Un an après son installation, l’imam central de Natitingou, Check Nourou Dine Mouhamed Sanni, évoque à travers cet entretien les actions qu’il engage pour un retour de la paix au sein de la communauté musulmane secouée par une crise de succession sans précédent. Il jette par ailleurs un regard sur la cohabitation entre les religions et fustige tout acte attentatoire à la vie humaine commis au nom d’une religion.
La Nation : Vous avez été installé à la suite d’une crise de succession qui a longtemps divisé les fidèles musulmans. Un an après cette crise, est-on en droit de dire que la communauté islamique s’est réunifiée ?
Check Nourou Dine Mouhamed Sanni : Effectivement, cela fait un an que nous avons été installé comme imam central de Natitingou mais avant l’aboutissement du processus de désignation, il y a eu des problèmes. Mais Dieu merci tout est rentré dans l’ordre et c’est le lieu de saluer tous ceux qui ont œuvré pour la fin de cette crise qui a secoué la communauté musulmane. Nous nous sommes peut-être laissé emporter par nos passions mais dire que nous n’étions pas unis, c’est trop dire. Il est évident que chacun tenait à sa position et qu’il était difficile pour les différentes parties d’entendre raison mais nous n’avons jamais perdu de vue le fait que nous sommes une famille et qu’il faut préserver l’unité qui a toujours prévalu au sein de la religion musulmane.
Juste après la cérémonie de ‘’turbanisation’’, nous avons enclenché les actions susceptibles de ramener la paix dans les cœurs et la préserver également dans les mosquées. A notre arrivée, nous n’avons pas fait de différence entre nos soutiens et ceux qui se sont opposés à nous lors du processus de désignation. Les dons de vivres et autres gestes faits à la communauté musulmane sont répartis aux fidèles en toute équité. A travers nos actes et comportements, nous avons su rassembler tout le monde. Nous nous sommes toujours donné ce respect mutuel.
Quelles ont été ces actions concrètes engagées pour que la paix revienne dans les différentes mosquées de la commune de Natitingou ?
C’est avant tout à travers nos prêches. Nous avons toujours demandé aux frères musulmans de mettre de côté la mésentente et de privilégier l’amour du prochain.
Le concours aussi bien de l’Union islamique du Bénin, des autorités politico-administratives que des autres confessions religieuses nous a également permis de raffermir les bases des actions tendant vers la préservation de la paix au sein de la communauté musulmane.
La communauté musulmane dans son ensemble est souvent ébranlée par des crises de succession qui ne favorisent pas la quiétude en son sein. Outre votre commune, il y a eu Ouaké et bien d’autres de par le passé. En tant qu’islamologue, quel regard portez-vous sur ces réalités ?
Ce sont les enjeux liés à la chefferie qui sont à l’origine de ces déchirements observés ci et là et ceci est loin d’être l’apanage d’un groupe spécifique. La religion musulmane n’en est pas exempte tout comme les autres confessions. Même en dehors des religions, la guerre de succession est une réalité. C’est humain et on ne saurait jeter l’anathème sur une confession religieuse. Dès que la vacance de pouvoir est constatée au niveau d’une quelconque entité, toutes les parties se battent pour en prendre la tête. Qu’importent les moyens ou voies pour y arriver. Ceci se fait même au détriment des textes régulièrement édictés. On est prêt à contourner les prescriptions, même divines pour s’octroyer ce privilège. Dans nos sociétés, tout le monde veut être chef. Or, les textes qui régissent le processus de désignation existent et sont clairs et précis en ce qui concerne le profil de l’imam. Les critères sont édifiants. N’est pas imam qui veut. Au-delà de sa maîtrise et de la connaissance qu’il a du coran et des saintes écritures en général, le prétendant doit pouvoir faire preuve de sagesse et être irréprochable. On peut disposer du savoir et maîtriser la souna et ne pas avoir de bons comportements en société.
La cohabitation entre les religions est loin d’être une réalité avec l’intolérance et les actes de violences qui prévalent partout au monde. Quel espoir pour la paix ?
Notre monde est en crise et de jour en jour nous faisons face à l’intolérance. On incite à la haine religieuse à travers divers actes qui ne sont pas de nature à préserver la paix. Le dialogue interreligieux doit être cultivé afin que des fidèles de diverses confessions religieuses se donnent la main en apprenant à vivre ensemble. Faire en sorte que personne ne soit stigmatisé ou violenté pour sa croyance. Aucune religion ne fait l’apologie du crime ou de la violence. Aucun enseignement religieux ne peut inciter à la haine. Ceux qui le font ne sont pas des croyants. Ils se servent de la religion pour arriver à leurs viles fins : diviser le monde.
Nous ne devons en aucun cas permettre à ces personnes malintentionnées de prendre le dessus sur le bien en semant le mal. Et c’est là tout notre rôle dans la conscientisation des masses. Nos prêches doivent être mis au service de la paix. Rien que la paix. Nous avons besoin de la paix pour pratiquer nos religions. Et cette paix est également indispensable pour le développement.
Les leaders religieux plaident pour ce dialogue interreligieux partout où ils sont et se donnent la main en toute occasion pour montrer combien la cohabitation entre les diverses confessions religieuses est essentielle pour le maintien de la paix dans nos sociétés¦
Kokouvi EKLOU A/R Atacora-Donga