Les trombes d’eau inhabituelles qui se déversent sur les villes béninoises depuis plusieurs semaines donnent le tournis aux scientifiques gouvernants et populations. Insidieux, mais pourtant là, les signes avant-coureurs de la pénurie des produits alimentaires de première nécessité commencent à se faire ressentir dans les principaux marchés.
Céréales, tubercules, fruits, produits carnés….les prix des denrées alimentaires locales de première nécessité grimpent vertigineusement dans nos marchés au grand dam des ménagères dont les paniers sont mis à rude épreuve par ces temps de conjoncture économique. La spéculation affole les prix et les observateurs économiques s’étonnent de la précocité du phénomène. Raison principale, les crues précoces des fleuves Ouémé et Mono qui ont débordé de leurs lits. Le bétail et plusieurs milliers d’hectares de produits agricoles subissent le diktat des eaux sous le regard impuissant des populations qui fuient la région. A en croire des experts hydrologues, de telles précipitations ne sont pas inhabituelles en cette période de l’année, qui correspond à fortiori à la saison des pluies. Mais les inondations qui frappent les régions riveraines de ces cours d’eau ne doivent pas être systématiquement attribuées à des précipitations exceptionnelles. L’imperméabilisation des terres jouxtant les bassins versants augmente l’intensité des crues de l’Ouémé. "Les changements d’usage des sols sont à 70 % responsables des crues de l’Ouémé de ces dernières années, assurent-ils.
D’ailleurs, d’après les données dont nous disposons à l’heure actuelle, les pluies de cette année ont été fortes mais pas exceptionnelles" révèle le chercheur climatologue Johanes Hounkpevi. La mise en culture de ces terres, qui entraîne la disparition de la végétation - et notamment du bois - ainsi que des cycles de jachère de plus en plus courts contribuent à l’encroûtement des sols. Une "carapace" d’argile et de limon imperméabilise alors les sols, les empêchant de retenir l’humidité, et favorise le ruissellement vers les cours d’eau, qui ne tardent pas à sortir de leur lit. Ce phénomène serait le résultat de la pression démographique - la population béninoise est passée de 3 à 12 millions d’habitants en un demi-siècle - et de la course aux terres agricoles qui l’accompagne. La réhabilitation de ces terres passe par la plantation d’arbres et le recours à des techniques assez simples (haies, terrasses, etc.) "visant à fractionner les trajets de l’eau et du vent". A plus court terme, le climatologue suggère de draguer le lit de l’Ouémé en amont pour augmenter son débit, l’ensablement progressif du fleuve, phénomène constaté depuis plusieurs décennies, étant un facteur aggravant.
Gérard GANSOU