C’est une société qui, en raison de la nature de son activité, devrait être dans l’abondance, avec des comptes en banque bien garnis et une trésorerie à faire pâlir d’envie. Au lieu de cela, la Société béninoise d’énergie électrique (Sbee) a connu, pendant longtemps, une gestion approximative, et des difficultés à n’en plus finir. Pourquoi ?
L’Etat a souvent délié le cordon de la bourse pour l’oxygéner financièrement Sbee. Tant et si bien qu’au moment de la mise en œuvre des réformes entrant dans le cadre du deuxième Compact du Millennium challenge account, il y a quelques petits mois seulement, ce ne sont pas moins de 24 milliards de FCfa que l’Etat a dû renoncer à recouvrer au titre des subventions diverses qu’il a apportées à la société. Cela représente l’effort de tous les Béninois, y compris des plus modestes. Mais la conférence de presse de l’actuel Dg ce lundi 4 septembre, et la réplique du député Issa Salifou dit Saley hier sur sa télévision privée, ont permis de se faire une idée des pratiques qui, jusqu’ici, ont plombé l’essor de la société. A entendre le Dg, on se rend compte que certes, la société Bbcom doit beaucoup à la Sbee, soit près d’un milliard et demi de nos francs ( !) comme beaucoup d’autres sociétés et gros clients particuliers lui doivent sans doute. Mais si le cas Bbcom a été exposé, c’est parce que les mesures de débranchement des compteurs souscrits par l’opérateur Gsm ont conduit à déceler des situations graves de trafic sur les compteurs et de vol de courant électrique. On n’irait pas jusqu’à penser que le député en personne procède à des branchements irréguliers. Mais on peut, et à juste titre, considérer que des proches à lui, des employés, ont dû se rendre coupables de tels actes, en complicité forcément avec des agents de la Sbee. Et même si le député se défend de tout acte délictueux, le cas de sa maison de Gbégamey, où les charges du service commercial du réseau Bbcom débranché, ont été frauduleusement reportées sur le compteur souscrit en son nom, Issa Salifou, interpelle sa conscience. L’augmentation frauduleuse de la puissance du compteur aussi. Le fait que le compteur ait été souscrit au nom du député l’expose dans cette tricherie. Et, après avoir clamé son « innocence » sur sa télé, il devrait, comme la Sbee le fait avec ses agents, rechercher parmi ses collaborateurs et proches parents, qui sont ceux qui, d’initiative ou en complicité avec des agents de la Sbee, ont pu procéder à de tels trucages qui ternissent son honneur.
Des clients débiteurs protégés
Mais, cette situation a aussi l’avantage de lever un coin de voile sur les pratiques peu orthodoxes qui ont cours dans certaines sociétés d’Etat, considérées comme vaches à lait pour les politiciens et leurs obligés. En effet, dans la foulée de la conférence de presse du Dg/Sbee, des cadres de la société ont laissé entendre que les anomalies relevées chez Issa Salifou sont légion et que certains « gros clients » sont protégés. Ces cadres exposent qu’il est arrivé plusieurs fois, par le passé, que des agents dépêchés sur le terrain pour couper des clients indélicats, récoltent menaces et intimidations. Lesquelles tombaient même sur les dirigeants de la société, à qui des politiques demandaient carrément des comptes pour avoir voulu bien faire leur travail. Les pressions les faisaient rebrousser chemin et les abus de ces « gros clients » pouvaient continuer. Ils évoquent, à titre illustratif, le cas d’un ancien ministre aujourd’hui décédé. Ministre sous feu le général Kérékou, il a connu au cours des années Yayi, la galère et ne payait plus ses factures. Les nombreuses tentatives pour débrancher le compteur qui alimentait sa maison sont restées sans suite. Les menaces et consignes politiques étaient passées par là. Ce n’est qu’à la mort de cet ancien ministre, récemment, que le débranchement a été effectué.
Sonapra, Onasa, Libercom …coulées par la corruption
Cela renseigne bien sur ce qui explique, ne serait-ce qu’en partie, la mauvaise santé financière de la Sbee, qui compte des dizaines de milliards de francs Cfa d’impayés auprès des clients autres que l’Etat, d’après des sources proches de la société. Aussi, contrairement à ce qui est soutenu par le député et ses affidés, ce n’est pas parce que Bbcom doit et qu’il en a été le promoteur que ce cas a été exposé au public. C’est plutôt en raison des actes de trafic et de fraude, qui relèvent du pénal, actes qu’on peut lui reprocher par extension de responsabilité puisqu’on se demandera toujours, en l’espèce, « à qui profite le crime ? ». En tout cas, pas à la Sbee. De plus, d’après des responsables de la Sbee, dans le cadre de l’opération de salubrité qui a conduit à la découverte des actes répréhensibles chez Bbcom et Saley, de nombreux autres « gros clients » et pas des moindres, ont été débranchés pour leurs factures impayées dont les montants inquiètent. Assurément que s’il n’y avait pas ici les actes de fraude et de trafic, le cas Bbcom serait aussi resté discret. Au total, ces faits dénoncés, et les confidences des cadres de la Sbee, relativement aux gros clients, montrent si besoin en était encore, pourquoi nos sociétés publiques coulent aisément du fait de la mauvaise gestion. Dans ces conditions, il faut bien comprendre pourquoi, parfois, les gouvernements sont obligés de prendre les mesures fortes en privatisant, ou en liquidant quand il n’y a plus de perspectives, comme ce fut le cas récemment de la Sonapra, de l’Onasa, de Libercom Sa…
AT