Elle chante en bambara, en malinké, en français. Ses chansons très inspirées valorisent l’Afrique et la culture mandingue. Aïcha Koné ou encore maman Aïcha ou maman Africa était en prestation, le week-end dernier à Cotonou, à l’invitation du promoteur culturel Patrick Idohou, directeur de l’espace culturel Adjadi. A 60 ans, avec 40 ans de carrière et de scène, cette diva de la musique ivoirienne n’a rien perdu de sa voix. Et, reste optimiste quant au devenir de la musique africaine, tout en invitant les gouvernants à miser sur la culture pour faire décoller les pays africains. Interview…
La Nation : Aïcha Koné, on dirait bien que vous disparaissez petitement de la scène. Comment comprendre cela ?
Aïcha Koné : Je continue de tourner en Afrique, en Europe et même dans les Amériques. Au Brésil, nous avons beaucoup tourné ces derniers temps. Nous tournons ailleurs. Peut-être que les promoteurs n’y donnent pas assez de visibilité. Mais avec le Bénin, nous allons renouer le contact grâce à Patrick Idohou. Je ne viens pas quand il n’y a pas de demande et il faut compter aussi avec le calendrier. Il y a une demande assez forte vers certains pays. Je suis très heureuse de retrouver le Bénin et nous allons renouer avec le public d’ici.
Vous renouez ainsi avec le Bénin qui a eu la chance de vous avoir au début de votre carrière. Racontez-nous comment cela s’est passé !
La première fois que je suis venue au Bénin, je n’avais que deux chansons et nous avons pris ces deux chansons et nous avons fait le Togo, le Burkina et c’était parti comme ça. Cela m’a poussée à créer davantage à partir de Delikeleni, Zaka… J’ai beaucoup tourné aussi avec le Poly Rythmo. Cela a été de bons moments. Pour Aïcha Koné, la culture apporte beaucoup à un pays. Je connais Sagbohan Danialou qui chante très bien. Je respecte Nel Oliver. Je connais bien Stan Tohan aussi. Ce sont des artistes que je respecte beaucoup. On se rencontre parfois sur des festivals et chacun se bat pour faire parler de sa culture.
Comment avez-vous géré votre début de carrière ?
J’ai aimé ce boulot. C’est vrai que je suis d’une mère mandingue et de tradition très religieuse. Chez les Mandingues, ce sont les griots, une race de gens qui connaissent votre histoire depuis vos ancêtres jusqu’à vous et qui vous la racontent. Et ce domaine de la chanson-là est une propriété des griots. Pour moi qui ai voulu me lancer dans ce domaine, ma mère ne l’a jamais accepté. Elle n’y a jamais été favorable. J'ai persisté. J’ai été à l’Institut des arts dans le but de rencontrer Boncana Maïga qui m’a écoutée et qui m’a appréciée. Pour les premiers essais, j’ai été comme une révélation pour le public ivoirien. C’est la première fois qu'on voyait une petite qui s’essayait au micro. Ma carrière est partie comme ça, mais m’étant m’inspirée de personnalités du monde musical comme Myriam Makeba.
S’il vous était donné de tout recommencer, allez-vous opter pour le même cheminement ?
Je ne regrette pas d’avoir choisi mon métier parce que nous apportons beaucoup à la société. Même quand je prends l’exemple des jeunes qui chantent aujourd’hui, parfois ils ont des mots qui choquent et qui dérangent mais quand on pose la censure, c’est parce que la société s’y est intéressée. Je ne regrette pas ce métier parce que j’apporte sur le plan culturel et international et j’apporte à nos différentes nations. Je me dis que dans tout ce que nous faisons, il y a aussi quelque chose de potable qui intéresse le public et c’est pour cela que nous sommes invités de part et d’autre. Et puis, un pays qui veut évoluer ne peut avancer sans la culture. Je ne regrette rien. Aujourd’hui quand on dit qu’Aïcha Koné est là, ce n’est plus seulement Aïcha de la Côte d’Ivoire. C’est vous tous qui m’avez fabriquée.
En 40 ans de parcours, vous avez remporté deux disques d’or et un total de 45 distinctions. Qu’est-ce qui vous a le plus marquée durant votre carrière ?
Vous savez, j’ai toujours été bien accueillie partout où je vais. Partout où je passe, il y a toujours une familiarité entre les gens que je rencontre et moi. C’est l’effet de la magie des médias. Des gens qui ont l’habitude de vous voir à la télévision et vous faites partie de leur quotidien et ils finissent par s’habituer à vous. Pendant les concerts, ils chantent avec vous et puis ils vous adorent. On doit beaucoup aux médias et ensuite aux critiques.
Quelle lecture faites-vous de la musique africaine aujourd’hui et surtout des messages véhiculés ?
Certains messages ont leur impact. Quand aujourd’hui les artistes véhiculent des messages, cela porte bien. Je vis en Guinée depuis la crise. Et il y a eu ce phénomène d’Ebola. Les artistes sont venus de tous les coins de la Guinée pour chanter et sensibiliser contre Ebola. C’est ce que je disais. L’artiste a toujours un impact sur les populations à travers ses actions et ses œuvres.
L’artiste éduque en quelque sorte !
En effet ! Vous savez, quand j’ai fait le clip sur Ebola, il y a eu beaucoup de personnes, des femmes notamment qui ont cherché à me voir pour savoir si c’était effectif. Elles voulaient savoir si le mal existait réellement. Il suffit que quelqu’un que les populations admirent porte un message pour qu’elles se disent que si ce message vient d’une telle personne, c’est qu’il faut le prendre au sérieux. Donc nous avons beaucoup sensibilisé contre Ebola. Les artistes ont toujours quelque chose à apporter surtout à partir des textes lorsqu’ils sont bien écrits.
Vous donnez souvent des conseils aux jeunes artistes. Que leur diriez-vous cette fois-ci ?
C’est un métier noble. Mais il faut que celui qui veut embrasser cette carrière sache qu’il peut s’en sortir s’il veut être un exemple pour ceux qui le suivent. Un artiste doit savoir éduquer, savoir parler avec un public sans le décevoir. En une fraction de seconde, vous pouvez perdre des gens qui vous portaient une admiration inimaginable. Donc, c’est la tenue, le côté physique et le comportement spirituel qui font des artistes des éducateurs.