Le deuil de l’emblématique professeur Fulbert AMOUSSOUGA GERO, bardé des plus hauts diplômes et dont l’unanimité est faite autour de ses qualités, continue de faire pleurer la nation béninoise, particulièrement les acteurs de l’enseignement supérieur. Très inconsolables à la veille de ses obsèques, les membres du Patronat des Établissements Privés d’Enseignement Supérieur (PEPES), continuent de pleurer la disparition de feu Géro Amoussouga qui a fortement contribué à tracer et même assoir les bases de l’enseignement supérieur au Bénin. Après avoir rendu visite à la famille éplorée et dit ses sincères condoléances au monde scientifique béninois à l’annonce du décès de l’économiste béninois siégeant à l’OMC, le PEPES que préside Marcelin Zanou, président fondateur de l’Institut Supérieur des Métiers de l’Audiovisuel (Isma), choisit, à quelque heures de l’admission à la dernière demeure de feu professeur Géro Amoussouga, à nouveau, de lui rendre, de façon symbolique, les hommages des membres et de tout le bureau du Patronat des Etablissements Privés d’Enseignement Supérieur (PEPES). Ces hommages se traduisent par la publication de l’une des dernières communications du professeur Fulbert AMOUSSOUGA GERO, présentée à l’occasion du séminaire organisé par le Patronat des Etablissements Privés d’Enseignement Supérieur (PEPES) en janvier 2017 au profit des écoles membres. Une communication audio bien sûre, mais qui a été transcrite en intégralité pour la lecture de tous ceux qui, d’une manière ou une autre, ont une pensée particulière pour cet homme de science qui a marqué la communauté scientifique du Bénin, de l’Afrique et du monde. Le PEPES à travers cette communication tient à rappeler à la communauté scientifique béninoise, la grandeur de l’homme, sa justesse et son sens élevé de responsabilité dans la conduite des politiques économiques et celle de l’enseignement supérieure.
(L’intégralité de la communication du professeur Géro Amoussouga, présentée lors du séminaire organisé par le Patronat des Etablissements Privés d’Enseignement Supérieur (PEPES) en janvier 2017 au profit des écoles membres).
Prof AMOUSSOUGA
Merci beaucoup Mr le Directeur Général.
Messieurs les Directeurs Généraux des établissements des Enseignements Supérieurs Privés, chers collègues,
Je crois que c’est bon à un moment donné de l’existence de quelque chose de replier et de faire une évaluation. Vous avez soulevé un certain nombre de problèmes concernant les établissements privés. Je peux vous dire que notre pays est l’un des rares à encore avoir d’importants problèmes, tout simplement parce qu’on a piétiné les choses dès le début au Bénin. Il y a certains indices qui montrent qu’en réalité non seulement les gens n’ont pas compris l’esprit du LMD, mais ils n’ont pas compris également l’esprit de l’Enseignement Supérieur Privé. La première question que l’on peut se poser c’est de savoir pourquoi l’Enseignement Supérieur Privé ? Autrement, est-ce que l’Etat est en train de faire quelques faveurs à quelques Entrepreneurs Privés ou bien est-ce que ce sont ces Entrepreneurs Privés qui sont en train de faire du bien à l’Etat ? Sans trancher, je vous dirai que c’est à moi que le CAMES a commandité le texte fondateur de l’Enseignement Supérieur Privé en 1987-88. Je l’ai présenté en 1988 devant le Ministre de l’Enseignement Supérieur du Burkina, Monsieur LAYA à l’époque. Et nous sommes partis de l’expérience des écoles confessionnelles, des écoles privées, dans le secondaire, dans le primaire, qui ont produit de très hauts cadres et qui jusque-là n’ont pas démérité et dans lequel l’Etat n’a pas besoin d’interférer à tout moment. N’oubliez pas que le système français est un système de financement public de l’éducation. A partir du moment où vous payez l’impôt, vos enfants ont droit à l’école avec une certaine gratuité. Nous l’avons fait au Bénin à travers l’Enseignement Supérieur Public qu’on a érigé en règle. Mais les ajustements, les mauvaises gestions des années 80 pour ne pas dire des années 90 ont montré jusqu’à quel point l’Etat était incapable de supporter l’Enseignement Supérieur Public. Il y avait un certain nombre de problèmes.
