La Campagne Tolérance zéro contre le mariage des enfants (Ctz) a été officiellement lancée, vendredi 16 juin dernier, au Palais des congrès de Cotonou. Elle s’inscrit dans le cadre de la vingt-septième Journée de l’enfant africain (Jea) et marque l’engagement du Bénin contre le phénomène du mariage précoce et forcé.
« Nous devons agir immédiatement, car si les tendances actuelles se poursuivent, le nombre de filles et de femmes mariées durant leur enfance dans le monde avoisinera 1 milliard d’ici 2030 ». C’est par cet appel pressant du coordonnateur résident du Système des Nations Unies, Siaka Coulibaly, que le top de la Campagne tolérance zéro contre le mariage des enfants (Ctz), a été lancé vendredi dernier. D’un ton ferme et unanime, les acteurs de la chaîne de protection s’accordent tous sur l’urgence pour le Bénin de bâtir une riposte efficace contre le phénomène. Selon le ministre en charge des Affaires sociales, Adidjatou Mathys, « Le mariage infantile touche 34% d’enfants dans le monde et 37% en Afrique ». Le Bénin constitue également un mauvais élève en la matière. La pratique est fortement ancrée dans la région septentrionale avec le Borgou et la Donga qui enregistrent respectivement 37,2% et 25,6%.
Dans le pays, « 3 filles sur 10 sont mariées avant l’âge de 18 ans », s’indigne le représentant résident de l’Unicef, Claudes Kamenga. Les victimes sont privées de tout espoir en la vie. De quoi toucher sa fibre sensible. « J’ai honte, car je ne comprends pas comment un homme de 50, 60 ans ou plus trouve normal de prendre comme épouse une enfant qui a l’âge de ses propres enfants…. ». A la honte, s’ajoute un sentiment de culpabilité. Ce qui l’amène à situer les responsabilités. « Nous avons failli à notre mission de protéger nos enfants afin de leur assurer un avenir radieux », s’offusque-t-il. Pour lui, les acteurs doivent marquer une pause pour essayer de comprendre ce qu’est le mariage infantile. « Quand les adultes décident de marier les petites filles, c’est une affaire de vol, de viol et de violence extrême », clame-t-il.
C’est au regard de ces paramètres que l’Union africaine (Ua) a décidé d’agir en lançant au niveau continental ladite campagne en mai 2014. Trois années après, le Bénin devient le vingtième pays à s’inscrire sur la liste des pays africains. Tout en le félicitant pour ce progrès, la représentante de la commissaire aux Affaires sociales de l’Ua, Mariam Cissé Mouhamed, l’invite à s’atteler aux changements des mentalités pour gagner le pari. « La victoire est à notre portée. Chacun doit jouer sa partition pour que l’Afrique soit un continent digne des enfants », exhorte-t-elle.
Pour sa part, le coordonnateur résident du Système des Nations Unies, Siaka Coulibaly, est persuadé que ce challenge conditionne l’avenir du continent. « Aucun pays ne pourra atteindre les Odd si les enfants sont sacrifiés. Il urge d’agir sans plus attendre contre le mariage des enfants afin de ne laisser personne de côté », lance-t-il.
La lutte contre le mariage infantile s’est fait également remarquer dans la dynamique inter-religieuse. Evoquant le phénomène, le représentant des leaders religieux, Fulgence Vodounon, a expliqué que « L’heure est grave et qu’affirmer le contraire peut être considéré comme un crime contre l’humanité. Le mariage des enfants est une injure à Dieu et une honte pour le Bénin », dénonce-t-il¦
Plaidoyers des enfants
A l’occasion du lancement de la Ctz, le représentant du conseil consultatif des enfants du Bénin, Mouzidath Bello, a formulé une série de plaidoyers à l’endroit des acteurs. Elle invite le Gouvernement à la mise en œuvre effective des textes protégeant les enfants et l’exhorte à introduire l’éducation sexuelle dans les programmes au cours secondaire à partir de la classe de 6e. Il s’agira pour les Osc, formule-t-elle, d’inciter le Gouvernement au respect des lois en faveur des enfants. Quant aux enfants, elle souhaite leur contribution à la réussite des initiatives prises en leur faveur.
En réponse à ces plaidoyers, la réponse du représentant du chef de l’Etat, Dénis da Conceicao Courpotin, qui a procédé au lancement officiel de la campagne a été immédiate. « Nous vous rassurons que les capacités seront renforcées à divers niveaux en vue de la mise en œuvre efficace des différentes actions et surtout de la protection pénale des enfants », a-t-il laissé entendre.
La campagne tolérance zéro coïncide avec la vingt-septième édition de la Journée de l’enfant africain dont le thème est intitulé « Accélérons la protection, l’autonomisation et l’égalité des enfants d’ici à 2030 ». A travers cette campagne, le Bénin vient d’amorcer un virage important dans l’histoire des droits de l’Homme et des enfants.
Maryse ASSOGBADJO