Le vingtième et dernier dossier de la session supplémentaire de la cour d’assises de la cour d’appel de Cotonou a été examiné, vendredi 6 juillet dernier. Les accusés Fèmi Olufadé et Chinedu Obosié, au terme de l’examen sont condamnés à 15 ans de prison. Ils y retournent pour cinq mois encore.
Fèmi Olufadé et Chinedu Obosié retournent en prison pour cinq mois encore, pour avoir eu le culot d’aller cambrioler la maison d’un commissaire de police. En examinant les circonstances de cette outrecuidance, la cour les a reconnus coupables de tentative de meurtre et les a condamnés à quinze ans de travaux forcés.
A la barre, vendredi dernier, sur les neuf accusés, ils n’étaient que deux dans le box. Les sept autres qui ont eu à bénéficier de liberté provisoire sont absents, et leurs cas ont été disjoints de celui des présents.
Fèmi Olufadé et Chinedu Obosié, tous deux Nigérians, n’ont pas collaboré pour la manifestation de la vérité. Malgré la mise en confiance de leurs avocats, ils n’ont pas aidé la cour à démêler l’écheveau.
Cela n’a pas empêché le représentant du ministère public de prendre ses réquisitions, selon sa lecture des faits. Pour Christian Atayi, le dernier dossier de la session supplémentaire confirme la délicatesse de l’art de juger. Il rappelle les faits et assoit la partition de chacun dans l’orchestration de la tentative de meurtre. L’accusé Akim Yèkini Yédji, en fuite, déclare-t-il, a reconnu qu’ils étaient sept à aller au domicile du commissaire Mathias Zomalètho.
A la barre, rappelle le ministère public, les accusés présents ont reconnu s’être nuitamment rendus au domicile du commissaire pour commettre un vol. Christian Atayi indique la partition de chacun d’eux ici.
Sur cette base, il retient que le crime d’association de malfaiteurs prévu par les articles 265 à 267 du Code pénal requiert trois éléments pour sa constitution : la participation à un regroupement ; le but de cette entente et l’élément intentionnel ou moral. Le simple regroupement, poursuit-il, suffit pour admettre cette infraction. Le but de cette entente est de poser des actes criminels qui mettent en péril la vie ou les biens.
L’intention d’aller opérer constitue le troisième élément. Ils ont reconnu s’être rendus au domicile du commissaire pour voler. Il en déduit que les éléments constitutifs de ce crime sont réunis à leur égard.
Par rapport au crime d’assassinat prévu par les articles 295 et 302, indique le ministère public, le dessein formé d’aller attenter à la vie d’une personne humaine s’y rattache. Les faits d’assassinat sur le commissaire ne sont pas établis au regard des éléments du dossier, relève le ministère public. Mais ils le sont par contre à l’égard de Crespin Gnassounou, le gardien des lieux qui a reçu une balle à la poitrine côté droit. Mais il ne paraît, à l’appréciation des circonstances de la commission des faits, qu’il s’agit vraiment d’un assassinat d’où Christian Atayi demande à la cour de disqualifier l’assassinat en meurtre, car il n’y a pas eu préméditation ni guet-apens. Il requiert alors de condamner Femi Olufadé à 20 ans et Chinedu Obosié à la perpétuité.
Des réquisitions hors norme ?
Des réquisitions qualifiées de hors norme par la défense. C’est d’abord Me Hugo Koukpolou pour le compte de Fèmi Olufade qui s’attelle à édulcorer les charges retenues contre son client. Ce dernier, admet-il, est un délinquant primaire. L’œuvre de justice est sacrée et il importe de connaître les circonstances de la commission des faits, indique-t-il. Une enquête de moralité le présente comme quelqu’un de gentil et qu’on a rencontré au marché Dantokpa, expose le ministère public. « Je ne sais pas ce qui l’a transformé pour qu’il change. Un ami lui a proposé d’aller voler car la misère, la pauvreté l’a accablé », justifie Me Hugo Koukpolou. « C’est un dossier humain et judiciaire. En tant qu’avocat, on ne peut nier qu’ils sont allés voler et pas plus. La tentative d’assassinat n’est pas constituée », justifie-t-il encore. La défense retient en conséquence l’acquittement relativement à la tentative d’assassinat.
