Programmée pour être examinée par la présente cour d’assises de la cour d’appel de Parakou, lundi 7 août dernier, l’affaire du meurtre du pharmacien du « Sahel » à Malanville, a, une nouvelle fois, été renvoyée à une session ultérieure. Des témoins ayant comparu lors de la session dernière, deux dont les déclarations jugées de taille, manquaient à l’appel. Craignant que leur absence lui soit préjudiciable, la défense a exigé leur présence, avant tout débat.
En détention depuis 2014, Jean-Marie Adanlin Lissanon dit « John », sa mère Sazonova Inna Mikhailovna et Mahinou Bruno mis en cause dans une affaire de parricide et complicité de parricide, infractions prévues et punies par les dispositions des articles 59, 60, 299 et 302 du Code pénal, devront encore attendre, avant d’être fixés sur leur sort. Pareil pour les parents du docteur pharmacien, propriétaire de la « pharmacie du Sahel » à Malanville, qui attendent de connaître toute la vérité sur ce crime crapuleux afin de lui organiser enfin un deuil. Inscrit au rôle de la deuxième session au titre de 2017 de la cour d’assises de la cour d’appel de Parakou, l’examen du dossier prévu pour le lundi 7 août dernier a une nouvelle fois été renvoyé à une session ultérieure. Et pourtant, la Cour constitutionnelle avait déclaré irrecevable l’exception d’inconstitutionnalité le concernant soulevée au cours de la précédente session par les avocats Emile Dossou-Tanon, Gabriel Dossou et Irené Gassi.
A l’ouverture de l’audience, lundi dernier, le collège des avocats des accusés s’est inquiété de l’absence de certains témoins comme Morel Aïzon et du médecin-chef Damien Orou Bagnan qui a examiné le corps de la victime. Maîtres Emile Dossou-Tanon, Irené Gassi et Hermann Yénonfan qui substituait Gabriel Dossou seront appuyés par l’avocat de la partie civile, Me Mamadou Samari Moussa, substituant Me Yves Kossou. Selon eux, le représentant du ministère public n’a pas fait diligence pour que les deux témoins soient présents à l’audience. « Du moment où ils ont été invités, ils sont tenus d’être présents », insiste l’avocat de la partie civile qui, par ailleurs, prétend défendre la même cause que le représentant du ministère public, Emmanuel Opita. Ce que ne reconnaît pas ce dernier. Mieux, il précise qu’il n’est pas venu pour faire du dilatoire. L’audience se transformera rapidement en une séance de tirs croisés entre d’un côté, les conseils des accusés et de la partie civile, et de l’autre, le représentant du ministère public.
De retour d’une suspension, l’avocat général Emmanuel Opita confirme avoir accompli toutes les diligences et adressé les convocations aux témoins. En témoigne la copie des procès-verbaux de notification qui a été faite. Sans préjuger des raisons qui justifient l’absence des deux témoins à l’audience, il estime que la défense y a sa part de responsabilité à force de refuser le débat.
Après une troisième suspension, la cour présidée par Hubert Arsène Dadjo renvoie l’examen de ce dossier à une session ultérieure.
Le président Hubert Arsène Dadjo avait comme assesseurs Célestin Jean-Mathieu Zanouvi et Adamou Moussa. Me Brice Dossou-Yovo a tenu la plume de l’audience. Les jurés avaient pour noms Ibrahima Noma Zimé, Emmanuel Deo Gratias Tamou, Sabi Goro Monssi Kora et Orou N’Gobi Orou Allagbé.
Un bref rappel des faits
Le dimanche 4 mai 2014 aux environs de 11 h à Malanville, le docteur pharmacien, propriétaire de la « Pharmacie du Sahel », s’est retiré dans sa chambre sise à l’étage de l’immeuble abritant son officine. Quelques instants après, son fils Jean-Marie alias « John » est venu acheter, à défaut du Tranxène injectable, du valium injectable et deux seringues en disant aux employés que c’était pour traiter un chien malade. Il était si pressé qu’il n’avait pas pris le soin d’attendre le reliquat. C’est bien après qu’il est revenu, tout en sueur, le chercher.
Le soir, sa mère Inna Mikhailovna Sazonova fit appel à l’un des employés, Morel Aïzon, pour lui signifier qu’elle a réglé le différend qui l’oppose à son époux et que désormais, elle est chargée de récupérer les recettes et les clés de la pharmacie. De même, qu’on devait lui faire un inventaire. Elle répondit à l’employé qui tenta en vain de joindre son patron, que ce dernier s’est rendu au Niger. Son enfant qui a assisté à la conversation s’est chargé de porter l’information aux agents qui étaient de garde. Ces derniers exposèrent leurs préoccupations à Didier Adanlin, frère cadet du pharmacien qui est venu acheter un produit. Il leur demanda de s’exécuter puisqu’il s’agissait de l’épouse et du fils de leur patron.
Les recherches entreprises par les employés et les frères du pharmacien pour avoir de ses nouvelles s’étant révélées infructueuses, la police fut informée le 6 mai 2014. Le transport effectué par les policiers au domicile du disparu a permis de découvrir les cendres d’une mallette et de documents brûlés. De même, les traces des pneus d’un pousse-pousse ont été relevées au niveau de l’entrée nord de la maison. Interrogé sur l’origine du foyer éteint et les traces de pneus, Jean-Marie reconnaît en être l’auteur et explique avoir fait sortir, par ce portail, des cartons inutiles pour les brûler. Au bord du marigot du quartier, l’officier de police judiciaire a retrouvé une paire de chaussures couvertes de boue identique à celle constatée sur les pneus du pousse-pousse. Selon les voisins, la paire appartiendrait à l’enfant de la victime. Ce qu’il a réfuté. Sur ces entrefaites, des soupçons furent portés sur lui et sa mère. Les deux ont été interpellés.
Pendant qu’on statuait sur l’opportunité de leur placement en détention provisoire, l’officier de police judiciaire chargé de l’enquête a été informé de la présence d’une fosse nouvellement creusée sur les tas d’ordures non loin du domicile du disparu. Le corps sans vie du pharmacien emballé dans une toile cirée a été découvert dans un état de putréfaction.
Poursuivis et inculpés de parricide et complicité de parricide, Jean-Marie Adanlin Lissanon dit « John » et sa mère Sazonova Inna Mikhailovna n’ont pas reconnu les faits.
Maurille GNASSOUNOU A/R Borgou-Alibori