Le dossier N°060/PG-10 Ministère Public contre dame Gabaki Satou, née vers 1970, ménagère et mère de 10 enfants dont 7 décédés et 3 vivants, est le premier dossier qui a été examiné par la cour à l’occasion de la deuxième session de la cour d’assises au titre de l’année 2017. C’est une affaire de coups mortels. Une infraction prévue et punie par les dispositions de l’article 309 alinéa 4 du Code Pénal.
Au terme de l’instruction du dossier à la barre par la cour présidée par Hubert Arsène Dadjo assisté de Gomina S. Abdou Malick et de Banzou Nouhoum Adame et les réquisitions du ministère public assuré par le Procureur général Emmanuel Opita et les plaidoiries de Huguette Bokpè Gnacadja, avocat de la défense, dame Gabaki Satou a été déclarée non coupable et acquittée purement et simplement. La cour a par ailleurs, ordonné sa mise en liberté immédiate si aucune autre charge n’est retenue contre elle.
Il est à signaler que dame Gabaki Satou a déjà passé onze ans en détention parce que placée sous mandat de dépôt depuis 2006.
Résumé des faits
Les faits en cause dans ce premier dossier se sont déroulés dans un village de la commune de Péhunco dans le département de l’Atacora. En effet, le vendredi 19 mai 2006 aux environs de 23h, dame Gabaki Satou s’était rendue chez l’une de ses amies dans le même village non loin de la maison de Bio Boussou Maré Sinnegui pour l’assister dans la préparation du savon.
Le nommé Matchou Koda N’Douro, l’époux à l’amie de Gabaki Satou était assis dans son fauteuil et les observait. Un instant après, Bio Boussou Maré Sinnegui fit son apparition dans la maison de ce dernier et commença par provoquer dame Gabaki Satou.
Cet entretien provocateur ayant pris une tournure de bagarre, le sieur Matchou Koda N’Douro a été obligé de renvoyer Bio Bio Boussou Maré Sinnegui de sa maison.
Au lieu de rentrer, ce dernier a préféré tendre une embuscade à dame Gabaki Satou. Vers zéro heure, lorsque dame Gabaki Satou est sur son chemin de retour, elle a été surprise de voir Bio Boussou Maré Sinnegui qui l’attendait.
Aussitôt, elle s’est mise à crier au secours. Le nommé Bio Boussou Maré Sinnegui se jeta sur elle et lui administra des paires de gifles.
Dame Gabaki Satou réussit à lui échapper mais Bio Boussou Maré Sinnegui la pourchassa et continua à la gifler quand celle-ci trouva par terre un gourdin dont elle se saisit et assena un coup au front de son agresseur. Bio Boussou Maré Sinnegui succomba sur le champ à la suite de ce coup.
Les débats
Dame Gabaki Satou déposant à la barre, a reconnu les faits qui lui sont reprochés mais la nuance que son intention n’était pas de donner mais qu’elle a voulu se débarrasser d’un agresseur. Elle a déclaré vouloir se défendre du sieur Bio Boussou Maré Sinnegui. La preuve en est que le coup de gourdin qu’elle a assené est la riposte aux gifles que ce dernier lui a préalablement administrées. Tout en regrettant son acte, elle a sollicité la clémence de la cour, car elle ne savait pas que le coup de gourdin lui serait fatal.
Dans ses réquisitions, le ministère public représenté par le Procureur général Emmanuel Opita, a fait un bref rappel des faits de la cause, avant de revenir sur les éléments constitutifs de l’infraction de coups mortels à la lumière des dispositions de l’article 309 alinéa 4 du Code Pénal. Le ministère public a démontré que l’élément légal, l’élément matériel et l’intention coupable sont réunis par rapport aux faits de l’espèce. Il a fait savoir que la piste de la légitime défense ne peut être évoquée à cause de la disproportion de la riposte, et a suggéré à la défense, la piste de l’excuse de provocation.
Par conséquent l’infraction de coups mortels est constituée. Il a fait observer que l’enquête de moralité est favorable à l’accusée et le rapport d’expertise psychiatrique ne révèle aucune anomalie, ce qui fait qu’elle est accessible à la sanction pénale. C’est au regard de ces observations, que le ministère public a requis 08 ans de travaux forcés pour le crime de coups mortels.
Huguette Bokpè Gnacadja, avocate de la défense, a demandé à la cour à l’entame de sa plaidoirie de considérer les circonstances atténuantes à l’accusée et surtout des constances au dossier, dans le secret de leur délibération. Pour une bonne administration de la justice, elle a évoqué son statut de veuve, donc vulnérable, sa nature frêle sans défense et le caractère violent et provocateur de la victime qui faisait des avances à sa cliente. Et ce caractère violent, provocateur et coureur de jupons de la victime est de notoriété publique dans le village, les dépositions de certains témoins au moment des faits suffisent pour sa religion sur le type d’homme qu’est la victime. Huguette Bokpè Gnacadja, a plaidé la légitime défense absolue contrairement au ministère public, elle a mis en exergue les éléments constitutifs. Car pour elle, sa cliente, n’a pas agi comme une criminelle, elle s’est plutôt défendue contre une agression injustifiée avec préméditation.
Albérique HOUNDJO (Br Borgou-Alibori)