlement, le Chef de l’Etat et attribue presque généreusement au Parlement et aux Conseils municipaux et communaux une durée supplémentaire;
-supprime le Conseil économique et social (Seul espace institutionnel de représentation, de proposition et d’actions des forces sociales et économiques);
-soustrait désormais le Chef de l’Etat de la justice, y compris à la fin de ses fonctions, quel que soit le délit ou le crime commis;
-confisque la signature du peuple en retirant au Parlement un droit fondamental, celui de ratifier les accords internationaux;
-intègre dans la Constitution, chose inédite, un organe de renseignement;
-etc.

III- Les conséquences


Le projet présente des risques pour le pays, pour sa démocratie, les libertés individuelles et collectives et surtout pour la stabilité dont le Bénin jouit depuis 27 ans.

Si le projet du Gouvernement, est adopté en l’état,

-il va inaugurer une autre Constitution;

-il va introduire dans une loi fondamentale, comme jamais on ne l’a vu dans un pays démocratique, des visées personnelles, des verrous de protection de quelques-uns, la confiscation des droits du Parlement et de certaines libertés;

-il va remettre en cause les bases de la stabilité politique du Bénin;
-il pourrait ouvrir un nouveau cycle d’instabilité auquel notre pays a pourtant tourné le dos depuis 1990.

-il va induire un vrai remue-ménage juridique, ouvrir un vaste chantier car, l’on va devoir amender le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, réécrire les lois organiques de toutes institutions, réécrire leur règlement intérieur. Suivra ensuite le temps (il peut être long) de la mise en place de ses institutions.



IV- Les limites du projet


Les limites à la révision proposée par le gouvernement sont de deux ordres. Ce sont les limites démocratiques et les limites jurisprudentielles.
1ère question : Le Parlement peut-il, seul, prendre la responsabilité de réécrire la Constitution ? A-t-il la légitimité suffisante pour se substituer au peuple et valider une modification substantielle du pacte social que notre peuple a oint lors du référendum du 02 décembre 1990?

La réponse : Même si les articles 154 et 155 habilitent le Parlement à réviser la Constitution, ce pouvoir ne peut pas consister en une réécriture, un changement de Constitution, dans le dos du peuple.

2è question : Le Parlement peut-il redéfinir la durée de son mandat sans s’en référer à son mandant, le peuple béninois, qui a fixé le terme à quatre (04) ans ?

La réponse : Au plan démocratique, le Parlement ne peut réaménager son propre mandat sans l’onction du peuple souverain.
3è question : Est-il possible de conduire cette révision à son terme sans courir le risque d’une censure de la Cour constitutionnelle ?

La réponse : Au moins deux (02) décisions de la Haute juridiction encadrent le pouvoir de révision. Ces décisions imposent le Consensus et excluent de toute révision des matières que le texte du Gouvernement reformule pourtant.

Ce sont :

1- Décision « Consensus national» DCC 06-074 du 8 juillet 2006
2- Décision «Options fondamentales de la Conférence nationale». DCC 11-067 du 20 octobre 2011.



V- Quelques conclusions


Au terme de cette analyse, trois conclusions peuvent être tirées :

D’abord, il apparait que ce projet dans sa nature est liberticide, personnalisée, taillée sur mesure et donc risqué.

Ensuite, ce projet manque de modestie et prétend guérir un pays qui n’est pas malade de sa constitution, au contraire qui est un modèle envié pour stabilité, ses alternances, la maturité de son peuple et la vitalité de ses institutions malgré quelques dysfonctionnements.
Enfin, tout projet de révision de la Constitution de 1990 qui porte atteinte s’attaque aux mécanismes essentiels de la Constitution, à ses articulations et aux piliers sur lesquels l’édifice est assis, dépasse la seule appréciation, mais doit être soumis au peuple souverain, par voie de référendum.



Signé de l’honorable Madame Rosine VIEYRA SOGLO, doyenne d’âge de la 7è législature



Cotonou, le 27 mars 2017
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