Dans le cadre des opérations de lotissement dans la commune d’Abomey-Calavi, la mafia locale capte la rente foncière, au détriment des réserves administratives et sociales, faisant des acquéreurs de parcelles, les vrais dindons de la farce.
Une parcelle avec deux titres fonciers et deux propriétaires différents
En cet après-midi du 26 avril 2017, le service des contentieux de la mairie d’Abomey-Calavi ressemble à un tribunal de conciliation. Les interminables va-et-vient des usagers traduisent la haute importance du sujet qui les mobilise : les litiges entre acquéreurs de parcelles et propriétaires terriens. Dans une petite salle de réunion toujours animée, le chef du service du contentieux, Malick Tokpo et sa collaboratrice multiplient les séances de conciliation. Sans répit. En moyenne une dizaine de contentieux accapare leur journée. A la Direction des Affaires juridiques de la mairie créée il y a à peine un an, le remue-ménage s’observe au quotidien. Au tribunal de première instance de première classe d’Abomey-Calavi, environ 1500 dossiers de contentieux fonciers directs ont été enregistrés, rien qu’au premier trimestre 2017. En fait ces contentieux représentent les 95% des affaires traitées par le service de contentieux de la mairie. « Plus de 1500 acquéreurs de parcelles à Calavi n’ont pas retrouvé leurs parcelles dans le répertoire d’état des lieux ; les lotisseurs les ont vendus », soupire Malick Tokpo.
Voies 40 morcelées et vendues à Calavi, une parcelle avec deux titres fonciers et deux propriétaires différents à Akassato, une réserve administrative introuvable à Cocotomey-centre pour un lotissement bouclé à 80%, des aires de jeu morcelées et vendues à Godomey ! Ces différentes situations illustrent bien la mauvaise gouvernance foncière dans la commune d’Abomey-Calavi.
Manœuvres astucieuses
Au cœur du dispositif, les manœuvres frauduleuses lors des opérations de lotissement. « Les opérations de lotissement sont des foires d’empoigne entre les différents acteurs impliqués», déplore Bruno Kangni, président intérimaire du comité de lotissement de la tranche C de Godomey. Le chef quartier de Cocotomey-Centre qualifie le lotissement à Abomey-Calavi de désastre. «De nombreux arrêtés communaux ont fait disparaître le point de chute des réels sinistrés. Depuis 10, 16 voire 20 ans, des sinistrés cherchent désespérément leur point de chute. Pendant ce temps, des bâtiments non prévus dans le plan de lotissement poussent comme des champignons au profit de certaines catégories de personnes sous la bannière des arrêtés », s’offusque-t-il. Le mode opératoire des faussaires est très simple. Supposons que Cocotomey compte mille carrés pour lesquels on applique à chacun 35% de coefficient de réduction lors des travaux de lotissement. Très souvent, le nombre d’infrastructures publiques et de réserves administratives prévues pour la zone est largement en deçà de la superficie obtenue en faisant la somme des réductions opérées. La mafia s’organise sur la base des superficies disponibles. « Avant de procéder à la vente de leurs parcelles, des propriétaires terriens créent des voies fictives, qu’ils changent après en parcelles ; ce qui fait gonfler le coefficient de réduction. Lequel va jusqu’à 40% alors que si les choses se passaient dans les normes, il ne devrait pas excéder 20% », dénonce Bruno Kangni.
Gilbert Tossou, chef du service planification et développement urbain de la Direction générale de l’Urbanisme et du Foncier (Dguf), assimile le lotissement à « une manne dont les acteurs se partagent de substantiels reliquats ». Affirmation que confirme l’audit sur le lotissement à Abomey-Calavi révélateur de graves anomalies. «Quand vous lirez le rapport d’audit sur le foncier à Abomey-Calavi, même si on vous donnait gratuitement des terrains dans la commune, vous allez décliner l’offre », avertit Franck Hessouh, conseiller communal de la mairie de Calavi. Ledit rapport établit qu’aucun des six lotissements étudiés n’est achevé. Il s’agit des lotissements de six quartiers de Calavi centre : Zétacomè, Gbodjo, Gbodjo-Agamandin et Agamandin, Tokpa-Zoungo, Agori et Sèmè.
