Le sujet ayant fait objet d’échanges avec notre invité de cette semaine concerne la polémique relative au retrait du Bénin de l’Asecna. Pour mieux éclairer l’opinion nationale et internationale, nous sommes allés à la rencontre d’un des acteurs clés de l’agence. Il s’agit de François Kpèdotossi, Secrétaire général du Syndicat Uni des travailleurs de l’aviation civile et de la météorologie (Sutracim). Avec lui, nous avons eu des éléments de réponse sur le fonctionnement entre le Bénin et l’Asecna depuis la signature de leur première convention à ce jour. Après l’exposé de la situation qui a conduit le Bénin comme d’autres pays à prendre en charge ses activités commerciales en laissant celles relatives à la sécurité à l’Asecna, le syndicat a donné la position des partenaires sociaux sur la décision du gouvernement. Selon lui, la décision ne gêne en rien le fonctionnement de l’aéroport. Toutefois, comme proposition, ils souhaitent que l’Etat exploite les compétences nationales en la matière en mettant en place une agence de gestion des activités aéronautiques du Bénin. Pour finir, il a rassuré de ce qu’il n’y a pas d’inquiétude à se faire sur la sécurité des appareils. Lisons à présent François Kpèdotossi, l’un des syndicalistes de l’agence !
L’EVENEMENT PRECIS : Le Bénin se serait séparé de l’Asecna. Confirmez-vous ou non cette information ?
SG/SUTRACIM/François KPEDOTOSSI : Cette information n’est pas vérifiée. Le Bénin est membre fondateur de l’Asecna et reste membre de l’Asecna à ce jour où je vous parle. Il n’y a même pas eu une réflexion sur l’appartenance du Bénin à l’Asecna ou non. Le Bénin demeure donc membre de l’Asecna.
Dites-nous alors, le fonctionnement du partenariat entre le Bénin et l’Asecna depuis son introduction dans la gestion de l’aéroport de Cotonou, à ce jour.
L’Asecna a été créé le 12 décembre 1959 par la Convention de Saint Louis à Dakar et le Bénin comme je le disais tant tôt est membre fondateur. La création a été suivie d’une mission spécifique qu’on a confiée à l’Asecna. C’était donc d’assurer la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar comme le dit son sigle. C’était uniquement pour cette mission que l’agence a été créée. Mise dans la convention, il a été dit à l’article 10 que les Etats qui veulent, peuvent lui confier la gestion commerciale de leurs activités aéronautiques. Ce qui veut dire que les installations aéroportuaires une fois construites par l’Etat, il peut demander à l’Asecna de l’exploiter. Cela veut dire que cela fait deux activités différentes. Les activités communautaires et les activités nationales qui constituent la gestion commerciale des aéroports. Donc, c’est cette deuxième partie commerciale que l’Etat béninois a bien voulu confiée à l’Asecna par un premier contrat signé en 1968. Après donc ce contrat, dans les années 1990, les Etats ont commencé par exprimer le besoin de retirer leurs activités commerciales à l’Asecna, donc l’Etat béninois. Vous aurez remarqué que depuis les années 1990, les syndicats de la plateforme aéroportuaire se sont toujours battus pour que l’Etat béninois ne retire pas ses activités commerciales de l’Asecna. Simplementparce que d’une part, nous, syndicalistes avons estimé que l’Etat ne serait pas en mesure d’assurer une bonne gestion de ces activités et ne serait pas également en mesure de développer la politique sociale en faveur des travailleurs. C’est donc l’une des raisons pour lesquelles nous nous sommes souvent opposés. L’autre raison est que, c’est par le biais de ce contrat que l’Asecna assurait pour le compte de l’Etat les services de la météorologie nationale. La météorologie devrait être assurée par l’Etat. Mais n’ayant pas les moyens et les compétences nécessaires pour le faire, l’Asecna faisait à la fois les activités commerciales et assurait les services de la météorologie nationale pour le compte de l’Etat béninois. Même pour le compte de l’aviation civile, ça a été longtemps assuré par l’Etat. C’est ces dernières années que nous avons eu la création de l’Agence nationale pour l’aviation civile (Anac) qui est l’une des activités qui a été séparée et récemment en 2015, il y a eu la création de l’Agence nationale pour la météorologie (Météo Bénin). Donc ces deux activités faisant partie des activités commerciales, il ne restait que les activités commerciales des aéroports. Je rappelle qu’en 2011, il y a eu la signature d’un autre contratoù les activités ont été carrément séparées. L’activité principale de l’Asecna à part et le Directeur général de l’Asecna a un représentant au Bénin. Maintenant, l’activité commerciale séparée, le Directeur général de l’Asecna a un second représentant que nous appelons, Délégué aux activités aéronautiques nationales. En octobre 2016, l’Asecna même a eu à faire une réunion regroupant l’ensemble des pays qui lui confié la gestion des activités pour évaluer ses activités. Ce qui nous embête le plus est que l’Asecna a déclaré qu’elle ne dispose pas des compétences nécessaires pour gérer les activités commerciales parce que ces activités ne font pas partir de ses premières. Mais comme l’article 10 de la convention lui imposait que les Etats pouvaient confier, elle ne pouvait pas non plus refuser de gérer. Donc le dynamisme auquel l’Etat s’attendait en confiant la gestion de ces activités à l’Asecna, a commencé par manqué. C’est pour cela que l’Etat a décidé de retirer ses activités commerciales à l’Asecna et d’en assurer la gestion, soit par elle-même, soit par une structure bien adaptée.
