Le Maire de Cotonou a connu une fin de semaine plutôt tumultueuse. Le vendredi 28 juillet 2017, après avoir été auditionné dans la matinée par le Préfet du Littoral, il a été suspendu de ses fonctions quelques heures après. Dans la même journée, son domicile a été pris d’assaut par les forces de l’ordre. LéhadySoglo n’a pu être arrêté. Retour sur des évènements qui bouleverseront peut-être la vie de Léhady Soglo.
Léhady Soglo a dû passer un mauvais quart d’heure les vendredi et samedi dernier. Dans la matinée du vendredi, il a répondu à une convocation du Préfet du Littoral. A la Préfecture, le Maire de Cotonou a été auditionné par certains membres du Conseil départemental de concertation et de coordination. Entre autres questions, le Maire devrait donner les raisons qui motivent l’augmentation de plus de 100% des frais de représentation qui passent de 2 millions à 10 millions de F Cfa pour l’année 2017 sans délibération spécifique du Conseil communal, la vente non conforme au prix référentiel (5.000 F Cfa le m2) de la servitude du lot 366 du quartier Zongo Nord de 70 m2 et l’attribution abusive d’une voie publique à Midombo dans le 3ème arrondissement par l’arrêté municipal sans avis du Conseil municipal. Selon certaines sources, le Maire n’a pu se défendre face au Conseil. Il avait souhaité pouvoir disposer de quelques jours pour répondre par écrit aux reproches qui lui sont faits. Face à la presse, au sortir de l’audition, LéhadySoglo a balayé du revers de la main tous les reproches. Le Préfet de son côté, n’a pas accédé à la demande du Maire de Cotonou. Il a fait le rapport de l’audition qu’il a adressé au ministre de la Décentralisation et de la gouvernance locale. Quelques heures après, la décision du ministre Barnabé Dassigli tombe contre tout attente : LéhadySoglo est suspendu des fonctions de Maire de la Commune de Cotonou pour une durée de deux (02) mois. L’arrêté ministériel se fondant sur les recommandations du Conseil départemental reproche au Maire de Cotonou la vente ou l’aliénation abusive de biens domaniaux, la violation des règles de déontologie administrative (notamment l’effacement des traces de documents administratifs et comptables par incinération). Plusieurs observateurs critiquent la célérité avec laquelle, la procédure de suspension a été conduite.
Un domicile envahi…
Les proches de LéhadySoglo étaient encore sous le choc quand la police a décidé d’investir le domicile du Maire suspendu. Plusieurs fonctionnaires de police ont pris d’assaut ladite résidence. Informés, certains proches de Léhady et des curieux ont envahi la rue du Maire de Cotonou. Massivement mobilisés devant le domicile du Maire, ils ont conspué les policiers venus officiellement procéder à des perquisitions. Les réseaux sociaux ayant donné l’alerte, certaines personnalités critiques envers le gouvernement se sont pointées. Entre autres, l’ancien Maire de Ouidah, Sévérin Adjovi, l’ancien ministre Candide Azannaï, l’ancien député Maxime Houdjissin, l’homme d’affaires Sébastien Ajavon se rendront chez LéhadySoglo pour lui témoigner leur soutien. Dans le même temps, Nicéphore Soglo, Rosine Soglo et Me Robert Dossou donnent de la voix. Ils dénoncent l’acharnement dont serait victime LéhadySoglo. Les dénonciations et la mobilisation de la population n’ont pas émoussé l’ardeur des forces de l’ordre. Mais elles n’ont pu retrouver LéhadySoglo ni le vendredi ni le samedi où elles sont retournées sur les lieux. Ce dernier, selon nos sources, s’est fait exfiltrer malgré la présence des policiers. Il aurait quitté Cotonou le même jour échappant ainsi selon certains observateurs au plan mis en œuvre par le Préfet Toboula. Beaucoup soutiennent en effet que c’est un plan d’arrestation élaboré qui a échoué.