Tirer le drap à soi
Pourtant, en matière de lotissement, personne ne veut endosser une quelconque responsabilité. Les différents acteurs se présentent comme des victimes. Elus locaux et municipaux, comités de géomètres, avocats, acquéreurs de parcelles…chacun tire le drap à soi, rejetant le tort sur l’autre. A en croire, Franck Hessouh, ce sont les géomètres qui montrent les réserves aux élus locaux dans le cadre des morcellements et des ventes. Et à Ferdinand Dossou-Yovo, directeur des Affaires juridiques, d’enfoncer le clou : « Les géomètres manipulent les données parcellaires des urbanistes en créant de faux sinistrés et en leur trouvant des actes de propriété».
Tel n’est pas l’avis de Patrice Houssou-Guêdê, ancien maire de la commune de Calavi. « Il n’est pas juste de dire que le géomètre diminue les parcelles. Avant qu’il ne commence son travail, un préliminaire est fait entre lui et l’urbaniste et qui tient compte des réserves qui abriteront des infrastructures sociocommunautaires. Ceci est soumis à l’autorité préfectorale qui examine et approuve les coefficients de réduction », explique-t-il. Chose curieuse : «A Calavi, la terre était partagée comme de petits pains entre des élus qui en avaient la chasse gardée », dénonce Franck Hessouh. Au banc des accusés, l’ancien maire de la commune, Patrice Hounsou-Guêdê, Noël Toffon, ancien chef d’arrondissement (CA) d’Akassato, et Germain Cadja Dodo, actuel CA de Godomey. Sans toutefois accepter cette accusation, Patrice Houssou-Guêdê nuance : « Je ne vais pas nier que de telles pratiques existent. Mais quant à vouloir l’imputer au maire, je ne saurai l’accepter. Il faut que les gens m’apportent les preuves de leurs allégations ». Noël Toffon quant à lui est constamment cité comme un des « bourreaux» des acquéreurs de parcelles. Joint au téléphone, il n’a pas souhaité se prononcer sur cette accusation.
Ces accusations n’épargnent pas la Justice. Mais Gilbert Togbonon, magistrat, spécialiste des questions foncières, par ailleurs, auteur du Guide sur le foncier réfute ces récriminations : « Dire que la gestion des problèmes fonciers relève d’une combine entre les magistrats et les acteurs du lotissement est archi-faux ». Selon lui, les justiciables n’épuisent pas toujours les voies de droit qui s’offrent à eux. Il y a effectivement la possibilité d’interjeter appel lorsqu’on n’est pas satisfait de la première décision rendue par le juge, et même si on n’est toujours pas satisfait de la décision en Appel, on peut se pourvoir en cassation. « Tout n’est pas parfait certes, mais au Bénin, on peut construire et déconstruire tout ce qu’on veut », concède William Kodjoh-Kpakpassou, président du tribunal de Calavi.
L’ignorance des lois par les populations fait également le lit à l’escroquerie des acteurs de lotissement. « Les Béninois doivent comprendre qu’il ne sert à rien d’acheter un terrain et d’en être dépossédé après, pour cause d’ignorance de leur part. Ils doivent donc se remettre aux notaires en vue des procédures convenables en la matière », indique Me Aline Dossou-Yovo, notaire à Parakou. Pour réduire les litiges domaniaux, le directeur des Affaires juridiques de la mairie de Calavi, Ferdinand Dossou-Yovo, pense qu’il faut définir les cahiers de charge des différents acteurs de lotissement et les plans fonciers ruraux (Pfr), avant le lotissement. La question du développement du pays exige aussi que l’Etat dégage des superficies à lotir et s’approprie les réserves. Mais le paradoxe est que la plupart des terres appartiennent aux collectivités. Les nombreuses incohérences observées dans le cadre des opérations de lotissement à Calavi ont amené certains acteurs de la société civile à créer un Observatoire pour la gestion transparente d’Abomey-Calavi (Ogtac). Il aura fort à faire pour ramener la franchise dans ce domaine.
