Quoique pays en état de paix, le Bénin est aussi confronté au problème de la prolifération des armes légères et de petit calibre. Cette dernière catégorie contribue, pour une large part, à la recrudescence de l’insécurité. Mais, à défaut d’une législation adaptée à l’ampleur du fléau, la non -prolifération desdites armes apparaît comme un combat perdu d’avance.
Quoique pays en état de paix, le Bénin est aussi confronté au problème de la prolifération des armes légères et de petit calibre. Cette dernière catégorie contribue, pour une large part, à la recrudescence de l’insécurité. Mais, à défaut d’une législation adaptée à l’ampleur du fléau, la non -prolifération desdites armes apparaît comme un combat perdu d’avance.
La situation est préoccupante et des autorités au haut niveau s’en indignent. Le colonel Placide Ayamou, directeur-adjoint de la gendarmerie nationale, membre de la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères est totalement écœuré quand il constate l’insoutenable facilité d’acquisition des armes de petit calibre et leur part dans l’insécurité.
Selon cet officier, la plupart des braquages perpétrés sur nos axes routiers et dans les agglomérations l’ont été au moyen de fusils de type baïkal et de pistolets de fabrication artisanale cédés par des forgerons à des prix variant entre 30 000 pour les fusils et 15 000 francs CFA pour les pistolets. Ces forgerons dont un recensement mené en 2006 a permis de les localiser principalement à Djakotomey (Couffo), à Agbangnizoun, Tanvè ( Zou) et à Bassila (Donga), produisent plus de 4800 armes de petit calibre par an. Ce chiffre, bien en deçà de la réalité du fait de ce que tous les forgerons n’ont pu être recensés, traduit bien le niveau de l’ampleur de la prolifération et son impact sur la sécurité et le développement du pays.
La situation est d’autant plus alarmante que des forgerons béninois ont pu reproduire l’AKM, une arme de guerre par excellence, avec la seule différence qu’il y a manqué la rayure de l’intérieur pour permettre à la munition de tourner. Mais, la balle reste mortelle. Bien que d’autres armes perfectionnées proviennent des pays post-conflit comme le Libéria et la Sierra Leone et sont le fait des malfrats qui se les procurent aussi avec les munitions au Ghana, celles de fabrication artisanales sont les plus importantes et les plus accessibles.
Ces armes, utilisées de prédilection pour les braquages et d’autres forfaits, nourrissent la criminalité transfrontalière, et constituent une grave menace pour la paix et le développement de la région. Une étude réalisée en 2006 sur les impacts socio-économiques de la prolifération desdites armes établit que l’une des conséquences est le ralentissement de l’activité économique et l’instauration d’une atmosphère de psychose permanente. Comme l’explique le professeur Bonaventure d’Oliveira, sociologue, membre de la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères, ‘’le commerçant est obligé d’aller tard au marché et d’en revenir tôt pour éviter de se faire braquer. De même, certains Béninois refusent de badigeonner leur maison et de s’acheter de véhicules 4X4 pour ne pas afficher des signes extérieurs de richesses. D’aucun s’abstiennent de sortir la nuit pour aller se faire soigner en cas de malaise’’. L’étude, précise-t-il, a aussi montré qu’il y a allongement de la distance parcourue par les élèves filles pour aller au cours de 7 heures, ces filles craignant de se faire agresser.
Malheureusement, le vide juridique ou du moins la législation inadaptée et obsolète ne permet guère d’arriver à bout du fléau de la prolifération des armes légères et de petit calibre au Bénin en dépit des efforts et de la volonté des membres de la Commission nationale.
Le vote de la loi sur le régime des armes à feu : la seule issue
Aussi surprenant que cela puisse paraître, le Bénin ne dispose pas encore d’une législation adaptée pour mener à bien la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre. Seul le vieux décret de 1961 fixant le régime des armes et munitions au Bénin est toujours en vigueur. Des dispositions d’un décret anachronique, on ne peut rien attendre surtout au regard de l’évolution des contextes. Ceci est d’autant plus vrai que les dispositions pénales dudit décret ne punissent les infractions de détention illégale d’armes par exemple que d’une peine de 1 à 1200 francs d’amende ou de 1 à 5 jours de prison seulement.
Selon le professeur d’Oliveira, s’il est un fait que la volonté politique a toujours existé au Bénin face au défi sécuritaire, il n’en demeure pas moins vrai que l’absence d’une loi adaptée sur les armes légères et de petit calibre constitue le principal obstacle qui compromet l’efficacité de la lutte anti prolifération ainsi que la mise en œuvre de certaines initiatives visant à encadrer et contrôler l’utilisation de ces armes. Et il faut bien une telle loi pour qu’au-delà de la légitimité, certaines opérations et initiatives de la Commission nationale retrouvent leur fondement légal.
Si la loi portant régime des armes à feu venait à être votée par les députés, elle faciliterait la lutte anti-prolifération et ferait éclore plusieurs autres initiatives. Et comme l’indique d’ailleurs le colonel Ayamou, ‘’s’il avait une loi, on aurait proposé une alternative aux fabricants d’armes artisanales et on pourrait même les mettre sous la coupe de l’armée pour fabriquer des armes, ne serait-ce que pour satisfaire les besoins des forces de sécurité, surtout que ces artisans en ont la capacité.’’ Une opportunité pour réduire la dépendance de l’extérieur et faire des économies.
A présent, tous les regards sont tournés vers les députés qui sauront comprendre les enjeux de la lutte contre la prolifération de ces armes pour se conformer aux exigences communautaires en votant la loi.