Pour lui, les variations entre l’enquête préliminaire et les dépositions à la barre se justifient. « La victime principale était un commissaire », rappelle la défense. Il souligne le zèle des officiers de police judiciaire (Opj) pour conduire une enquête dans laquelle leur patron est attaqué. « Ils n’ont pas déclaré librement », relève la défense. Mais, fait-il observer, devant le magistrat instructeur, il n’y avait pas de bâton.
Par rapport à l’association de malfaiteurs, les constances du dossier nous révèlent qu’il n’y avait pas qu’une seule personne sur les lieux. Il y a les indices qui permettent de soupçonner. Où est Yèkini Akim Yédji aujourd’hui ? s’interroge-t-il. Qui les y a conduits ? Il rappelle que son client est au bagne depuis quinze ans. Il déplore que l’élément central du dossier cité plus haut ait curieusement bénéficié d’une liberté provisoire et se soit échappé. Il relève à ce niveau un problème d’égalité pour les accusés. La cour, relève Me Hugo Koukpolou, est unique.
« Je vous demande de tenir compte de tous les éléments favorables dans le secret de vote délibéré ; il s’est retrouvé dans cette procédure par indigence. Accordez à Fèmi Olufadé la liberté ; l’acte qu’il a posé ne mérite pas 20 ans ; c’est un peu exagéré », justifie la défense pour solliciter son acquittement pur et simple pour l’assassinat et de le condamner au temps passé en prison pour le chef d’association de malfaiteurs.
Ensuite, Me Philibert Béhanzin toujours pour Fèmi Olufadé pense que son confrère a résumé le dossier. Il rend grâce à Dieu d’avoir protégé Crespin Gnassounou. Il déclare plaider coupable pour les faits d’association de malfaiteur. Aux jurés, il demande la clémence, car Fèmi Olufadé a déjà passé quinze ans de sa vie pour avoir commis cet acte. Akim Yèkini Yédji qui est l’élément central de ce dossier n’a fait que six ans et est libre depuis, alors que celui qui a simplement participé en a fait quinze, fait observer Me Philibert Béhanzin, demandant la clémence de la cour.
Enfin, Me Paul Kato Atita pour le compte de Chinedu Obosié déclare s’exprimer avec toute la conviction qui est la sienne. « Le système procédural de notre pays est mixte. La preuve doit être rapportée par l’accusation lors des débats qui ont lieu devant vous. Il est vrai que le dossier a une origine. Il n’a pas reconnu les faits devant vous. Il faut que la preuve soit débattue contradictoirement ; on ne procède pas par analogie », fait observer la défense. Le cerveau de l’opération qui devrait nous éclairer, poursuit-il, n’est pas là. Me Paul Kato Atita déclare ne pas aborder le dossier sur un point de droit. L’erreur judiciaire, soutient-il, pourrait se trouver dans la méthode, la procédure accusatoire.
La défense s’attarde sur la divergence jurisprudentielle et doctrinale de l’infraction. Qui est le chef de bande ?, s’interroge-t-il. La jurisprudence et la doctrine ne s’accordent pas sur l’association de malfaiteurs. Dans ce contexte, déclare Me Paul Kato Atita, « J’ai des réserves, votre cour appréciera ».
Quel est le but de la peine ? Est-ce une peine excessive ou raisonnable qui est la solution ?, s’interroge la défense pour évoquer, selon elle, une question pratique. « Aucun d’eux n’est Béninois. Ils ont fait quinze ans chacun à la charge de notre pays. Ils sont nourris chaque jour ; ils sont soignés? Condamnez-les au temps de la détention provisoire. Il y a la possibilité de l’interdiction de séjour », suggère la défense.
Des peines dans l’équité
Me Paul Kato Atita insiste sur les peines à infliger dans l’équité. Pour lui, le principal accusé n’est pas là. La seule solution est de limiter le quantum de la peine et l’objectif recherché est une peine équitable, expose-t-il. « On va leur servir tout à l’heure le repas avec du coca. C’est notre sueur. Mettez fin à cela », suggère-t-il.
