Lancés, il y a quelques mois dans les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), les Bureaux d’information sur le crédit (Bic) ou « Crédit Bureau » sont déjà en expérimentation au niveau des institutions financières et des Systèmes financiers décentralisés (Sfd). Ces Bic qui font l’objet des séances de sensibilisation au niveau des agences des banques et établissements financiers assurent la disponibilité d’informations économiques et financières sur les clients pour faciliter la mise en place de crédits en leur faveur et l’analyse des risques pris dans ce cadre.
Sur les petits écrans posés dans les différentes agences de certaines banques et établissements financiers installés sur le territoire national, passent régulièrement des images qui sensibilisent sur les Bureaux d’information sur le crédit (Bic). Mais, les seules images ne suffisent pas pour amener les clients des banques et établissements financiers à cerner le bien-fondé de ces bic. D’où l’importance des séances de sensibilisation qui sont rares. La mise en place d’un Bic au fonctionnement adéquat permet d’améliorer la notation des Etats dans le rapport «Doing Business», notamment au niveau du critère relatif à «l’étendue de l’information sur le crédit ».
En effet, l’amélioration du climat des affaires dans les Etats membres de l’Uemoa figure parmi les axes prioritaires des politiques économiques. Dans les rapports « Doing Business» relatifs au climat des affaires, publiés annuellement par la Société financière internationale (Sfi) depuis treize ans, les Etats membres de l’Union occupent un rang peu honorable.
Parmi les critères utilisés de classement des pays, figure celui relatif à « l’étendue de l’information sur le crédit », pour lequel les Etats membres de l’Umoa ont régulièrement obtenu une note comprise entre 0 et 1 sur une échelle de 8, tandis que des pays tels que le Ghana et le Rwanda affichent respectivement les notes de 6 et 8. La faible performance des Etats membres de l’Union s’expliquerait par l’absence de Bic ou « Credit Bureau ».
Objectifs
Sur un autre plan, la création de Bic dans l’Uemoa a également pour objectifs de réduire l’asymétrie d’information (situation dans laquelle l’une des parties signataires d’un contrat dispose au préalable de plus d’informations que l’autre partie sur sa situation) sur la solvabilité des emprunteurs, qui contribue notablement au rationnement du crédit. Elle permet de renforcer l’accès au crédit à moindre coût, tout en préservant la qualité du portefeuille des banques. Puis, de renforcer le climat des affaires, qui figure parmi les axes prioritaires de leurs politiques économiques.
En vue de doter les Etats membres de l’Union d’un tel dispositif, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) a initié un projet de promotion des Bic à partir de l’année 2013. Cette initiative a été prise, conformément aux recommandations du rapport du Haut comité ad hoc des chefs d’Etat sur le financement des économies.
Un Bic ou Crédit Bureau en réalité, est une institution qui collecte auprès des organismes financiers, des sources publiques et des grands facturiers (sociétés d’électricité, d’eau et de téléphonie mobile), des données disponibles sur les antécédents de crédit ou de paiement d’un emprunteur. Il traite les informations collectées à l’aide de techniques appropriées (statistiques, informatiques, etc.) et commercialise les produits dérivés des informations traitées (rapports de solvabilité, scoring) auprès, entre autres, d’établissements de crédit.
Principes et modèles de Bic ou « Credit Bureau »
Les principes généraux régissant les Bic ont été édictés dans un ouvrage intitulé « General Principles for Credit Reporting », publié par le Groupe de la Banque mondiale en septembre 2011. Ce document souligne que les Bic doivent se conformer à cinq (5) principes standards.
Le premier est la précision, l’exhaustivité des données fournies et leur disponibilité dans les délais requis. Ces données doivent porter sur les informations positives et négatives relatives aux antécédents des emprunteurs.
Le deuxième principe est relatif à la sécurité de la base de données des informations collectées pour garantir la protection de la vie privée des emprunteurs et la fiabilité des informations publiées.
Tandis que le troisième s’intéresse à la gouvernance. Ce principe doit obéir aux exigences de transparence et de responsabilité. A ce niveau, un accent particulier doit être mis sur l’obligation, pour le «Credit Bureau», de rendre compte au superviseur, généralement la Banque centrale, de la qualité du dispositif de gestion des risques associés à ses activités.
Le quatrième principe parle de la qualité du cadre légal et réglementaire devant régir les activités des Bic. Ce cadre doit être clair, prévisible, non-discriminatoire, proportionnel et couvrir toutes les questions relatives aux bases de données et aux droits des consommateurs. Il doit comporter les mécanismes judiciaires et extrajudiciaires de résolution des litiges.
Le cinquième et dernier principe est la facilitation du partage transfrontalier (entre pays) de l’information sur le crédit, notamment par la standardisation des formats de données, l’identification et la gestion des risques, la coopération et la coordination entre les régulateurs et les superviseurs.
Pour ce qui est des modèles, il existe deux systèmes de partage d’informations sur le crédit avec les Bic. D’abord, le modèle direct. Pour ce dernier, le «Credit Bureau» reçoit directement les données sur les crédits des établissements déclarants sans passer par la Banque centrale ou le superviseur. Il présente la particularité de n’exiger aucune implication active de la Banque centrale dans la collecte des informations entre le « Credit Bureau » et les établissements de crédit, minimisant ainsi, a priori, les investissements d’ordre technique à réaliser par la Banque centrale.
Quant au modèle indirect, il confère au superviseur (en général la Banque centrale), un rôle d’interface entre le « Credit Bureau » et les établissements déclarants. Il transfère la responsabilité de la collecte des données au superviseur (Banque centrale).
Avantages économiques des Bic ou « Credit Bureau »
Selon l’expérience des Etats qui ont mis en place des Bic, il s’agit des outils qui présentent plusieurs avantages, non seulement pour les clients et les établissements de crédit et les Systèmes financiers décentralisés, mais aussi pour l’économie nationale.
Pour les clients des établissements assujettis de l’Union, la présence d’un Bic devrait contribuer à améliorer l’accès au crédit, à un coût réduit et avec de moindres exigences de garantie; prendre en compte la qualité de leur réputation dans les critères d’appréciation des organismes de crédit; améliorer la qualité du service et de la relation avec les institutions financières et les autres adhérents. Puis, disposer d’outils innovants (outils web notamment) pour leur permettre d’avoir accès à leur notation, de vérifier l’exactitude des informations les concernant et de procéder, le cas échéant, à des réclamations.
Globalement, l’impact économique de la création de Bic dans les économies en voie de développement s’est traduit notamment par une hausse du crédit bancaire.
En ce qui concerne les établissements de crédit et les Systèmes financiers décentralisés (Sfd), le Bic constitue un outil efficace d’analyse, d’évaluation et de gestion des risques. Il permet d’anticiper le surendettement des emprunteurs, de prendre de meilleures décisions pour l’octroi des crédits, de réduire l’asymétrie d’information et d’augmenter le volume des crédits, avec une amélioration de la qualité du portefeuille.
Pour l’économie nationale, le Bic contribue à l’amélioration du financement des agents économiques, à moindre coût, du fait de ses avantages pour les emprunteurs et les prêteurs. Il contribue également à renforcer l’efficacité de la supervision de l’activité de crédit, notamment la prévention du surendettement, ainsi qu’à la maîtrise du risque systémique. Les Bic participent également au renforcement de l’attractivité des Etats vis-à-vis des investisseurs étrangers, à travers l’amélioration du climat des affaires?
Bruno SEWADE