Dans le cadre du projet ‘’Pour des médias plus professionnels au Bénin’’ de la Maison des Médias, financé par Osiwa, le journaliste Marcel Zounmènou a animé une conférence de presse, vendredi 14 juillet dernier à Cotonou, sur le thème : « Achat, utilisation et crash de l’hélicoptère Ty-Abc : Les dessous d’un scandale à multiples facettes ».
Faire une enquête au Bénin où la culture du secret et du ‘’tout confidentiel’’ est la chose la plus répandue n’est pas facile. Le faire sur un sujet qui concerne l’aviation et la sécurité est encore plus malaisé. Le journaliste Marcel Zounmènou avait toutes les raisons de renoncer à son enquête sur l’achat, l’utilisation et le crash de l’hélicoptère Ty-Abc, avec les risques encourus. Il précise que le rôle d’un journaliste d’investigation est d’avoir le courage de persévérer. Il dit avoir foncé droit sur ce sujet d’enquête en pensant à Albert Londres, une icône du journalisme d’investigation, qui dit clairement que « Notre rôle n’est pas de plaire, il est de retourner le couteau dans la plaie ». Au total, une vingtaine de personnes à rencontrer dont le député Barthélemy Kassa, ancien ministre de l’Energie et des Mines.
Le conférencier a fait savoir que l’arrivée de Boni Yayi au pouvoir en 2006 a été un déclic de la recherche pétrolière au Bénin. Par exemple, au cours d’une déclaration publique, l’ex-président de la République avait affirmé que notre pays a du pétrole, se souvient-il. Ainsi, la Société béninoise des hydrocarbures (Sobeh) a été créée en 2013. Des contacts ont été pris avec plusieurs firmes pétrolières à l’étranger, pour signer avec eux des contrats d’exploitation et d’exploration sur les différents sites offshore et onshore du pays. Certes, ces divers contrats génèrent de l’argent. Marcel Zounmènou révèle que c’est avec le bonus de signature, avec la firme Hunt Oil, que l’hélicoptère Agusta immatriculé Ty-Abc a été acheté. Une firme pétrolière basée aux Etats-Unis et au Canada. Selon lui,le montant de l’achat est de 11 994 275 euros, mais le total des frais liés au transport, aux publications techniques, à la formation, aux pièces de rechange et matériel de soutien au sol est de 13 946 075 euros. Il martèle que pour les déplacements, la Sobeh était obligé de louer au Nigeria auprès de Bristow Helicopters Nigeria des hélicoptères. Mais à un moment donné, la facture devenait trop salée. Il fallait débourser plus de 500 000 dollars par mois. Comme solution, la Sobeh a décidé d’en acheter un. Cela lui permettra de déplacer ses propres agents, mais aussi de louer l’appareil à des firmes pour gagner de l’argent.
Une chute brutale
Le journaliste a indiqué que son enquête a permis de savoir comment l’hélicoptère a été détourné subtilement une fois acquis. Selon les explications du conférencier, tant que l’hélicoptère volait juste pour les déplacements du président Boni Yayi, tout le monde tirait son compte. Dans le même temps, la Sobeh continuait à louer des hélicoptères et à payer des sommes faramineuses. Il fait remarquer que l’hélicoptère Ty-Abc n’a volé que 293 heures. Le 26 décembre 2016, il finit dans un crash au stade Atchoukouma de Djougou avec à bord le Premier ministre d’alors Lionel Zinsou. Pour lui, ce crash apparaît comme le résultat de l’amateurisme qui a caractérisé la gestion de l’hélicoptère. L’enquête ouverte n’est toujours pas bouclée. La raison, c’est que jusque-là, la boîte noire n’est pas encore décryptée. Il rappelle que la Sobeh n’a daigné payer même les trois mois d’arriérés de salaire qu’elle prétend devoir. Pourtant, la compagnie d’assurance Nsia lui a déjà payé 7,18 milliards pour les frais de dédommagement depuis mars 2016.
Dans sa conclusion, le conférencier Marcel Zounmènou a dit sa satisfaction d’avoir fait ce travail qui a permis au public d'en savoir un peu sur toute cette saison de recherche pétrolière accrue entre 2013 et 2015. Il soutient que c’est grâce à cet argent que l’hélicoptère qui servait aux pérégrinations de Boni Yayi a été acheté.
Il souhaite que cette initiative des enquêtes de la maison des Médias soutenue par Osiwa soit perpétuée pour l’émergence d’une presse de qualité au Bénin.
Romuald BINAZON