L'émotion et la colère sont les sentiments les mieux partagés entre les délégations des afro-descendants de la Martinique, du Guadeloupe, de la Réunion et des Etats-Unis d'Amérique, ce mercredi à la "Porte du Non-Retour" de la ville historique de Ouidah, à l'occasion de la célébration de la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition.
Très tôt ce mercredi matin, plusieurs dizaines de membres de la délégation des afro-descendants de la Martinique, du Guadeloupe, de la Réunion et des Etats Unis d'Amérique, accompagnés de certains dignitaires de la ville de Ouidah, ont parcouru avec émotion et colère les différentes stations de la Route des Esclaves, pleins d'histoire de la traite des esclaves, jusqu'à la Porte du Non-Retour, plantée au bord de l'Océan Atlantique, où ils ont été accueillis avec ferveur par le chef suprême des cultes traditionnelles du Bénin, Daagbo Hounon Tomadjè Houkpon II.
"Nous sommes ici à cette place historique de la Porte du Non-Retour de cette cité de Ouidah pour commémorer nos ancêtres et souvenons-nous d'eux. Nul n'est censé honoré nos ancêtres que nous-mêmes", a confié à Xinhua, avec émotion, Marie Ange Thébaud, afro-descendante venue de la Réunion.
Elle a indiqué que ses contacts avec le sol africain, notamment avec la ville de Ouidah, lui a permis de constater qu'elle a les mêmes identités que les Africains en général et en particulier les Béninois.
"Je suis très honorée de représenter la Réunion à cette commémoration, mais aussi l'Océan Indien dans tout ce que nous avons en commun à travers l'héritage africain. Notre langue, nos us et coutumes, notre patrimoine culinaire, notre état d'âme, en résumé, notre identité, tous en nous portent la trace de la source dans ses racines africaines", a-t-elle souligné.
Elle a précisé que ses ancêtres, notamment les captifs, ont porté dans leurs mémoires et vers le monde entier, tout ce qui faisaient leurs identités.
"Ils nous ont transmis et voilà que nous afro-descendantes, nous sommes fiers de revenir aux sources pour nous abreuver, vivifier, renouer avec notre famille restée ici en Afrique", a-t-elle indiqué.
Christophe Chodaton, responsable du Comité de commémoration de la journée internationale de souvenir de la traite négrière et de son abolition, a estimé que cette commémoration à la Porte du Non-Retour de Ouidah, est très symbolique et chargée d'histoire.
"Cet endroit a vu plus d'un million d'enfants, de femmes et d'hommes partir vers le nouveau monde. Cette plage a entendu leurs pleurs et gémissements. Aujourd'hui, nous sommes présents ici pour rendre hommage ensemble à nos aïeux capturés, déportés et mis en esclave. Nous sommes ici pour nous souvenir ensemble de leurs luttes quotidiennes et de la grande révolte du 23 août 1791 qui aboutira à l'abolition de la Traite négrière et de l'esclavage", a-t-il fait observer.
Il a estimé qu'il serait incompréhensible que cette Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition passe sous silence au Bénin.
"Avec Haïti, le Bénin avait émis l'idée qui a abouti à la résolution de l'UNESCO créant le projet + La route de l'Esclave + en 1993. C'était pour répondre concrètement au devoir de mémoire", a-t-il rappelé.