Mise en garde pour d’éventuels acquéreurs imprudents
Relativement aux dysfonctionnements qui encadrent les travaux de lotissement, d’aucuns accusent l’Institut géographique national (Ign). Gélase Hounguè, directeur de l’aménagement et de l’urbanisme à la Mairie de Calavi évoque son manque d’efficacité. Face à ces reproches, Cyriaque Aguégué, archiviste au sein dudit institut rectifie : « Au regard de l’arrêté interministériel portant définition des prescriptions minimales à observer en matière d’opérations de lotissement et des opérations foncières urbaines de remembrement en République du Bénin, l’IGN est le bras technique de contrôle des opérations de lotissement. Mais nous sommes de moins en moins sollicités à cause des cabinets privés qui nous ravissent la vedette ». Cette prescription n’est pas respectée. Les mairies se contentent de lancer des opérations de lotissement en vue de disposer des ressources d’investissement pour le développement.
En prêtant le flanc à ces différentes irrégularités, les élus locaux prennent des risques. « Les gens violent la loi et les maires qui continuent de lancer des opérations de lotissement peuvent se retrouver devant les juridictions », avertit le magistrat Gilbert Togbonon. A l’appui de son avertissement, il cite l’article 511 du Code foncier et domanial, « tout lotissement effectué sur un domaine ne disposant pas de certificat de propriété foncière est puni d’une amende de 5 millions de Fcfa et d’une peine d’emprisonnement allant de 2 à 5 ans ou de l’une de ces deux peines seulement ». Autre aberration, relève Franck Hessouh, il arrive que des contrats soient signés avec les géomètres, qui à leur tour sous-traitent avec des agents qu’ils emploient. Ces deniers n’ayant pas les compétences requises, des dégâts s’en suivent. C’est la loi 2013-01 portant Code Foncier et Domanial qui consacre la création de l’Agence Nationale du Domaine et du Foncier (Andf). Cette agence a pour challenge de « tout faire pour juguler les litiges domaniaux » sur l’ensemble du territoire national, et particulièrement à Abomey-Calavi, espère Fabrice
marche-de-cocotomey
L’ancien marché de Cocotomey faisant l’objet de ventes multiples
Kossou, chef département opération foncière et technique de l’agence.
L’imbroglio
Le lotissement d’Abomey-Calavi a été longtemps l’apanage du cabinet Djinadou. Selon l’ancien maire de Calavi, Patrice Hounsou-Guèdè, l’origine de ces problèmes remonte aux années 1974 avec ledit cabinet à qui les travaux de lotissement avaient été confiés par le préfet de l’Atlantique d’alors, Souley Dankoro. Ces travaux auraient duré environ 35 à 40 ans. Selon l’audit, l’âge très avancé des travaux d’état des lieux a rendu difficile presque impossible dans certains quartiers, la reconstitution et l’identification des limites des parcelles relevées à l’état des lieux.
Or, en principe, explique Bruno Kangni, un bon lotissement ne doit pas dépasser deux ans. Aujourd’hui, l’unanimité est faite autour des litiges qu’il aurait créés dans la commune. Témoignages : « Le cabinet Djinadou n’avait pas respecté les documents cadres qui régissent le lotissement », souligne Nestor Avononmandégbé.
Et à l’ancien directeur du foncier, chef service aménagement du territoire à la Délégation à l’aménagement du Territoire (Dat), Bonheur Kokponou d’ajouter : « le cabinet Djinadou procédait au recasement sur des périmètres qu’il ne maîtrisait pas ». Présentement, ce sont les cabinets Betafe, Zitti, Aguiar et Kobercid qui héritent de ses dossiers. « Les problèmes fonciers dont nous avons hérité du cabinet Djinadou sont énormes. Ils sont surtout d’ordre technique et sont également relatifs à l’incohérence entre le projet parcellaire et l’application sur le terrain; ce qui nous a amené à reprendre les travaux sur le terrain », explique Julien Allossogbé, directeur du cabinet Betafe. Il évalue à 50% le taux d’exécution des travaux effectués par le cabinet Djinadou pendant tout ce temps.
Pour Alexandre Zoungban, ancien collaborateur de Djinadou, toutes ces allégations sont inexactes. « Djinadou n’est pas à la base des litiges à Calavi. Le lotissement de la commune n’est pas achevé à cause des problèmes administratifs et de quelques problèmes domaniaux créés par les propriétaires terriens. Il restait à peine 15% des travaux pour achever les plus de 1500 hectares environ confiés au cabinet », martèle-t-il.