1- Tout d’abord la massification, qui revient finalement à la destruction de l’infrastructure parce que ce qui est prévu pour 500 personnes, vous avez 10000 à 15000 étudiants et vous voyez qu’en l’espace de deux ans ce que vous devez amortir en 50 ans, 100 ans, vous l’avez détruit. La massification entrainait immédiatement un taux d’encadrement très faible et par conséquent ça rejaillissait sur la qualité de l’enseignement qui était donné. En un mot, l’Etat dans ses prérogatives républicaines qui lui attribuait l’Enseignement Supérieur Public, se retrouvait dans une situation où il n’arrivait même plus à faire face aux charges. En l’absence de constructions nouvelles, la croissance démographique s’exerçant, l’Etat était devenu rapidement incapable d’admettre les flux des bacheliers qui venaient. A un moment donné, nous avons tenté une expérience au Bénin pour couper court à cela, et c’est aussi une étude que j’ai faite pour la Banque Mondiale. Nous avons constaté que l’Université de Calavi était ingérable, alors nous avons proposé de créer une université dans laquelle nous allons mettre les bonnes pratiques c’est-à-dire le Numérus Clausus et les tests d’entrée ; c’est comme cela que l’Idée de Parakou est venue. Mais très tôt la politique a tout renversé et Parakou est devenu exactement Abomey-Calavi. La pression politique est telle que personne ne veut rester à l’écart. Face à cela, qu’est-ce que l’Etat peut faire ? Il faut limiter le gaspillage. Mais comment ? C’est d’aller un peu vers le modèle anglo-saxon qui admet l’existence de l’école privée et de l’école publique avec pratiquement des considérations égalitaires pour les deux sans discrimination. Si vous regardez aux Etats-Unis les 10 meilleures universités sont privées. Si vous n’êtes pas sortis de MASSACHUSETTS, de YALE (NDLR : Université située dans la ville de New Haven au Connecticut USA) ou de l’UCLA (NDLR : University of California, Los Angeles), vous n’avez aucune valeur. Ce sont des universités privées. Nous avons dit que nous allons le faire mais voulant le faire nous allons tout simplement alléger la charge à l’Etat, à savoir que les parents d’élèves qui ont la capacité de financer la formation de leurs enfants, n’avaient plus aucune obligation de les envoyer à l’école publique. Il faut alors qu’ils financent la formation de leurs enfants. Ce faisant, ils allègent la tâche à l’Etat qui n’est plus tenu de le faire. C’est une forme donc pour les parents qui considèrent qu’ils ont de l’argent de prendre en charge la formation de leurs enfants et de diminuer la pression qui s’exerce sur l’Etat et de permettre à l’Enseignement Supérieur Public d’être beaucoup plus efficace. C’était le modèle qu’on avait bâti en 1987. Je vais vous envoyer le texte fondateur.
2- Ensuite le rejet des solutions novatrices. Nous avons fait au moins une vingtaine de réunions. Tout ce qui est de nature à assurer l’assurance qualité de ces établissements nous l’avons fait. Il n’y a pas un seul que nous n’avons pas passé en revue. Quand vous prenez un établissement d’enseignement supérieur, qu’est-ce qu’il faut dedans ? Comment il faut l’organiser ? Ainsi de suite. Allez au CAMES vous allez trouver les documents. Je me suis rendu compte qu’au Bénin ici, les gens ont fermé les oreilles et n’ont même pas cherché à voir ce que recouvrait l’Enseignement Supérieur. Pire, c’était le clientélisme. En ce sens que la règle veut, selon ce que le Bénin a signé, que seul le CAMES est censé faire l’équivalence et la reconnaissance des diplômes pour l’ensemble des Etats. Il appartient donc à l’Etat une fois que c’est fait de transmettre le diplôme à la fonction publique pour que cela soit traduit dans les faits concrets. Cela a été fait jusqu’à TCHÉDÉ qui était le Directeur de l’Enseignement Supérieur à l’époque basé à côté de la Chambre de Commerce. Et puis est venue une nouvelle génération de gens qui ont fait une rupture et qui n’ont rien compris, et qui cette fois-ci ont banalisé totalement la reconnaissance. Voulant peut-être atteindre d’autres objectifs, ils ont cherché à faire une reconnaissance des diplômes au niveau national ce qui fait que ceux qui ne voulaient pas faire d’effort pour aller de l’avant se sont accrochés à cela et jugeaient inutile le système de reconnaissance du CAMES. Dès lors nous avons à faire à deux groupes d’établissements qui évoluent selon deux systèmes et d’autres tirent profit de cela avec l’hérésie qui consiste à demander à un Ministre de cosigner un diplôme alors qu’il n’a rien fait. Non seulement il n’a pas fabriqué les épreuves, mais il n’a pas fait la surveillance des épreuves et ne s’est pas assuré de la qualité de ces épreuves. C’était le Sénégal qui l’avait fait avec WADE pour pouvoir gratifier ISM. Mais en son temps, on avait dénoncé cela. Aujourd’hui ils signent. En réalité le problème que vous avez aujourd’hui se résume en deux choses.
