La fête internationale de la musique 2017 s’est tenue au Bénin, comme dans le monde. Mais cette fois-ci, l’Etat s’est refusé d’appuyer les organisations artistiques. Ce qui a davantage irrité les artistes qui, de plus en plus, se montrent dubitatifs quant à la volonté du régime Talon de faire rayonner la culture béninoise.
Du 21 au 25 juin 2017, les musiciens béninois ont fêté, à l’instar de la communauté artistique du monde. Et ceci, sans aucun financement du gouvernement béninois, comme à l’accoutumée. Depuis des décennies donc, pour la première fois, l’Etat n’a pas financé la célébration de cette fête dédiée à la promotion de la musique dans le monde. Cette mauvaise nouvelle a été portée aux acteurs, le vendredi 16 juin 2017, autour de 15 heures, à la salle de réunion du Ministère du tourisme et de la culture. Au nom du ministre donc, le Directeur des arts et du livre (Dal), Léon Zoha et le Secrétaire général du ministère (Sgm), Richard Sogan, ont clairement signifié aux organisations artistiques, l’impossibilité pour le ministère, de les appuyer dans l’organisation de la fête. Une information qui fait suite aux différentes lettres d’information envoyées au Ministère par les structures telles que la Confédération de la musique moderne et de la musique moderne d’inspiration traditionnelle (Cmmit), l’association Guru Records et la Confédération de la Confédération nationale des musiciens traditionnels du Bénin (Conamutrab). « A cette rencontre qui a duré environ une vingtaine de minutes, le Dal et le Sgm, au nom du ministre, nous ont officiellement notifié que la fête de la musique de cette année ne pourrait pas être financée. La raison évoquée est le manque de moyens. Ils nous ont rassuré que les choses seront mieux organisées l’année prochaine », nous a confié Eric Thomson, représentant la Cmmit à cette rencontre. Une information qui a exacerbé les artistes qui, en dépit de ce refus d’appui gouvernemental, ont néanmoins réussi à marquer l’événement.
Tenir la fête coûte-que-coûte !
Même sans financement, les organisations artistiques ne se sont pas privées de tenir le pari de l’organisation de la fête. Déjà, le mercredi 21 juin 2017, jour retenu pour la fête, deux concerts majeurs ont été organisés. Le premier, c’est celui tenu au Siège des arts et de la culture (Sac), à Akpro-Missrété, une commune sœur de Porto-Novo, la capitale du Bénin. Grâce aux cotisations de ses membres, la Confédération des musiciens modernes et modernes d’inspiration traditionnelle a réussi à organiser un concert live dans la soirée. Un concert live qui a reçu l’accompagnement bénévole des artistes tant locaux que ceux des différentes communes environnantes. Et tenir ce pari, relève d’un défi qu’il faut relever, selon les explications de Pidi Symph, le maître des lieux. « Ne pas organiser cette fête, c’est endeuillé les artistes. C’est pourquoi, nous nous sommes endettés pour l’organiser malgré le refus du gouvernement de nous soutenir comme cela se fait depuis le Général Mathieu, en passant par les Présidents Soglo et Boni Yayi », a fait savoir Pidi Symph qui s’étonne d’ailleurs de l’attitude du gouvernement face aux artistes béninois. « Depuis 15 mois déjà, nous ne comprenons plus rien du financement de la culture béninoise. Tout est bloqué et même les fêtes internationales sont ignorées par nos gouvernants. Nous ne savons plus où ils nous amènent. De toute façon, nous croisons les doigts pour voir jusqu’où ils iront avec cette situation de blocage », a-t-il expliqué. Et une fois sur le podium, les artistes ne manquent pas non plus d’inspiration pour déplorer dans leurs prestations, la nouvelle politique culturelle du pays qui met toutes les activités artistiques et culturelles en hibernation, vu que le seul guichet public de financement de la culture au Bénin, à savoir, le Fonds des arts et de la culture (Fac) reste jusqu’à ce jour bloqué. L’autre concert grandiose tenu, ce 21 juin 2017, c’est celui organisé par le Centre Africa Sound City de l’artiste et promoteur Baba Jah. Un concert tout feu toute flamme qui a même enregistré la présence du ministre du tourisme et de la culture, Ange N’Koué. Le vendredi 23 juin 2017, la Confédération nationale des musiciens traditionnels (Conamutrab) dans un élan de solidarité, a aussi marqué l’événement au Siège des arts et de la culture (Sac). Tous en tenue locale, uniforme, ils ont offert un concert live, 100% traditionnel aux populations d’Akpro-Missrété. Un concert qui a aussi enregistré la présence du directeur du fonds des arts et de la culture, Gilbert Déou-Malé. A l’occasion, les artistes qui se sont succédé ont improvisé des chansons pour exprimer leur désolation par rapport à la situation léthargique dans laquelle est plongée actuellement la culture béninoise. Et l’apothéose de cette fête a été le géant concert organisé par l’Association des managers actifs d’artistes du Bénin (Amacab). C’était le dimanche 25 juin 2017, au Stade de l’Amitié Général Mathieu Kérékou de Kouhounou. Là encore, l’organisation de la fête tient lieu d’un défi. « Nous avons dû cotiser entre nous, solliciter le soutien de quelques promoteurs et négocier la participation gratuite de certains artistes à ce concert qui relève pour nous, d’un défi majeur à relever. Ne pas organiser cette fête serait une honte pour notre pays. C’est pourquoi nous nous sommes pliés en quatre pour tenir le pari », a expliqué Eusèbe Dossou, le président de l’Amacab. Il faut dire que ce concert a enregistré la présence du directeur du Fonds des arts et de la culture et du ministre en charge des sports, Oswald Homeky. Et le défi de la fête internationale de la musique 2017 étant relevé, tous les regards sont désormais tournés vers celle de l’année prochaine. Celle-là que le ministère a promis soutenir pour se rattraper.
Donatien GBAGUIDI