Prise en conseil des ministres du 2 août dernier, la décision d’introduction de l’anglais au cours primaire dès la rentrée prochaine semble salvatrice, au regard de la réaction des acteurs de la chaîne de l’éducation. Elle aura non seulement un impact positif sur les apprenants, mais aussi facilitera leur ouverture au monde entier. Pour certains enseignants, il faut que l’Etat investisse les moyens nécessaires à la mise en œuvre de cette réforme pour favoriser son plein succès.
« Je sais que l’anglais est indispensable. Mais depuis plus d’une dizaine d’années, j’ai perdu l’habitude de le pratiquer. Je fais des exercices, cette fois-ci avec mes enfants… », confie Quirin, un fonctionnaire. Comme lui, la plupart des cadres peinent à manier la langue de Shakespeare. Pourtant, tous ou du moins ceux qui ont fait 7 années d’études au cours secondaire pour l’obtention du Baccalauréat ont été amenés à côtoyer cette langue. C’est pour corriger cette insuffisance que révèle l’apprentissage de la langue au cours secondaire et offrir les mêmes chances de réussite aux Béninois dans un monde devenu un village où les barrières linguistiques causent de préjudices, que le gouvernement du président Patrice Talon a sans doute décidé d’introduire l’apprentissage de l’anglais dans le système éducatif dès le cours primaire. Ainsi, dès sa tendre enfance, l’enfant sera mis au contact de la langue et à long terme pourrait avoir une maitrise parfaite de son maniement.
Une première dans le ‘’public’’
En décidant donc le 2 août dernier, en conseil des ministres, d’introduire dès la rentrée scolaire 2017-2018, à titre expérimental, l’enseignement de l’anglais au primaire, le gouvernement du Nouveau départ a pris la mesure de l’enjeu. Les opportunités d’affaires qu’offre le bon voisinage avec le géant de l’est ont certainement pesé dans la balance. En tout cas, à en croire Justin Wadjèto, Directeur de Cabinet du ministère de l’enseignement primaire, dès la rentrée 2017-2018, 216 écoles réparties dans 36 zones académiques à raison de 3 zones par département, vont servir de phase pilote à la mise en œuvre de cette réforme. « Seules les classes de CI sont concernées pour cette première expérience », a-t-il déclaré. Au dire de Justin Wadjèto, 36 enseignants seront mis à contribution lors de cette phase pilote. A ce sujet, un test de recrutement a été organisé le mercredi 16 août pour retenir les meilleurs. S’il est vrai que plusieurs écoles privées ont l’habitude de la chose et initient dès le primaire leurs apprenants à l’apprentissage de l’anglais, il est clair qu’avec la décision du gouvernement, la tendance sera généralisée d’ici quelques années, et puisque l’école publique a le plus gros effectif, les résultats seront vraiment perceptibles à long terme. Les actions éparses de certains privés dans ce domaine n’étaient pas de nature à impacter la société béninoise. Il faut saluer l’engagement politique, car d’ici à là, l’anglais pourrait être l’une des matières à composer à l’examen du Certificat d’études primaires (Cep).
Les ‘’Privés’’ en avance mais…
Ils ont reçu du soutien et peuvent se féliciter d’avoir montré la voie, ces établissements privés qui ont fait l’option de l’enseignement de la langue anglaise depuis la maternelle, parce que conscients des avantages et opportunités de la langue aux plans administratif, économique et social. Pourvu qu’ils renforcent leur personnel et les champs de formation pour rester conformes aux normes. Elisabeth Akpovi, Directrice des études du Centre d’éveil, de formation et d’animation (Cefa) d’Abomey-Calavi explique les raisons du choix d’enseigner l’anglais au Cours primaire dans son école : « Nous sommes dans un système international. Ces cours permettent aux apprenants de mieux s’adapter à l’anglais. Au cours secondaire, ils n’auront plus de difficulté à affronter cette langue qui est une discipline à part entière. En plus, s’ils décident après leur cursus au secondaire d’aller continuer les études dans un pays anglophone, ils vont vite s’intégrer. L’enseignante chargée de dispenser le cours d’anglais a fait ses études dans un pays anglophone... », confie-t-elle. A l’en croire, l’option d’initier les enfants à l’anglais dès la maternelle vise à les amener à entrer en contact avec la langue afin de se l’approprier et de l’utiliser à des fins utiles. Les parents d’élèves aussi, saluent l’initiative. « J’ai inscrit mon fils dans une école où l’anglais s’enseigne au cours primaire. Aujourd’hui, je me réjouis de son niveau en anglais comparativement à ses aînés », a dit Olive Oké, parent d’élève.