1- Pourquoi l’Enseignement Supérieur Privé ? Est-ce que l’enseignement supérieur privé est nécessaire pour le Bénin ?
La réponse à cette question, c’est oui. C’est même vital. Avec comme obligation pour l’Etat dès lors que les enfants qui fréquentent ces écoles sont des enfants de citoyens Béninois et que les parents paient l’impôt, l’obligation pour l’Etat de venir aussi en soutien sous des formes que vous devez négocier. A un moment donné nous avons dit que l’affaire d’argent devait être bannie. Il valait mieux que l’Etat soutienne ces écoles en leur recrutant des enseignants par exemple. Et vous verrez qu’en Côte-d’Ivoire ils le font. Il y a des subventions. Aux écoles qui sont reconnues, l’Etat peut également donner un coup de pouce en envoyant, en reclassant les étudiants dans ces établissements et en payer le coût de la formation et non les coûts d’inscription. Les coûts de la formation sont différents des frais d’inscriptions. A partir du moment où nous avons créé ces établissements, nous avons jugé nécessaire que les établissements publics jouent un rôle de leadership en facilitant l’insertion de ces établissements. Ainsi nous avons encouragé l’Enseignement Supérieur Public à porter à bout de bras ces établissements et nous lui avons demandé de ne pas les laisser à eux-mêmes et leur dire : allez chercher les ressources. Malheureusement, l’Enseignement Privé ne s’était pas bien organisé au point que c’est devenu pratiquement un moyen de chantage sur certains points. Et, finalement ce que l’on peut appeler la discipline que l’Enseignement Supérieur Public devrait avoir au sein de ces établissements pour pouvoir atteindre un objectif louable n’est pas respecté. Voilà pour ce qui concerne l’Enseignement Supérieur Privé. Est-ce qu’il est nécessaire ? Nous avons dit oui. Nous l’avons créé mais nous avons dit également ce qui doit être son rôle et il ne devait que de se contenter de ces rôles. Il ne doit pas faire autre chose. On dit que pour pouvoir créer un Enseignement Supérieur Privé, la première des choses c’est le projet. On s’attend à ce que l’établissement nous donne son projet. Quels sont les hypothèses, les faits et autres qui ont initié l’ensemble des formations qu’il veut faire ? Et sur cette base, quel est le projet qu’il entend conduire ? Voilà le contenu du premier document. Deuxième document, il doit avoir l’autorisation de création de l’établissement. Ici le dossier doit être composé du plan du bâtiment et tout ce qu’on entend faire. Donc l’établissement est créé et enregistré mais n’est pas encore autorisé à faire des cours. La troisième étape est l’habilitation. C’est-à-dire un genre d’autorisation pour chaque diplôme que vous voulez délivrer. Par exemple : c’est comme si vous créez une entreprise. Vous voulez fabriquer du Malta, on vous en donne une autorisation ; vous voulez fabriquer du Sprite, vous faites un dossier, on vous donne une autorisation de fabrication de Sprite. Mais vous ne pouvez pas, à partir d’une seule autorisation, fabriquer du Malta, du Sprite, de la bière et tout. C’est ce qu’on appelle l’Habilitation. Et c’est à ce niveau qu’on regarde le programme par rapport aux objectifs et par rapport au besoin de l’économie et on vous donne alors l’autorisation pour préparer ces diplômes. C’est ce que nous appelons l’alignement objectif, contenu, évaluation. Donc