Par : Is-Deen O. TIDJANI
Le Bénin à l’instar de plusieurs pays du continent noir a célébré le jeudi 10 Août 2017, la journée africaine de la décentralisation. A l’occasion de cet événement, les acteurs du secteur de la gouvernance locale ont adressé des messages aux gouvernants du monde. Dans le registre ceux qui souhaitent une meilleure gestion de ce secteur, figure en bonne place les responsables de la fondation le municipal. En effet, à l’occasion de l’édition 2017 de cette célébration, Franck Kinninvo, président de la fondation « Le Municipal » invite le gouvernement du président Patrice Talon à prendre de nouveaux engagement allant dans le sens de la sauvegarde du secteur de la décentralisation en proie depuis quelques années à des maux. Nous vous invitons à découvrir les 5 propositions faites par Franck Kinninvo. Lisez plutôt.
Appel à de nouveaux engagements au profit de la décentralisation au Bénin
A l’occasion de la Journée Africaine de la Décentralisation célébrée dans tous les pays du continent le 10 août de chaque année, la Fondation Le Municipal tient à lancer un appel à toutes les forces vives de la Nation, particulièrement au gouvernement afin que, de nouveaux engagements soient pris au profit de la décentralisation au Bénin.
Au nombre de cinq, ces engagements, une fois pris et traduits en actes concrets par le gouvernement et son chef, le Président Patrice TALON, donneront une nouvelle dynamique à la décentralisation et faciliteraient le développement du Bénin sur tous les plans. Il s’agit pour le gouvernement de :
1. Respecter la libre administration des collectivités territoriales et desanctionner toute autorité centrale qui la remettrait en cause, indépendamment des décisions juridictionnelles et judiciaires ;
2. S’engager à transférer au moins 5% des recettes budgétaires de l’Etat aux collectivités locales dans le Budget Général de l’Etat exercice 2018 avec une augmentation annuelle de 5% jusqu’en 2021. Ce qui fera environ cinquante milliards en 2018. Dans le même temps, mettre en place une politique de renforcement des ressources humaines et matérielles dans les préfectures et les services déconcentrés de l’Etat ;
3. Mettre en place, autour de l’ANCB et du Ministère de la Décentralisation, un groupe de travail pour :
– revisiter et toiletter les textes de loi sur la décentralisation au Bénin ;
– élaborer un Code général des collectivités territoriales qui rassemble toutes les dispositions légales et règlementaires relatives à la décentralisation ;
– proposer aux acteurs et au gouvernement un Code de la démocratie et de la gouvernance locale. Ce document devrait identifier tous les acteurs de la vie locale, déterminer leur rôle et responsabilité. Le même code devra instituer les procédures de gestion des collectivités locales et de mise en œuvre de la démocratie et du développement à la base ;
4. Organiser une campagne structurée de vulgarisation des principes fondamentaux de la décentralisation et de la gouvernance locale et promouvoir la démocratie dans les communes ;
5. Transférer symboliquement le marché de Dantokpa à la commune de Cotonou comme un signal fort au profit de la décentralisation.
En inscrivant, en février 1990, la réforme de l’administration territoriale dans les actes de la Conférence Nationale, les pères fondateurs du Renouveau Démocratique béninois ont pris une décision de grande vision et de portée historique. Ils ont compris, fort heureusement, que la démocratie naissante dans notre pays aura besoin de deux piliers majeurs que seule la décentralisation pouvait lui offrir :
– la démocratie locale, celle qui est enracinée au sein des populations qui en font l’apprentissage et l’exercice au quotidien. Sans l’appropriation de la démocratie au sein des couches populaires, on devra se contenter d’une démocratie institutionnelle ;
– et le développement à la base. Tout développement se veut endogène et local même s’il doit s’épanouir dans une vision nationale.
Le Bénin, comme la plupart des Etats africains, sortait en 1990 de trente années de centralisation de l’administration du territoire dont le bilan est mitigé voire négatif.
Malheureusement, il aura fallu treize années, presque jour pour jour, pour que la décentralisation passe de la théorie, de la conception à sa phase active au Bénin. La Fondation Le Municipal salue la pression discrète et efficace des partenaires du Bénin qui ont, dans une certaine mesure, forcé la main au gouvernement d’alors afin que les élections communales et municipales se tiennent en décembre 2002 et janvier 2003.
En dépit de sa longue gestation, la décentralisation béninoise n’est pas née avec les dents. Les communes ont certes bénéficié de la sagesse des concepteurs de notre système de décentralisation qui ont privilégié un seul niveau de décentralisation tout en faisant coïncider les 77 communes avec les circonscriptions urbaines et sous-préfectures qui existaient en ce moment. Cette bonne base devrait faciliter la dynamique de démocratisation et de développement à la base. Malheureusement, les communes naissantes devraient affronter des adversaires aussi bien internes qu’externes. Le gouvernement central, le premier bénéficiaire de cette réforme de l’administration territoriale est devenu le premier bourreau des collectivités territoriales. Refus de transférer les compétences et les ressources sur fond de persécution de certaines autorités locales dès leur installation en 2003. A ces deux fronts contre le nouveau-né, s’ajoutent les coups de poignards venus des élus eux-mêmes dont certains ont purement et simplement importer les tares de l’administration centrale dans les communes. Enfin, l’indifférence des citoyens face au pouvoir qui leur est transféré renforce la mauvaise gestion des ressources locales et renvoie aux calendres grecques les premiers véritables pas vers la démocratie locale.
L’histoire politique des Nations est pourtant la preuve évidente que la décentralisation reste et demeure la voie royale pour atteindre le développement et consolider la démocratie. L’actualité des pays confirme également, si besoin en était, que les Etats les plus développés et les plus stables en termes de développement, sont ceux qui ont réussi leur décentralisation.
Alors que, dans son Projet de Société, le candidat Patrice TALON a pris des engagements forts pour la décentralisation, le Programme d’Action de son Gouvernement (PAG) a fait la part belle aux ministères. Toutefois, il faut reconnaître et saluer l’ancrage territorial bien avéré de bon nombre de projets du PAG. Le régime du Président Patrice TALON semble plus centralisateur dans la forme et engagé dans le développement local dans le fond. Certains faits et données ne créditent pas le régime en place d’un engouement pour la décentralisation. La réduction du montant du transfert financier de l’Etat vers les communes de 40 milliards 625 millions de FCFA en 2016 à 29 milliards 520 millions de FCFA en 2017, soit un taux de réduction de 27,33%, (ces chiffrent varient légèrement selon les sources) alors que dans le même temps, le budget général de l’Etat a presque doublé. Les vagues de destitution de maires sans que le gouvernement ne prenne aucune mesure règlementaire pour en corser la procédure. La récente révocation du maire de Cotonou et la rupture de la tutelle apaisée ont tôt fait de semer l’inquiétude dans le rang des acteurs de la décentralisation. Ils attendent légitimement d’être rassurés par le Chef de l’Etat et son gouvernement.
La décentralisation reste un instrument puissant et efficace de promotion de la démocratie locale et du développement à la base, aspiration ultime de tout gouvernement et de tout peuple.
Fait à Cotonou, le 09 août 2017
Pour la Fondation Le Municipal,
Le Président
Franck S. KINNINVO