Aussi, convient-il de reconnaître qu’à Calavi, les problèmes fonciers ont des racines institutionnelles historiques. Ils remontent au lendemain des indépendances. « Presque tous les hauts commandements qui avaient des responsabilités sur le plan de l’administration territoriale, disposaient d’hectares de terre après avoir spolié les pauvres populations », s’indigne Bruno Kangni, président intérimaire de la commission de lotissement de la tranche C de Godomey. Mais au fil du temps, le mal s’aggrave. Selon les archives de la Brigade de Gendarmerie d’Abomey-Calavi, citées par Justine Tchokpon dans son mémoire de Dea, spécialité ‘’Gestion des ressources naturelles, Aménagement du territoire et Politique environnementale’’ en 2005, le nombre de contentieux fonciers dans la commune est passé de 26 en 1997 à 54 en 2004.
Acquéreurs de parcelle, la peur au ventre
Les acquéreurs de parcelles à Abomey-Calavi n’ont pas le cœur tranquille. Ils vivent dans la hantise permanente des litiges domaniaux. Le spectre d’une remise en cause de leur titre de propriété est permanent. En cause, les histoires récurrentes de vente multiple de la même parcelle à plusieurs acquéreurs. La machine de l’escroquerie est des plus huilées. « Les héritiers de certaines collectivités sont prêts à revendre les mêmes terres que leurs parents avaient vendu, il y a 20 ans voire 40 ans. Ils montent des conventions de vente de toute pièce sur lesquelles, ils apposent leur signature pour revendre les mêmes parcelles vendues par leurs parents à d’autres acquéreurs », explique Patrice Hounsou-Guêde, ancien maire d’Abomey-Calavi. Dans l’arrondissement d’Abomey-Calavi qui a donné son nom à la commune, les messages d’avertissement ou de menace sur certains murs sont assez évocateurs. ‘’Danger de mort’’, ‘’terrains litigieux’’, ‘’à ne pas vendre’’, des contre-indications qui renseignent sur les risques potentiels de trouble à l’ordre public. Ici, le tout ne suffit pas d’acquérir sa parcelle. Il faut avoir les coudées franches pour en bénéficier ad vitam aeternam. Autrefois garant du droit absolu de propriété, le titre foncier fait aujourd’hui l’objet de contestations. A Akassato, un carré au titre foncier N°2657, volume XIV folio 47 du 05 avril 2002 a été revendu à un autre qui bénéficie d’un 2è titre foncier au N°9541, volume XIV folio 56 du 18 octobre 2010. Dans ce jeu d’arnaque, même les infrastructures d’intérêt public ne sont plus épargnées. Le marché principal de Cocotomey vient de subir également le sort de la vente multiple. Don de la collectivité Coco au lendemain des indépendances, il serait vendu pour la 3è fois par le sieur Médard Coco qui en a fait son bien propre. Une première assise de conciliation relative au dossier de ce marché a déjà eu lieu. D’autres suivront.
4 000 parcelles en 2002
Le renchérissement des coûts des parcelles donne de l’appétit aux arnaqueurs qui font feu de tout bois. « Les coûts des parcelles ont connu une évolution très rapide, passant de 20 000FCFA en 1970 à 2 000 000 FCFA en 2000 pour des parcelles de 900m2. Pour des parcelles de 1200m2, les prix sont passés de 60 000 FCFA en 1970 à 3 500 000 FCFA en 2000 pour des dimensions de plus en plus réduite (625, 500, 400 m2). Et le nombre de parcelles vendues dans la commune de Calavi est passé de 500 en 1992 à près de 4000 en 2002 », soutient Justine Tchokpon dans son mémoire de Dea sur la gestion des ressources naturelles, aménagement du territoire et politique environnementale. Et pourtant, le nouveau Code foncier prévoit que toute vente immobilière doit obligatoirement se faire par voie de notaire. Ainsi, le manque de connaissance et d’accompagnement par un professionnel de l’immobilier peut entraîner l’insécurité foncière. Toutefois, « les acquéreurs ne réalisent toujours pas qu’il faut faire un minimum de vérifications préalables avant d’acheter un bien immobilier et ne savent pas quelles pièces réclamées au vendeur, présumé propriétaire. Une fois le prix entièrement payé au vendeur, il leur sera difficile d’obtenir des pièces complémentaires et nécessaires pour effectuer la mutation du bien acquis en leur nom », relève Me Aline Dossou-Yovo, notaire à Parakou.