Les implications d’une affaire juridico palsetinienene
Presque tout changera dans le paysage politique national. La suspension de LéhadySoglo voulue et réalisée par le gouvernement devrait renforcer les positions déjà tranchées. Le Maire suspendu a naturellement reçu le soutien de ses géniteurs qui restent de grands électeurs. Nicéphore Soglo et Rosine Soglo ont condamné la situation que vit depuis quelques jours leur fils. L’ancienne Première dame a menacé même de combattre désormais Patrice Talon qui serait selon elle, le responsable des ennuis de LéhadySoglo. C’est dire qu’entre la famille Soglo et Patrice Talon, c’est le clash. Le Chef de l’Etat devra compter toute cette famille dans le rang de ses adversaires politiques. Une réalité qui pourrait également fait dire que l’opposition se renforce peu à peu. En effet, la famille Soglo pourrait rejoindre Sébastien Ajavon qui ne partage plus les choix politiques de Patrice Talon. Il est inutile de mentionner les noms de Candide Azannaï et de Sévérin Adjovi qui s’étaient portés le vendredi soir au domicile de LéhadySoglo. La famille des mécontents s’agrandit. Et le Chef de l’Etat pourrait avoir à regretter les erreurs politiques qu’il multiplie en début de mandat.
L’autre implication que pourrait avoir l’acharnement politico-judiciaire en cours, c’est que LéhadySoglo risque de perdre son fauteuil de maire. Le gouvernement visiblement engagé à obtenir la tête de ce politique plutôt insoumis pourrait bien le révoquer. Le gouvernement de la Rupture, faut-il le rappeler, ne veut plus collaborer avec LéhadySoglo. Outre les rapports houleux que le Maire entretient avec le Préfet Modeste Toboula, Patrice Talon et LéhadySoglo s’observent comme de véritables adversaires. Un état de chose qui motive d’ailleurs l’animosité développée par les collaborateurs du Chef de l’Etat contre le maire de Cotonou. On a comme l’impression que le président Talon veut contrôler Cotonou, la vitrine du Bénin, contre vents et marées. Il a certainement l’occasion rêvée pour imposer un de ses poulains à la tête de la capitale économique. Mais ce choix pourrait lui coûter cher lors des prochaines élections.
Mike MAHOUNA
Des extraits de propos de quelques personnalités
Me Robert Dossou,
«Les coïncidences sont nombreuses. Et ce n’est pas bon. Je suis un militant engagé pour le droit. Notre pays peut engager tout ce qu’on veut, mais il faut suivre le droit. Lorsqu’on a un reproche à faire à quelqu’un, il faut lui notifier ce qu’on lui reproche et lui laisser le temps de préparer sa défense… Nous sommes tous exposés. N’importe qui peut avoir sa maison envahie de soldats ou de policiers. On peut l’arrêter ou l’enfermer n’importe comment… Le Maire m’a dit qu’ils ont audité sa gestion sept fois et ils n’ont rien trouvé. Si le contradictoire ne peut pas être appliqué préalablement, nous sommes menacés. Et moi, militant du droit, je suis obligé de m’engager»
Nicéphore Soglo
Pour l’ancien président de la République et ancien maire de Cotonou, ce qui s’est passé vendredi est une négation de la démocratie après tant d’années de pratique de la décentralisation. On pouvait faire les choses avec beaucoup plus d’élégance puisque LéhadySoglo est un élu à l’instar d’un député, d’un président de la République…
Rosine Soglo
« Je revenais d’un séminaire à Agoué. Je n’ai même pas eu le temps de rentrer dans la maison. Et ma fille me téléphone pour me dire Maman ils veulent arrêter mon mari. Arrêter qui ? Mon fils ? Mais Talon se trompe de personne. Ce n’est pas Léhady que Talon veut. C’est moi que Talon veut. Moi qui ai tout fait pour qu’il n’y ait pas de révision de la Constitution… Dans la famille Soglo, le maillon faible pour lui, c’est Léhady. Mon fils ne lui a rien fait du tout. Il n’a rien à voir dans cette histoire. Talon et ses sbires manquent de courage. Qu’ils viennent me chercher. Talon n’est pas Dieu. Il n’a pas le destin de Léhady. Mon combat, c’est de le combattre. Tant qu’il ne lâchera pas mon fils, il m’aura derrière lui. Je le jure. Ou il me tue, ou c’est moi qui le tue».
Propos transcrits par M.M