l’habilitation doit être donnée diplôme par diplôme. Mais ce que nous avons constaté dans le cas au Bénin, c’est qu’il y a des établissements qui ont eu même en une seule journée depuis le BTS jusqu’au Doctorat. Donc le gradualisme qui est recommandé n’a pas été observé. Ceux qui l’ont eu n’ont jamais préparé des gens qui ont dépassé la licence. Le rôle de l’Etat se limite à ses trois éléments plus ce que l’on appelle l’évaluation. L’évaluation qu’on confère à l’Etat est de s’assurer que, sur tous les points concourant à la formation d’un étudiant, l’établissement est en règle. Est-ce que tel étudiant à qui vous délivrez le diplôme a été inscrit chez vous ? Est-ce qu’il a passé les examens ? On peut connaître tout ça. Est-ce que les examens ont eu lieu conformément à ce que vous avez écrit dans votre référentiel ? Qui sont les enseignants que vous utilisez ? Quelles sont les coopérations que vous avez eues? Parce qu’il est arrivé qu’on ait trouvé dans d’autres pays des gens qui n’ont pas fait cours mais qui finalement ont des diplômes. Cela veut dire qu’il y a un vide total sur le parcours. Donc le rôle d’évaluation est dévolu à l’Etat. Mais on lui demande d’être souple parce que la rigidité, l’excès de rigidité, est ce qui a conduit au mauvais fonctionnement des universités publiques. Vous ne pouvez pas régenter comme si on est pratiquement dans une armée où personne ne peut avoir d’initiative pour créer. Moi je viens par exemple de l’UNESCO dont j’ai évalué le diplôme de gestion et de planification de l’éducation. Ils ont des innovations. Ici, c’est comme si on a élaboré un cadre et on ne peut pas avoir, à un moment donné, de souplesse pour l’innovation. On va te dire qu’il faut nécessairement avoir la licence d’abord. Or il y a des établissements qui peuvent dire : « Moi, la licence ne m’intéresse pas. Je veux former à un niveau supérieur. Donc je récupère la licence pour former à l’obtention du Master. Au lieu de faire 2 ans je veux faire un an en présentiel. En ce sens que les licenciés que moi je prends, ce sont des personnes qui auront fait 4 ans de pratique dans le métier de l’audiovisuel en plus de leur licence et sur la base de ces 4 ans, sur le modèle de validation des acquis, – nous allons vous donner les procédures, – nous allons leur valider la première année et c’est seulement la deuxième année que nous allons faire qui va se scinder peut être en quelques 3 mois de cours en lignes que nous notons : 2 mois de cours de spécialités, 1 mois d’encadrement en matière de stage et puis 3 mois de rédaction de mémoire… » Il faut avoir à un moment donné de la souplesse. C’est pour ça que les gens ont mis dans le LMD la validation des acquis. Il n’est pas dit qu’on doit nécessairement faire les 3 ans, les 2 ans c’est-à-dire les 4 semestres qui suivent. Non. Parce que quelqu’un qui a sa licence et qui est parti travailler dans le métier pendant 4 ans a capitalisé un certain nombre de choses qui peuvent l’autoriser à être dispensé de la première année de Master. Vous ne pouvez pas le faire ici, les gens vont dire jamais.
Je ne veux pas parler du système LMD, parce que le Professeur Mouhamadou MERAWA et moi avons déjà rédigé le référentiel 2009 que le CAMES a pris la responsabilité d’adopter et l’a diffusé dans tous les Etats en indiquant que c’est le seul référentiel pour la formation LMD.
