Des agents et cadres du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique s’adonnent à des pratiques de corruption qui discréditent l’enseignement supérieur au Bénin ainsi que les diplômes qui y sont délivrés.
Romuald D. LOGBO
Des cadres et agents du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique ne sont pas étrangers à la corruption en vogue dans les EPES. Ils sont généralement de mèche avec les promoteurs privés d’enseignement supérieur. Bien que connaissant les textes qui régissent le secteur, ils les foulent aux pieds allègrement. Des fonctionnaires en service à la Direction Générale de l’Enseignement Supérieur, avertissent des promoteurs lors des visites d’inspection surprise (descente inopinée sur le terrain) en leur suggérant la location au besoin du matériel qui leur manque. L’objectif est de montrer à l’équipe d’inspection qu’ils sont en règle vis-à-vis des normes établies. Pire, certains d’entre eux sont des enseignants dans ces établissements privés. Ils s’affichent même comme président du Conseil scientifique et pédagogique aux yeux et à la barbe de tous, même s’ils n’ignorent pas que l’établissement n’est pas en règle. Or, l’un des critères conduisant à la co-signature est bien la qualité du personnel enseignant. Les textes élaborés à cet effet par le ministère de tutelle conformément au référentiel du CAMES disposent : tous les EPES doivent employer un personnel académique permanent à hauteur de 60% du personnel global et un personnel scientifique de l’ordre de 40%. Une disposition bien connue dans le secteur privé d’enseignement supérieur, mais bafouée par ces promoteurs d’EPES qui contournent les textes avec l’onction de certains administratifs. La preuve en est d’ailleurs que dans les EPES parcourus lors de notre enquête, aucun d’eux ne défère à cette disposition phare du processus. Au contraire, bien des titulaires de la Licence ou du Master des collèges et lycées y enseignent.
Le ver est dans le fruit…
Laxisme, clientélisme et corruption caractérisent le processus de recrutement des enseignants de ces EPES. Des cas de détention de faux diplômes présentés par ces derniers pour leur recrutement, on en compte par centaine, à en croire le Président du FONAC qui explique : « Nous avons des cas où des enseignants qui devraient être des enseignants qualifiés pour une filière donnée, ne le sont pas mais ont enseigné dans cette filière, ont fait partie des jurys de soutenance de mémoire de cette filière sans en avoir les compétences ». Vrai !, s’exclame Martin Vioutou Assogba qui renchérit : « Vous avez aussi certains de ces EPES qui n’ont pas le personnel requis pour faire le travail parce que payant les enseignants au rabais ».
Si les différents acteurs rencontrés au cours de notre enquête accusent l’actuel DEPES Dodji Amouzouvi d’être président du Conseil scientifique et président de jurys de soutenance dans plusieurs EPES, celui-ci nie en bloc ces accusations. Il plaide non coupable, crie à la manipulation et à l’intoxication des ‘’anti réformistes’’. Rencontré à son bureau à Kindonou en pleine ville de Cotonou, le mercredi 24 Mai 2017 aux environs de 17heures, Dodji Amouzouvi (habillé en tenue locale ‘’Bomba’’ de couleur jaune à parements roses) se défend. « La présence d’un individu qui qu’il soit ne peut être un sésame pour l’établissement. C’est un ensemble de pièces, un ensemble d’inspections, un ensemble de dispositions qu’on remplit pour être homologué, la même chose pour les programmes » a-t-il déclaré. Une défense balayée du revers de la main par certains promoteurs des EPES et cadres qui soulèvent le principe de délit d’initié. Pour le Colonel Marcellin Zannou et un autre responsable d’un des services décentralisés du Ministère de l’Enseignement Supérieur qui a requis l’anonymat, Dodji Amouzouvi ne peut être juge et partie. Selon eux, sa présence dans ces EPES crédibilise ce qui s’y fait. « Bien que la plupart de ces EPES dans lesquels il intervient ne soient pas en règle, il n’a pas le courage de les dénoncer ou de les fermer parce que nourri et entretenu aux frais de scolarité des étudiants », alertent ces promoteurs. « C’est un délit d’initié et ça fait, par ailleurs, de la corruption si ces critiques à l’encontre du DEPES Dodji Amouzouvi étaient vérifiées », observe à son tour le Président de l’ONG ALCRER, Martin ASSOGBA. De nos investigations, nous avons également pu mettre la main sur un document officiel signé des mains d’un cadre supérieur en service à la Direction Générale de l’Enseignement Supérieur qui aurait saisi officiellement le ministre nigérian de l’éducation par courrier N°268/MESRS/DGES/DPEPES/SA du 08 Avril 2016 pour reconnaître un EPES en l’autorisant à former dans des filières, document que seule la Ministre de l’Enseignement Supérieur ou à défaut, son Secrétaire général est autorisé(e) à délivrer. « Ça signifie que ce cadre est un cadre corrompu et qu’il a des accointances avec le fondé de cet EPES-là », interprète Martin Vioutou Assogba. Un délit puni par l’article 11 de la Loi N°2011-20 du 12 Octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin. De même, le fils d’un Ministre détenteur d’un Bachelor aurait sollicité les services de la DGES pour son équivalence en Licence en vue de son inscription en Master à l’ENAM. Impossible, lui déclarent les cadres. Après étude du dossier, ils lui indiquent le chemin de la reconnaissance du diplôme. « Quelques minutes après, le dossier passe comme une lettre à la poste et reçoit un avis favorable », s’étonnent ces mêmes cadres qui soupçonnent un arrangement entre collègues Ministres. Une infraction punie aussi par l’article 50 de la même Loi.
(Enquête réalisée dans le cadre du projet : « Pour des Médias plus professionnels au Bénin « de la Maison des Médias financé par OSIWA)