Selon les syndicats, est ce que cette mesure arrange l’aéroport du Bénin ?
Ça dépend de ce que l’Etat mettra dans la gestion. Mais nous, partenaires sociaux avons un souhait. Nous avons les compétences au Bénin pour gérer les activités aéronautiques. Nous même avons déploré depuis longtemps le fonctionnement de l’Asecna vis-à-vis de ces activités commerciales. Mais cela n’était pas trop criard. Et comme c’est relatif, l’Etat a estimé aussi que cela ne répondait pas trop à sa politique de développement des aéroports. La question que vous posez demeure dans la mesure où, ça dépendra de ce que l’Etat voudra faire de ses activités. Pour notre part, partenaires sociaux, on aurait souhaité que l’Etat exploite les compétences nationales en la matière en mettant en place une agence de gestion des activités aéronautiques du Bénin mais qui s’occupera de cette gestion et qui aura l’autonomie et la possibilité de gérer.Si le politique ne s’y mêle pas, ça va marcher parce que ça marche ailleurs. Si on prend le cas du Sénégal, c’est une agence de compétences nationales qui gère les aéroports. Nous en avons aussi bien et on n’a pas besoin d’aller en chercher ailleurs. Si un concessionnaire peut gérer et avoir accès aux services de la dette pour pouvoir reconstruire l’aéroport, ou bien l’Etat assure l’état de la dette, tant mieux. Cela s’est déjà passé quand on a voulu allonger la piste, l’Etat avait contracté des prêts et c’est la gestion actuelle qui a supporté ces frais.
C’est une affaire de moyens et vous le savez bien
Je voudrais vous préciser que la gestion de l’aéroport n’a jamais été déficitaire. A l’heure où je vous parle et l’Etat est entrain de retirer les activités commerciales des mains de l’Asecna, on a une trésorerie de 10 milliards de Fcfa. Donc ce qui veut dire que nous avons de l’argent pour investir. Mais si on doit aller dans les investissements qui avoisinent les 100 milliards de Fcfa, il faudrait nécessairement faire face aux services de la dette. Si l’Etat veut vraiment que l’aéroport se développe, c’est à lui de faire face à la dette et peut demander au gestionnaire de supporter le remboursement.
Lespartenaires sociaux ont-ils été associés à cette décision ?
Il faut dire qu’au départ, nous avons été associés, car on déplorait aussi la façon dont la gestion était faite surtout en ce qui concerne la lenteur administrative. Mais nous avons été surpris par l’appel d’offre lancé par le ministère alors qu’on étudiait la possibilité et une fois le retrait de ces activités des mains de l’Asecna, le contenu à donner à lasuite. Mais nous avons été surpris dans le temps par la démarche. C’est ce qui a d’ailleurs fait l’objet d’une motion de grève entre temps. Actuellement, nous sommes en pourparlers avec le ministère et réfléchissons sur ce qui sera de la prochaine gestion.
On retire alors qu’en terme de dialogue social, tout se passe bien avec votre ministère de tutelle.
Il y avait une rupture, mais actuellement nous sommes entrain de travailler ensemble pour accoucher de quelle que chose de bien.
Mais on a comme impression que l’aéroport de Cotonou est délaissé en faveur du projet de Glo-Djigbé. Avez-vous la même impression ?
Effectivement, il faut dire que le projet de construction de l’aéroport de Glo-Djigbé qui date des décennies freine le développement de l’aéroport de Cotonou dans la mesure où toutes les fois où de gros investissement sont prévus pour Cotonou, on se demande s’il faut investir à Cotonou pour abandonner du jour au lendemain. La confirmation et le délai de construction de Glo-Djigbé conditionnera les investissements à mettre en place à Cotonou. Pour finir, je voudrais rassurer l’opinion publique qu’en ce qui concerne la gestion de la sécurité de l’aéroport, il n’y aura pas de faille. L’Asecna assure la sécurité des avions dans 18 pays dont la France. Donc, il n’y a pas d’inquiétude à se faire.
Propos recueillis par
Emmanuel GBETO