2 – En revanche j’ai appris, et c’est sur ça que vous me demandez de me prononcer principalement, j’ai appris qu’on veut organiser des examens au niveau national pour la licence et le Master. Mais la réalité, c’est qu’on a mis fin en quelque sorte, sans le dire, au diplôme d’Etat. L’Etat ne garantit plus de diplôme en Europe. Le diplôme vaut par son opérationnalité sur le marché. C’est le marché qui détermine la valeur que l’on donne au diplôme parce que le LMD par définition admet la concurrence et l’innovation. Ce qui veut dire que, dans ce que je fais dans ma filière de gestion, il y a des éléments fondamentaux, mais il y a des éléments qui sont optionnels que moi je fais en plus pour rendre mon auditeur plus apte à exercer le métier. Je peux décider de lui apprendre l’art de commandement dans la vie de l’entreprise ou lui apprendre l’éthique. Je peux y mettre un programme de « connaissance de l’économie béninoise » parce que pour pouvoir diriger, il faut connaître le pays où tu habites. Chacun innove. Cela donne une sorte d’ouverture, une flexibilité. On ne peut pas dire qu’on a un programme unique. A partir de ce moment, le problème est de savoir ce que l’on veut retenir comme programme unique. Surtout lorsqu’on parle d’harmonisation. Quand on dit harmonisation ce n’est pas synonyme d’unicité. Cela veut dire convergence, et quand il y a convergence cela veut dire que rien n’est encore unique. Alors que veut-on retenir comme unicité pour évaluer ? C’est la première question : Qu’est-ce que l’on veut retenir comme unicité pour évaluer les gens ? Est-ce que ce que l’on retient comme unicité est pertinent pour permettre d’avoir des étudiants compétitifs? Est-ce une manière de simplifier et de ne prendre que le minimum pour tout le monde ? Est-ce que ce n’est pas un nivellement par le bas ? Sur la base de quoi ce programme a été émis ? Par ailleurs, les diplômes du LMD sont par définition des diplômes d’établissements et non des Diplômes d’Etat. Ces établissements sont dans une sorte de concurrence ouverte, mais peuvent coopérer. C’est ainsi qu’on a des docteurs de l’Université de Tours, d’Orléans etc. [Mais attention ! ceci n’a rien à voir avec le LMD]. Les seuls diplômes pour lesquels il y a encore un niveau national, sont des diplômes d’Etat, comme l’expertise comptable ; les diplômes d’ingénieurs, encore que là, les gens sont en train de décrocher.
Un autre aspect que nous suggère cet examen qu’on veut faire, c’est que dans un même pays où vous avez l’enseignement Supérieur Public et l’Enseignement Supérieur Privé, il ne saurait y avoir de discrimination. Cela veut dire qu’on ne peut faire passer un examen national à certains pendant que d’autres sont soumis à un examen d’établissement pour se retrouver finalement au même niveau que les autres à la fonction publique. NON, cela est une discrimination. Je ne sais pas si au niveau de la Cour Constitutionnelle les gens vont admettre cette situation. Deux voies pour évaluer deux candidats formés à la même matière. Lorsqu’il y a un diplôme national, il s’applique à tout le monde. Il y a une hypothèse à la base que les gens doivent vous expliquer. C’est de savoir si vous êtes inférieurs à l’université publique. Est-ce que c’est la thèse qui est soutenue ? Si c’est le cas alors qu’ils organisent leurs examens ensemble avec le Public et le Privé pour pouvoir prendre des données qui vont leur permettre de fonder leur décision. Si ce n’est pas le cas, la règle fondamentale du système LMD, c’est la responsabilisation de chaque établissement, et ça c’est capital. On nous dit ici par exemple sur l’un des exemples sur la responsabilité : c’est l’autonomie, la responsabilité des Etablissements Supérieurs qui sont sous-tendues par le fait que « Les établissements d’Enseignement Supérieur doivent pouvoir élaborer leur stratégie, définir leur priorité en matière d’enseignement et de recherches, déterminer leur programme et fixer les critères d’intégration de leurs professeurs et apprenants. Les établissements doivent par conséquent accepter les défis de l’environnement concurrentiel dans lequel ils opèrent au niveau national et international. Pour ce faire, ils ont besoin de la liberté nécessaire en matière de gestion, d’un cadre règlementaire plus souple et plus positif. Faute de quoi, vous risquez d’avoir des distorsions ». Le problème ici c’est que cette autonomie, cette responsabilisation est en train d’être supprimée alors qu’au niveau de l’Enseignement Supérieur Public, cela leur est conservé. Qu’est-ce qui justifie un parallélisme en matière d’évaluation ? Qu’on le dise. Est-ce à dire que les autres sont incapables de se responsabiliser ? Dès lors que l’Etat a accompli sa tâche principale d’évaluer le projet, de donner l’autorisation, de donner l’habilitation et de faire des évaluations par an, qu’est-ce qui gêne pour qu’on dise qu’on veut maintenant organiser un examen national pour les seuls privés? Est-ce à dire que vous êtes incapables ? Il faut absolument que les gens puissent le clarifier.
