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Maitre Sadikou Alao, Président de GERDESS Afrique: « Les Parlementaires auront désormais recours aux sachants avant l’introduction de toute loi »
Publié le lundi 24 avril 2017  |  L`événement Précis
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© Autre presse par DR
Maître Sadikou Alao, Avocat




C’est depuis son bureau dans la soirée de ce samedi 22 avril 2017, que le Président de GERDESS Afrique, Maitre Sadikou ALAO nous a donné ses impressions de la dernière décision d’annulation de certaines lois par la Cour Constitutionnelle. Invité de votre rubrique hebdomadaire, ‘’INVITE DU LUNDI’’, il a salué la clairvoyance et l’objectivité ayant caractérisé les sept sages de la Cour. Il estime que c’est une leçon au gouvernement et surtout aux parlementaires qui devront désormais se faire le devoir de consulter les sachants, avant toute introduction de loi à l’hémicycle, d’où qu’elle viendra et quel que soit son initiateur. En outre, à la question de savoir si c’est l’entourage du Chef de l’Etat qui constitue un frein au succès de certaines décisions, cet acteur de la société civile pense plutôt que c’est parce que le Chef de l’Etat est « autoritaire » dans les décisions qu’il vient souvent soumettre après étude, avec une minorité mal informée des réalités liées aux questions. Une stratégie qu’il appelle le Président de la République à revoir.

L’EVENEMENT PRECIS : La Cour vient encore de casser de nouvelles lois votées par les députés. Des lois que vous avez dénoncées, il y a quelques semaines, notamment la loi sur les collaborateurs extérieurs. On dirait que la Cour a approuvé votre inquiétude en vous donnant, avec certaines centrales syndicales, raison. Quelle est votre impression ?

Maitre Sadikou Alao : Au fait, je n’ai pas le sentiment d’une victoire quelconque. Cela tombait sous le bon sens. On a toujours recruté au Bénin, et au niveau public, des gens qui ne sont pas fonctionnaires. On leur a fait des contrats spécifiques. Même de nombreux ministres ont eu des contrats sans appartenir à la fonction publique. Donc, il y a toujours la possibilité d’avoir un contrat. Mieux, ce qui nous a paru personnellement extraordinaire dans cette loi, c’est le fait de vouloir recourir à des agences de travail temporaire. Ce qui est la meilleure manière de maquiller le recrutement et le vrai salaire. Parce qu’une agence de travail temporaire qui recrute et qui met quelqu’un à votre disposition, ne doit pas révéler les modalités de son contrat avec l’intéressé. Tout ce que l’agent vous notifie, c’est le montant que vous devez payer et les taxes qui y sont assignées. Donc quelqu’un peut être payé à Un (01) million de francs Cfa, alors que l’Etat serait en train de payer dix millions de francs Cfa, à l’agence. Donc cela permet toute sorte de fraude. C’est bien que la Cour ait relevé quelque chose de beaucoup plus grave. C’est qu’il avait déjà une loi en la matière. Donc les personnes à solliciter à l’extérieure pouvaient déjà l’être en toute légalité dans un cadre légal. On ne voit pas pourquoi ajouter une nouvelle loi en moins d’un an, sauf pour dire que les agences de travail temporaire pourraient fournir de main d’œuvre. Ce serait une manière spécieuse pour ne pas dire frauduleuse d’introduire dans le système de recrutement dans la fonction publique, des agents de travail temporaire. C’est cet apport que la Cour a ajouté et qui est une bonne chose.

Est-ce à dire que l’Assemblée Nationale ne filtre pas suffisamment les lois ?

C’est possible. Je pense peut-être qu’elle n’a pas les moyens de comprendre ou de faire des investigations. En raison de manque d’encadrement ou de bureaux spécialisés pour des recherches. Je crois que cela va les inciter à l’avenir à faire beaucoup plus attention pour ne pas donner l’impression d’être une simple chambre de résonance.

Il y a eu beaucoup de lois qui ont en effet pris par là et votées comme une lettre à la poste. Personne n’avait saisi la Cour. Vous en dites quoi ?

