Dans le cadre des opérations de lotissement dans la commune d’Abomey-Calavi, la mafia locale capte la rente foncière, au détriment des réserves administratives et sociales, faisant des acquéreurs de parcelles, les vrais dindons de la farce.
Par Maryse ASSOGBADJO
Acquérir une parcelle à Abomey-Calavi, c’est s’acheter parfois un procès en justice. Le juge Gilbert Togbonon, auteur du Guide sur le foncier soutient que plus de 75% des dossiers pendant le tribunal de Calavi traitent des problèmes domaniaux.
Trois jours sur cinq, le tribunal de première instance de deuxième classe de la commune vit au rythme des audiences sur le foncier. Sur le tableau d’affichage à l’entrée de la salle d’audience A, en ce vendredi 26 mai, la longue liste des dossiers inscrits retient l’attention. A l’intérieur, la concentration est requise pour suivre l’appel du juge. A la barre, les différentes parties doivent fournir des explications concernant leur dossier. Pour défaut de pièces ou complément d’informations, la plupart des dossiers sont renvoyés à une autre échéance. Les personnes concernées doivent continuer leur chemin de croix jusqu’au verdict final. « C’est la 2ème fois que nous venons en audience concernant une affaire de parcelle à Hêvié qui oppose notre collectivité (Houégbé) à la famille Zounon-Winho. Mais nous sommes conscients que le bout du tunnel est encore loin. Une seule affaire peut durer plusieurs années », souligne Barthélémy Houéton, membre de la collectivité Houégbé.
Créé en 2010, le tribunal de Calavi compte six chambres de droit de propriété foncière. Un record comparativement aux autres questions dont traite le tribunal. Toutefois, la délibération des dossiers concernant le foncier revêt souvent un processus de longue haleine.
Pour justifier la lenteur du système juridico-foncier, le président du tribunal, William Kodjoh-Kpakpassou, argumente : « La délicatesse des problèmes fonciers peut créer des troubles à l’ordre public. C’est une question qu’il faut aborder avec beaucoup de professionnalisme, de prudence et de précaution, sinon nos décisions peuvent encore créer des problèmes. Et elles en créent parfois ». A cela s’ajoute le manque du personnel qualifié. Il impute également la lenteur du système juridico-foncier aux familles. « Compte tenu de la délicatesse de certains dossiers, le tribunal sollicite l’expertise d’un acteur du domaine pour fournir des précisions au juge sur les litiges. Le temps de l’expertise est parfois long et certaines familles aussi ne payent pas les frais y afférents ».
Dans cette juridiction, les motifs des audiences tiennent aux revendications, à la confirmation, à l’assignation en confirmation du droit de propriété, aux annulations de vente, de convention de vente, de recasement, cessation de troubles et expulsion.
« En dehors des contentieux fonciers directs, nous traitons également des contentieux liés aux conflits de recasement, de la superficie lié au recasement ; à l’empiètement de l’un sur le domaine de l’autre ; à la remise en cause des ventes par les ascendants… », détaille William Kodjoh-Kpakpassou. Les autres types de contentieux non directs sont liés, entre autres, aux contestations au sein d’une même succession, l’assignation en référé expulsion et les questions d’état civil et moderne concernant le foncier. Au regard du volume important et sans cesse croissant des procédures en matière de contestation de droit de propriété dans la commune, les magistrats en service dans cette juridiction ont instauré un cadre de réflexion et de recherche en matière de règlement des litiges fonciers. Objectif : réfléchir sur les défis liés à la résolution du contentieux foncier dans toutes ses dimensions et proposer des approches de solution pour son règlement optimal. Mais les bonnes intentions n’arrêtent pas encore la fréquence des conflits domaniaux à Calavi. Au prétoire, le ballet des familles se poursuit.
(Enquête réalisée dans carde du projet : « Pour des Médias plus professionnels au Bénin) de la Maison des Médias des Médias financé par OSIWA)