Un autre élément qui me gêne. Le LMD par définition est un contrôle continu. On a dit que « l’évaluation peut se faire de façon continue ou de façon terminale par semestre ou les deux ensemble ». Mais on recommande en priorité l’évaluation continue. Ce qui veut dire que pour l’étudiant, les apprentissages qu’il a eu à faire tout au long de l’année sont pris en compte dans l’évaluation finale. Est-ce que c’est une bonne chose d’évaluer en 2 ou 3 heures de temps ce que quelqu’un a mis trois (3) ans pour faire et pour lequel on a son cursus jusqu’au bout ? Ensuite le stage fait partir des relations universités entreprises et est un élément important du diplôme. Il n’est pas hors formation, il est à l’intérieur de la formation. Cela veut dire quoi ? Dès la deuxième ou la première année, l’étudiant peut aller déjà en entreprise. C’est là où il va confronter l’aspect professionnel avec l’aspect théorique. Il n’attend pas forcément la 3ème année avant d’aller en stage. C’est quelque chose qui fait partie du cursus et ne saurait se concevoir hors stage. Alors, l’examen que l’on veut faire sur le plan national, quelle est la place que l’on réserve à cet aspect ? Veulent-ils l’organiser comme le BTS où on le fait et les gens font un stage et vienne soutenir un mémoire ? Cela veut dire qu’ils retombent dans la routine, ce qui n’est pas possible dans le LMD, où chacun peut choisir son modèle dès la première année, et vous allez en entreprise un peu comme le modèle allemand ; la deuxième année vous allez en entreprise et la troisième année aussi vous allez en entreprise. Comment évaluer cet apport d’enrichissement qui suppose qu’il y a un encadreur dans l’établissement et sur le lieu de stage ? Comment l’incorporer à l’examen final ou veut-on procéder comme pour le BTS à un examen écrit et après il s’en va faire le stage pour venir seulement dérouler un mémoire ou est-ce que nous voulons évaluer ce que l’étudiant a fait comme apprentissage ? En le faisant, est-ce que nous n’évacuons pas totalement et ne pénalisons pas les étudiants qui pourraient réussir par le fait qu’en une journée on fait tout juste une interrogation écrite et on dit que celui ci est admis et que l’autre a échoué ? Cela veut dire que nous voulons conserver le système antérieur qui n’a pas donné de bons résultats.
Autre fait également : je ne sais pas comment l’Etat peut s’en sortir de cet imbroglio de diplômes. Chaque établissement peut créer des diplômes en fonction de l’évolution du marché et de ce que le marché suggère. Parce que le LMD par définition débouche sur le Diplôme axé sur l’emploi. Donc il y a autant de diplômes pour l’emploi que de besoin de l’économie. Quelle sera la stratégie au niveau national en ce qui concerne ce dont l’économie a besoin ? Ont-ils fait un diagnostic auprès des entrepreneurs et des structures pour savoir quels sont les diplômes que l’Etat doit pouvoir retenir pour un examen national, tout en sachant que cet examen est tronqué par rapport au LMD car certains points spécifiques qui ne sont pas pris en compte notamment les contrôles continus et les stages?
Tous ces problèmes que le Béninois a jusqu’à présent viennent du fait que le Bénin a toujours évité quelque chose. Dans le LMD et d’après ce que nous avons fait, il est demandé à chaque Etat de prendre une loi sur le secteur privé de l’Enseignement Supérieur. Le Burkina l’a fait, le Sénégal, la Côte d’Ivoire aussi. Où en sommes-nous au Bénin ? C’est un Décret qu’on prend, et un Décret est à la merci du Président et de ce que le Ministre suggère à un moment donné. Mais une loi c’est une loi. Où en sommes-nous pour la loi sur l’enseignement supérieur privé ? Et cette loi ne peut pas être élaborée sans les parties prenantes. On a demandé de prendre une loi, et pourquoi ce n’est pas encore fait au Bénin ? Et c’est par des Arrêtés et de petites notes qu’on règlemente dans l’enseignement supérieur privé. La Loi prévoit tout et protège tout le monde. Et tant que vous, en tant que force de frappe, vous n’allez pas vous organiser, (et vous avez un patronat) et vous organisez ouvertement, vous serez soumis à ce que vous dénoncez.
– Il est demandé de créer une instance comme la HAAC, la Cour Constitutionnelle, et cette instance, c’est l’Autorité Nationale d’Assurance Qualité de l’Enseignement Supérieur. Elle couvre tant le secteur Public que Privé de l’enseignement supérieur, avec un mandat renouvelable une fois ou non. C’est cette autorité qui doit donner l’autorisation et elle doit être indépendante du Ministère de l’Enseignement Supérieur. A partir de ce moment les conflits sont limités. Où en sommes-nous aujourd’hui pour la création de cette Autorité ? Si le patronat doit faire un premier travail, en voici les étapes : 1 – face à ce qui se dégage, faisons d’abord le diagnostic du secteur privé. 2 – Par rapport à ce diagnostic, le secteur privé est-il considéré comme l’égal du secteur public ? Si oui, l’Etat doit nous le faire savoir. Et nous faire savoir les modes de régulations qu’il entend utiliser.