Le ministère public a fait des répliques. « Entre assurer la quiétude et laisser les loups dans la bergerie, il faudra choisir », soutient-il. Lorsqu’il n’y a pas de garantie, on ne peut pas libérer, martèle-t-il.
La contre-réplique de Me Paul Kato Atita a consisté à amener les membres de la cour à être pragmatiques après quinze ans de détention pour décréter l’interdiction de séjour à l’égard des accusés.
Et pour Me Philibert Béhanzin, les accusés sont égaux devant la loi. Si Akim était présent, on comprendrait la position du ministère public.
Au verdict, la cour les déclare coupables d’avoir, courant mai 2001, ensemble et de concert formé une association de malfaiteurs, et tenté volontairement de donner la mort à Crespin Gnassounou, une tentative qui n’a manqué son effet que par suite d’une prise en charge rapide de la victime. Sur le fondement des articles 265, 266, 267, 2 et 304 du Code pénal, elle les condamne à quinze ans de travaux forcés et leur interdit de séjourner au Bénin.
Statuant sur les intérêts civils, Crespin Gnassounou, gardien du commissaire à l’époque des faits et victime, réclame 45 millions pour réparation des préjudices subis.
Me Paul Kato Atita relève que, sur le principe de dédommagement, il n’y a pas de problème mais qu’il appartient à la cour d’apprécier.
Le ministère public déclare que toute personne ayant subi un préjudice est fondée à en réclamer réparation. Votre arrêt les a condamnés mais la victime n’a pas présenté des documents attestant des préjudices. Dès lors, il prie la cour de le recevoir dans sa constitution et d’arbitrer par rapport au montant.
La cour statue sans les jurés et condamne les accusés à payer solidairement 5 millions de francs Cfa à Cyprien Gnassounou pour toutes causes de préjudices confondus.
Les autorités de la cour (parquet général et présidence avec leurs collaborateurs) ont procédé à la clôture de la session, félicitant tous les acteurs pour leurs partitions respectives?
Composition de la cour :
Président : Christophe Atinmakan
Assesseurs :Aboudou Ramanou Ali
Marie Soudé Godonou
Ministère public : Christian Atayi
Greffier : Victoire Oladikpo
Jurés : Yves Gregorio
Flore M. C. Tossou
Louis Gbogbanou
Louise Modeste Togbé
Résumé des faits
Dans la nuit du 10 au 11 mai 2001, vers 2 h du matin, un groupe d’individus s’est introduit, par escalade, au domicile du commissaire de police Mathias Zomalètho sis au quartier Dèkoungbé. Les assaillants, munis d’armes à feu, de gourdins et de couteaux, se sont heurtés à la résistance du gardien des lieux nommé Crespin Gnassounou sur qui l’un d’eux a tiré à bout portant.
Dans la même nuit des faits, le nommé Akim Yèkini Yédji, actuellement en liberté, a été appréhendé tout en sueur par la brigade de sécurité civile non loin du domicile de la victime. Il aurait reconnu les faits et d’autres inculpés ont été appréhendés par la suite. Il s’agit de Fèmi Sonibiayé, Abdoulaye Arouna, Sunday Okorah, Chinedu Obosié, Fèmi Olufadé et Ismaël Abdoulaye.
Ceux-ci, tous de nationalité nigériane, auraient été recrutés par le nommé Sadath Saïbou sur instruction de l’inculpé Ismaïla Toukourou qui aurait été trahi par cette autorité de police et leur aurait promis la somme de 2 millions F Cfa pour tantôt tuer le commissaire, tantôt voler sa voiture ou ses numéraires.
Interpellés et poursuivis pour association de malfaiteurs et tentative d’assassinat et complicité, les accusés ont nié les faits.
Les extraits des bulletins n°1 des casiers judiciaires des nommés Fèmi Olufadé et Chinedu Obosié, seuls en détention, ne portent trace d’aucune condamnation antérieure. L’enquête de moralité leur est favorable.
Didier Pascal DOGUE