En son article 512, le Code foncier et domanial stipule : « Quiconque vend une parcelle lui appartenant à plusieurs personnes court une peine d’amende de cinq millions (5 000 000 ) de franc cfa à dix millions (10 000 000) de franc Cfa et d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans ou de l’une ou l’autre des deux peines seulement, sans préjudice des dommages et intérêts ». Il en faudra peut-être plus pour décourager la pratique, les auteurs sont tapis dans l’ombre.
La lenteur du système juridico-foncier
Acquérir une parcelle à Abomey-Calavi, c’est s’acheter parfois un procès en justice. Le juge Gilbert Togbonon, auteur du Guide sur le foncier soutient que plus de 75% des dossiers pendant le tribunal de Calavi traitent des problèmes domaniaux.
Trois jours sur cinq, le tribunal de première instance de deuxième classe de la commune vit au rythme des audiences sur le foncier. Sur le tableau d’affichage à l’entrée de la salle d’audience A, en ce vendredi 26 mai, la longue liste des dossiers inscrits retient l’attention. A l’intérieur, la concentration est requise pour suivre l’appel du juge. A la barre, les différentes parties doivent fournir des explications concernant leur dossier. Pour défaut de pièces ou complément d’informations, la plupart des dossiers sont renvoyés à une autre échéance. Les personnes concernées doivent continuer leur chemin de croix jusqu’au verdict final. « C’est la 2ème fois que nous venons en audience concernant une affaire de parcelle à Hêvié qui oppose notre collectivité (Houégbé) à la famille Zounon-Winho. Mais nous sommes conscients que le bout du tunnel est encore loin. Une seule affaire peut durer plusieurs années », souligne Barthélémy Houéton, membre de la collectivité Houégbé.
Créé en 2010, le tribunal de Calavi compte six chambres de droit de propriété foncière. Un record comparativement aux autres questions dont traite le tribunal. Toutefois, la délibération des dossiers concernant le foncier revêt souvent un processus de longue haleine. Pour justifier la lenteur du système juridico-foncier, le président du tribunal, William Kodjoh-Kpakpassou, argumente : « La délicatesse des problèmes fonciers peut créer des troubles à l’ordre public. C’est une question qu’il faut aborder avec beaucoup de professionnalisme, de prudence et de précaution, sinon nos décisions peuvent encore créer des problèmes. Et elles en créent parfois ». A cela s’ajoute le manque du personnel qualifié. Il impute également la lenteur du système juridico-foncier aux familles. « Compte tenu de la délicatesse de certains dossiers, le tribunal sollicite l’expertise d’un acteur du domaine pour fournir des précisions au juge sur les litiges. Le temps de l’expertise est parfois long et certaines familles aussi ne payent pas les frais y afférents ».
Dans cette juridiction, les motifs des audiences tiennent aux revendications, à la confirmation, à l’assignation en confirmation du droit de propriété, aux annulations de vente, de convention de vente, de recasement, cessation de troubles et expulsion.
« En dehors des contentieux fonciers directs, nous traitons également des contentieux liés aux conflits de recasement, de la superficie lié au recasement ; à l’empiètement de l’un sur le domaine de l’autre ; à la remise en cause des ventes par les ascendants…», détaille William Kodjoh-Kpakpassou. Les autres types de contentieux non directs sont liés, entre autres, aux contestations au sein d’une même succession, l’assignation en référé expulsion et les questions d’état civil et moderne concernant le foncier. Au regard du volume important et sans cesse croissant des procédures en matière de contestation de droit de propriété dans la commune, les magistrats en service dans cette juridiction ont instauré un cadre de réflexion et de recherche en matière de règlement des litiges fonciers. Objectif : réfléchir sur les défis liés à la résolution du contentieux foncier dans toutes ses dimensions et proposer des approches de solution pour son règlement optimal. Mais les bonnes intentions n’arrêtent pas encore la fréquence des conflits domaniaux à Calavi. Au prétoire, le ballet des familles se poursuit.
(Enquête réalisée dans carde du projet : « Pour des Médias plus professionnels au Bénin) de la Maison des Médias des Médias financé par OSIWA)
Par Maryse Assogbadjo