– Le LMD par définition exclut de façon tacite les diplômes d’Etat. L’Etat ne peut pas dire aujourd’hui je garantis un diplôme. Le diplôme a sa valeur de par la compétence de ceux qui en sont détenteurs sur le terrain. Et vous, vous savez aujourd’hui que les entreprises utilisent vos produits. Est-ce qu’ils ont fait des enquêtes auprès des entreprises pour savoir si les produits que vous faites sont de mauvais produits ? S’il n’y a pas d’enquêtes, sur la base de quoi il y a des suppositions pour qu’on vous mette sous tutelle en vous imposant désormais un examen national pendant que de l’autre côté, d’autres faisant la même chose que vous, en sont épargnés ? Je pense que c’est cette discrimination que vous combattez. Je crois que l’élément est même là. Et je ne pense pas que notre Recteur soit en faveur d’une telle procédure puisqu’il avait dit de coopérer avec les privés et a même sorti des choses entre temps pour dire de les admettre. Personnellement, je crois qu’il faut combattre cette discrimination. Cela a comme conséquence que vous devez nettoyer vous-même, en votre propre sein, nettoyer les mauvais éléments. C’est comme cela que cela s’est construit en Europe du nord et aux Etats- Unis. Vous avez maintenant un patronat, vous n’attendez pas que le Ministère vienne parler avant que vous-mêmes, vous ne fassiez le nettoyage en votre sein. C’est le plus efficace. L’autre n’est que le contrôle externe. Mais avant que le contrôle externe ne vienne, vous devez avoir nettoyé en votre sein. Nettoyer en votre sein veut dire que vous devez commencer par asseoir un certains nombres de standards. Nous qui sommes ici, si nous devions créer une école, nous admettrions dans un premier temps que l’école soit en location. En 7, 8 ou 10 ans nous devons commencer par avoir nos propres locaux. Même au niveau de la Banque Mondiale, il y a des possibilités de faire des prêts aux privés pour construire des universités avec remboursement sur 40 ou 50 ans. Le Rwanda en a beaucoup bénéficié. Parce que la permanence d’une institution compte beaucoup. Et maintenant il faut que progressivement, vous évoluiez de l’entreprise individuelle vers des entreprises qui fusionnent, des trusts. En Sierra Leone, la première université qui a formé les ghanéens, nigérians, gambiens, sierra léonais, les plus hauts cadres qui ont géré les pays après l’indépendance, c’est l’Université de FOURAH BAY. Vous allez voir, c’est gravé dans le mur. Ils étaient seulement six fondateurs.
Il faut évoluer vers des formes d’universités où vous avez des fondateurs dont un est leader et les autres l’entourent, pour que cela ne soit pas une institution individuelle qui ne force pas au respect.
Le mal de notre pays est que tout est individuel, 97% des entreprises sont individuelles. Il faut maintenant chercher la crédibilité en allant vers les idées des fondateurs et maintenant consolider l’idée du patronat que vous avez mis en place. Le Patronat, c’est bon, mais je pense qu’avec le temps vous trouverez un thème beaucoup plus fort et beaucoup plus pertinent.
Donc, si vous me demandez aujourd’hui mes sentiments, je dirai que je ne sais pas comment les gens peuvent organiser ce diplôme et je ne pense pas que le LMD leur facilite la tâche. Je sais par contre par expérience qu’un pays comme la Côte d’Ivoire avec le Ministre BAKONGO, très brouillant, a tenté de le faire. Mais, immédiatement il a vite fait de remettre son projet dans le tiroir, parce qu’il s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas. La Côte d’Ivoire a tenté d’organiser les examens nationaux, mais rapidement ils ont classé. Et je dis, aujourd’hui dans la sous-région, aucun pays ne le fait. Donc de ce point de vue, si nous sommes dans le même espace et qu’on nous demande de converger ou d’avoir une harmonisation, l’harmonisation ne nous suggère pas que nous puissions faire des choses qui soient contraires à ce que la grande masse des pays fait.
