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Utilisation des ‘’pesticides coton’’ pour le maraîchage : Une pratique pernicieuse, selon Wilfried Yèhouessi
Publié le mardi 25 avril 2017  |  Matin libre




Les citadins béninois mangent plus de pesticides chimiques que de légumes selon l’ingénieur agronome Wilfried Yehouessi. Toute chose qui, selon ce phytotechnicien et consultant indépendant en Agriculture urbaine et périurbaine durable (Aupd), est fort préjudiciable à la santé. Pourtant, des légumes, il faut en consommer.

Matin Libre : Monsieur Wilfried Yèhouessi dites-nous d’entrée, qu’est-ce qu’un pesticide?

Wilfried Yèhouessi: L’Organisation mondiale de la santé (Oms) définit le pesticide comme un produit chimique utilisé dans l’agriculture pour protéger les récoltes des insectes, des acariens, des champignons, des mauvaises herbes et d’autres nuisibles. On distingue aussi les insecticides, les acaricides, les fongicides, les herbicides, etc. Au Bénin, comme dans plusieurs pays d’Afrique où se pratique la culture du coton, deux types de pesticides se démarquent. Les "pesticides coton" caractérisés par des matières actives toxiques et mortelles telles que le flubendiamide, le spirotétramate, et les pyréthrinoïdes. A l’opposé, les pesticides spécifiques aux denrées alimentaires en l’occurrence, les légumes, dont les matières actives lambdacyhalothrine, acetamipride, etc, sont relativement moins toxiques. Ce dernier groupe est également caractérisé par le "délai de carence" ou "délai avant récolte" c'est-à-dire le délai entre la dernière application du pesticide et la récolte qui reste variable entre 7 et 21 jours ou même plus. Les légumes eux, sont les parties comestibles (feuille, fruit, tige, racine, tubercules, etc) des plantes potagères c’est-à-dire les plantes employées pour l’alimentation. Des exemples de légumes cultivés au Bénin sont, la grande morelle, les choux, la carotte, l’oignon, etc. Ils constituent un apport alimentaire important et fournissent dans des proportions variables, de l’énergie, de l’eau (90–95% dans les légumes frais), des vitamines (vitamine A, vitamine C, vitamine B9, vitamine K, etc), des sels minéraux (calcium, potassium, magnésium, etc), des fibres alimentaires et d’autres nutriments comme les flavonoïdes aux pouvoirs antioxydants. Toutes ces propriétés font qu'il est recommandable de consommer des légumes tous les jours, sous la forme d'une portion à chaque repas, et sous des formes les plus variées possibles. Selon l’Oms, jusqu’à 1,7 millions de vies pourraient être épargnées chaque année moyennant une consommation suffisante de fruits et légumes.

Les citadins béninois selon-vous, mangent plus de pesticides chimiques que de légumes, comment?

La production des légumes est souvent sujette à plusieurs types de nuisibles provoquant une utilisation outrée des pesticides chimiques notamment par les maraîchers béninois. C’est ce désastre qui justifie ma décision de monter au pupitre de Matin Libre pour tirer à temps la sonnette d’alarme afin d’éveiller les consciences sur les pratiques phytosanitaires pernicieuses observées au niveau des périmètres maraîchers urbains et les dommages sanitaires qu’elles sont susceptibles de causer aux consommateurs. L’état des lieux que je vais présenter est tiré de plusieurs études réalisées au Bénin sur les pratiques phytosanitaires en production maraîchère. Ces études ont unanimement révélé trois faits alarmants. D’abord, les pesticides recommandés en culture cotonnière mais non en culture maraîchère sont très souvent utilisés sur les légumes. Ensuite, les dosages et fréquences appliqués lors du traitement dépassent largement ceux qui sont recommandés. Enfin, le délai avant récolte, qui est, pour rappel, la période entre la dernière application du pesticide et la récolte, est considérablement réduit. Ainsi, on trouve des traces de pesticides sur les légumes destinés aux consommateurs.

Comment reconnaître les légumes contaminés par les pesticides chimiques et quels sont les risques sanitaires liés à leur consommation?

C’est embarrassant. Il est très difficile aux consommateurs de distinguer à vue d’œil,les légumes contaminés par les pesticides chimiques et donc, quasiment impossible pour eux de choisir la qualité dans les lieux de vente. Le rapport des Nations-Unies sur le droit à l’alimentation publié le 24 janvier 2017, indique que les consommateurs ingèrent souvent un «cocktail» de pesticides via l’alimentation. Selon ce même rapport, une exposition cumulative élevée des consommateurs aux pesticides est préoccupante, en particulier, s’agissant des pesticides lipophiles qui se lient aux graisses et s’accumulent dans le corps. L’exposition des femmes enceintes aux pesticides entraîne un risque plus élevé de leucémie et d’autres cancers dans l’enfance, d’autisme, et de maladies respiratoires. Les résidus de pesticides sur la nourriture peuvent avoir des effets dévastateurs sur la santé des enfants notamment, perturber leur croissance physique et mentale et déclencher des maladies et des troubles dont ils souffriront à vie. Les pesticides peuvent aussi passer dans le lait maternel, ce qui est particulièrement inquiétant étant donné que le lait maternel est pour de nombreux nourrissons, la seule source de nourriture,et que leur métabolisme n’est pas suffisamment développé pour combattre les produits chimiques dangereux.Des risques cardio-vasculaires, d’atteinte à la reproduction, et aussi cancérigènes, ont été relevés par le scientifique Multigner en 2005. D’ailleurs, l’Agence internationale de la recherche sur le cancer (Iarc) reliée à l’Organisation mondiale de la santé (Oms) a classé certaines molécules chimiques, comme le glyphosate, une matière active d’herbicides utilisés dans la production du coton au Bénin, cancérigène “probable” ou “possible” pour l’homme.

La situation est manifestement alarmante. Quels seront donc vos conseils?

D’entrée, à l’endroit des pouvoirs publics, je conseille des actions répressives contre les distributeurs de pesticides prohibés ; des sanctions contre les individus de mauvaise foi qui détournent les pesticides coton vers les exploitations maraîchères et des contrôles périodiques sur les sites maraîchers pour veiller au respect des doses, fréquences de traitement et délais avant récolte des pesticides chimiques. Aussi, des analyses chimiques pour contrôler la qualité des légumes récoltés avant leur acheminement dans les marchés, s’avèrent nécessaires. En attendant l’application de ces mesures gouvernementales, je conseille aux consommateurs précisément à nos femmes, d’opter pour les légumes marqués de pourritures ou de perforations par les insectes (légumes tachetés) à défaut des légumes certifiés biologiques. C’est l’assurance qu’il y a encore une présence de vie.

Cyrience KOUGNANDE
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