Les gens saisissent de plus en plus la Cour. Je pense que la Cour trouve qu’il y a trop de lois en très peu de temps qui posent problèmes et n’a pas voulu continuer à fermer les yeux sur les détails. Je crois que ça devient très important. Il faut s’attendre à ce que ça soit le tour de l’Assemblée nationale elle-même, telle qu’elle est décriée. Donc elle doit se poser des questions et même demander des contributions extérieures pour s’accompagner. Moi, je n’ai jamais été saisi par tel parlementaire qui me demande de lui commenter tel ou tel projet de loi. Je crois qu’avec l’expérience que nous sommes en train d’avoir, où les parlementaires sont de plus en plus interpelés, se feront le devoir d’interpeler à leur tour des sachants pour des conseils. Je crois que c’est une bonne chose, cette décision de la Cour. Cela va permettre aux parlementaires d’être désormais beaucoup plus regardants.

Certains estiment que la Cour est rentrée dans une position d’opposante au régime tandis que l’Assemblée nationale serait de la mouvance. Avez-vous la même impression ?

C’est toujours ce que les gens disent. Quand la Cour a autorisé le Chef de l’Etat à acheter un immeuble, ce qui est tout à faire irrégulier, nous avons tous décrié l’opération. Car, l’immeuble n’a pas été mis en vente publiquement pour que tout le monde le sache. Comment le Chef de l’Etat a fait pour savoir qu’il faut mettre en vente ? Donc si lui, il décide d’acheter quelque chose pourvu que le prix soit régulier, on met ça en vente aussitôt. Non, c’est lui qui dirige le gouvernement. Le ministre concerné est sous ses ordres. Donc la cour elle-même, pour cette acquisition immobilière, n’a pas vérifié si les règles publiques qui doivent être appliquées en la matière l’ont été. La cour doit faire attention sur cet achat qui n’est pas régulier. C’est un conflit d’intérêt. La Cour l’a approuvé. Elle a vérifié les conditions de la vente, mais pas les conditions de mise en vente. Comment a-t-il été informé lui que l’Etat voulait vendre cet immeuble, alors que c’est d’intérêt public, pour recevoir les étrangers ? Il y a plein de choses.

Pensez-vous que le député en question peut ramener cette loi après modification ?
Tout ce que les parlementaires introduisent, ces temps-ci, soit disant que c’est eux, quand on regarde bien, c’est du gouvernement. Comment le député au parlement ne sait-il pas qu’une loi avait déjà visé le même objet, il y a quelques mois ? Il faut que les gens se comportent véritablement comme des parlementaires et non des caisses de résonance. L’attitude de la Cour va obliger les chantres du gouvernement à faire désormais attention dans leur proposition.

Certains estiment que c’est parce que le Chef de l’Etat est mal entouré que les décisions ne sont pas bien mûries. Qu’en dites-vous, en tant qu’un acteur averti ?
Je ne suis pas sûr qu’il soit mal entouré. Quand j’analyse ce qui se passe, le Président est très autoritaire. Il a ses opinions et il essaie de les faire exécuter par ceux qu’on appelle son entourage. Ils font plus un travail défensif qu’un travail offensif. Je prends par exemple le gouvernement. On va me dire qu’au gouvernement là, qu’il n’y pas de technocrates pour dire au gouvernement, sur les décisions, qu’il y a des normes ? Mon sentiment est qu’il y a un gouvernement que tout le monde voit et un autre dans l’ombre qui décide de tout. Et les décisions sont présentées comme celles du gouvernement. Cela se saura un jour. Je suis certain qu’il en est de même pour ceux qu’on appelle les technocrates dans ce gouvernement qu’on nous présente. On leur dit de trouver des moyens de mettre en œuvre une décision déjà mûrie ailleurs. Il suffit de dire quelque chose dans les réseaux. Vous verrez une ruée qui vous assaille automatiquement. Je ne suis pas sûr que les technocrates du gouvernement soient blâmables pour la qualité du travail, mais blâmables pour avoir accepté de faire le travail dans ces conditions, y compris ceux qui sont au gouvernement. Quelqu’un qui aime le pays , lorsqu’il pense qu’il ne se retrouve pas dans l’action du gouvernement qu’on présente au peuple, il doit faire comme Azannaï.

Propos recueillis par Emmanuel GBETO
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