Par ailleurs, il faut que chacun de vous commence par délivrer les diplômes avec les suppléments. La manière de livrer les diplômes n’est pas ce que vous faites actuellement avec le LMD. Idem pour les universités publiques. Je peux vous donner un exemple concret. Vous avez le diplôme et vous avez sur 4 ou 5 pages, un document qui accompagne le diplôme et qui donne une vue de ce que l’individu a fait. Ce qui veut dire que quand il va en Europe, il sera accepté dans tel établissement au regard de ce supplément-là. Le diplôme en lui-même n’est pas ce qui parle.
Si vous avez un travail très urgent, je dirai impératif à faire, c’est d’une part, de lutter pour l’adoption de la Loi sur les Etablissements Privés. Il faut que cela soit voté. D’autre part, c’est de lutter pour la création de l’Autorité Nationale d’Assurance Qualité dans laquelle vous devrez avoir vos représentants et les parties prenantes qui désormais devraient faire le travail pour lequel le Ministère vous envoie des papiers ou autres. Parce que la Direction Générale de l’Enseignement Supérieur (DEGES) n’est pas créée uniquement pour le secteur Privé, c’est fait pour le secteur Publique aussi. Et posez leur la question si jamais elle à eu à inspecter les universités publiques.
Colonel ZANNOU Marcellin :
Merci Professeur, comme j’ai eu à le dire à la fin de la première conférence avec le Professeur BOGNIAHO, vous vous êtes retrouvé comme devant des candidats à un examen, qui avaient l’impression que vous donnerez des sujets qui sortiront demain et ils ont noté avec beaucoup de concentration. Moi-même j’ai noté beaucoup de choses. Nous avons créé une commission d’éthique et de discipline dirigée par le Docteur Albert GANDONOU. Il faut que cette dimension soit développée. Et nous allons y veiller.
Président KOUPHIN Charles
Je tiens à remercier le Professeur parce que malgré son programme chargé et l’horaire qu’on lui a imposé pour venir ici il est arrivé. C’est un sachant et un expert dans le domaine du LMD. Et comme vous le savez, tout se passe comme si les fonctionnaires qui sont au Ministère ne connaissent rien du système LMD. Et nous avons été les premiers à le leur dire : l’examen national en Licence ou en Master, c’est inapplicable. Et depuis qu’on a adopté le système LMD, on ne peut plus venir dire aujourd’hui qu’on doit organiser un examen national. Vous-même, vous savez qu’ils y vont avec force. Les arguments nous les avons informellement discutés avec eux. Eh bien, ils nous ont dit qu’ils doivent aller jusqu’au bout parce qu’ils ont des réformes à faire. Donc c’est pour dire que nous sommes dans un système de chasse aux sorcières… Nous avons pris bonne note, Monsieur le Professeur. Ce que nous pensons, c’est que l’Université publique doit aussi nous aider dans cette bataille parce que demain ça peut être son tour. Je pense que nous allons travailler encore davantage en notre sein à assainir ce que nous faisons, à renforcer sur le plan technique ce que nous faisons, en adoptons tous les documents qu’il faut pour que notre système se renforce de jour en jour et je pense que nous y parviendrons. On ne peut pas continuer indéfiniment à nous persécuter, à faire du mal à ce pays qui nous appartient tous.
Conclusion du Professeur AMOUSSOUGA GERO Fulbert
En décidant d’organiser des examens nationaux, le Ministère veut vous confiner dans un rôle qui n’est pas le vôtre. Celui d’un centre de préparation. C’est-à-dire que le Ministère se considère comme l’université qui délivre les diplômes, et vous, vous n’êtes que des centres de préparation agréés. Vous allez préparer les gens, vous n’avez aucun pouvoir sur les étudiants et ils vont venir passer les examens. Je crois que ce n’est pas ça l’Enseignement Supérieur. Vous n’êtes pas un centre de préparation. Vous êtes un centre autonome doté de tous les pouvoirs pour pouvoir faire le nécessaire, ça c’est très important. Le fait que dans la sous-région cela n’existe ni en Afrique Centrale, ni en Allemagne ni en France ni aux Etats-Unis, ni dans aucun pays qu’on peut vous citer, vous rend fort pour dire que vous ne pouvez pas être des cobayes. Ce n’est pas une réforme qui est académique, c’est tout.
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