Quelques années après le déguerpissement de la zone maritime dans le cadre de la construction des épis, des populations riveraines de la côte à l’Est de Cotonou se doivent de libérer à nouveau les emprises. Cette opération qui s’inscrit dans le cadre des travaux d’enrochement et de rechargement suscite d’ores et déjà des remous.
Des visages tristes et des voix indignées. C’est désormais la réalité dans la zone fluvio-maritime de Cotonou, notamment à Akpakpa-dodomè. Alors que des engins lourds étaient en train d’être convoyés, ce mardi matin, dans la zone pour des travaux de protection de la côte, c’est la panique dans le rang d’une dizaine de résidents, attroupés au niveau de l’embouchure. « Ils viennent déjà ! Commencez à vous apprêter ! », lance une dame, la trentaine. Mais Charles Houessou, un des résidents tente de rassurer. « Je ne crois pas qu’ils soient venus déjà pour le déguerpissement. C’est pour le 28 juillet normalement. Et même si ça doit être le cas, ils seront sûrement accompagnés par la police », rassure-t-il. Il parvient donc à calmer les esprits. Cependant, les remous persistent dans un débat où chacun apporte le peu d’informations dont il dispose. Les commentaires vont dans tous les sens. « Nous avons vu le jour et grandi ici. Où veut-on que nous allions ? », s’inquiète un autre riverain.
« Nos placentas sont enterrés ici »
Au domicile de Victor Koffi Goudjo, Président du comité de défense et de soutien des propriétaires de parcelles dans les zones maritimes et lagunaires (Cdsppzml), les va-et-vient se multiplient dans l’après-midi. Un sit-in au ministère du cadre de vie se prépare pour le lendemain (ce jour, ndlr). Le courrier du Préfet en date du 12 juillet 2017 l’autorise. « On ne peut pas nous dire de casser nos habitations, de mettre nos bagages sur la tête et de partir. Nous sommes nés ici et nos placentas ont été enterrés ici », martèle-t-il.
Les résidents de la zone, essentiellement des pêcheurs, réfutent le statut d’occupants illégaux de domaine public. A travers l’histoire des lieux, ils ne manquent pas d’arguments pour le prouver. Cependant, dans le cadre des travaux d’enrochement et de rechargement de la côte, le gouvernement en a décidé autrement. Pour des mesures de sécurité notamment, selon le Directeur de la Protection des berges et des côtes, Philippe Zoumènou, le déguerpissement est indispensable. « Il n’est pas normal qu’une administration responsable laisse les populations jouxter les lieux. On leur a dit qu’ils seront dégagés, mais avec un accompagnement du gouvernement », explique-t-il.
Une nouvelle bataille en vue ?
Une fois le projet lancé ce jour, la libération des emprises devra intervenir. Mais suivant quelles modalités ? Le flou persiste encore. « Jusque-là, on ne nous dit pas concrètement les mesures d’accompagnement. L’opération devrait avoir lieu en avril. Mais ils ont reporté pour permettre de finir l’année scolaire après que nous ayons écrit aux présidents des institutions de la République. Lorsque l’enfant a un jouet qu’on veut lui prendre, on l’amadoue, et on lui trouve mieux », fulmine Victor Koffi Goudjo.
Le long de la côte, les populations végètent dans l’incertitude en attendant le grand jour. Certains disent qu’il est envisagé un accompagnement de 100.000 francs. Pour d’autres, la prudence doit-être de mise. Sur ces deux béquilles devant sa paillote construite sur la plage, Rodrigue Assogba, handicapé, voit l’avenir sombre. « Je n’ai aucune idée de ce qui va se passer. S’ils nous dégagent des lieux, je ne peux que me retrouver dans la rue. Il faut avoir au moins 50.000 francs aujourd’hui pour négocier une chambre. Je vais en trouver où avec ma situation », affirme-t-il.
Pendant ce temps, derrière l’hôtel Plm, les engins lourds font les derniers réglages. « Tout est fin prêt pour le lancement », confirme un ouvrier. Mais l’épineux problème de la libération des emprises se pose avec acuité.
Fulbert ADJIMEHOSSOU