De meilleurs documents scientifiques en anglais
Ainsi, la décision du gouvernement de ramener l’apprentissage de l’anglais au primaire permettra d’améliorer la maitrise de la langue et ouvrira d’autres opportunités aux apprenants. Pour Fiacre, un parent d’élève : « C’est une décision salutaire en ce sens que l’anglais est la première langue du monde et permettra aux apprenants d’être déjà aguerris avant le secondaire. Si chaque Béninois peut collaborer avec un seul anglophone, notre pays s’en portera mieux. Je propose que l’on décrète l’anglais comme deuxième langue officielle du Bénin ». Ces propos ont été renchéris par Adambounou Armel, un parent d’élève, pour qui, c’est déjà un grand pas sur le chemin du développement de notre pays. « Pour que le Bénin accède au développement durable, il faut que ses filles et fils puissent avoir accès à la connaissance, et les plus grands livres comportant les savoirs les plus pointus sont écrist en anglais. Donc, cette décision prise par le gouvernement impactera l’avenir et le développement du Bénin » affirme-t-il. A en croire Achille, un expert informatique, c’est une bonne chose, car la quasi-totalité des équipements électroniques sont en anglais, les documents scientifiques les plus performants et écrits par les plus grands chercheurs se trouvent en anglais. C’est la première langue au monde. Le Bénin s’ouvrira plus au monde lorsque cette décision va véritablement prendre corps dans le pays. Elle constituera aussi, d’après lui, un test grandeur nature qui servira à la promotion de nos langues nationales. « Cela permettra, si cette étape est réussie, d’avoir des éléments qui pourront faciliter l’introduction des langues nationales dans le système éducatif », fait savoir Jacqueline Bognon, institutrice.
Des préalables à régler…
Applaudie par bon nombre de citoyens, la mise en œuvre de cette décision nécessite la réunion de certaines conditions. En effet, là où il peut y avoir mal donne, selon dame Bognon, c’est lorsque les conditions nécessaires qui doivent accompagner la mise en œuvre de cette décision sur le terrain ne seront pas réunies. Car, dit-elle, « il faut que l’Etat recrute des enseignants ayant le bon profil pour faire le travail, et il faut faire en sorte que l’approche pédagogique soit la meilleure afin que ce projet connaisse un succès. Il faudrait que les instituteurs qui seront recrutés pour la tâche aient tout ce dont ils auront besoin pour bien faire leur travail. Et qu’ils soient bien rémunérés afin de donner le meilleur d’eux-mêmes ». Pour le succès de l’opération, certains parents d’élèves comme dame Yvonne souhaitent voir le gouvernement copier ce qui se fait dans les écoles bilingues installées sur le territoire béninois. « J’invite le gouvernement à aller à l’école des établissements privés bilingues qui ont réussi cela depuis des années dans notre pays », propose-t-elle. Il faudra surtout, mettre ici un accent particulier sur le langage, tout en donnant un contenu assez fourni aux champs de formation, et éviter qu’à la fin du cursus, l’enfant ne soit pas en mesure de s’exprimer couramment dans cette langue.
C’est dire que la mise en œuvre intelligente de cette réforme permettra de renforcer la coopération dans divers domaines de la vie socio-économique avec les pays anglophones, et surtout avec le grand géant de l’Ouest qui constitue selon les experts en économie, une opportunité pour notre pays.
Euloge GOHOUNGO (Stag)