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Eustache Akpovi: « C’était mon étoile qui brillait…»
Publié le mercredi 6 septembre 2017  |  Le Matinal
Eustache
© aCotonou.com par DR
Eustache Akpovi, professeur de français et politicien




« Savalois » de Cotonou, dit-on de lui, la cinquantaine, il n’est plus à présenter au sein de la classe politique et pour les jeunes. Formé à la faculté de droit de l’Université nationale du Bénin, il s’est lancé très tôt dans la vie active en commençant par l’enseignement. Jeune professeur de français très remarquable, il se découvrira les talents dans le privé, qui l’a propulsé au devant de la scène. De l’enseignement, il découvre un secteur pourvoyeur de richesses et d’emplois. Ainsi, il fait véritablement ses premières armes dans le secteur portuaire, où il bâtit fortune, sans laquelle, son ascension en politique et dans la fleur de l’âge, serait compromise. Ancien conseiller municipal de Cotonou, ancien vice-président de l’Assemblée nationale, Eustache Akpovi, est resté dans l’entourage du pouvoir, de Kérékou à Talon. « C’est mon étoile qui braillait », résume t-il. Après une longue traversée du désert sous Yayi Boni, il est un soutien de première heure pour l’actuel chef de l’Etat. Dans cet entretien, le président du parti, la Nouvelle gouvernance pour la République (Ngr) parle de son nouveau départ.
Le Matinal : « Savalois » de Cotonou. Pour quoi, l’on vous désigne ainsi?
Eustache Akpovi : C’est simple. Né à Cotonou, je suis de père et de mère de Savalou.
Cotonou, c’est quoi pour vous ?
J’ai fréquenté à Cotonou, en l’occurrence les écoles Gbéto Nord et Saint Michel. Après, j’ai fait le collège ex-protestant. J’ai eu le Bepc là et j’ai fini à Dantokpa, parce qu’entre-temps, l’Etat a concédé l’ex-protestant aux religieux protestants. Donc, nous avons continué au Ceg Dantokpa où j’ai eu mon Bac. Après, j’ai poursuivi mes études à l’Université nationale du Bénin pour obtenir la maitrise en droit.
.On vous connait militant et activiste depuis la jeunesse. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager très tôt ?
Quand on était au collège, ex-protestant, nous avions vu, au départ, la manière dont les autorités de l’établissement nous traitaient. Ce n’était pas trop juste. Les gens ne respectaient pas certains principes à telle enseigne qu’à un moment donné, un certain nombre d’élèves ont commencé par se révolter et nous avons avec d’autres camarades, pris le devant des choses. Nous avons commencé par discuter avec les autorités, mobiliser les élèves autour des intérêts de ces derniers. C’est ce qui nous a motivés à nous organiser et parler de la chose politique d’une manière ou d’une autre, même si en ce temps, on ne peut pas l’appeler politique. Par la suite, il y a eu des grèves contre le gouvernement et nous étions déjà au front. C’est comme ça que le militantisme est né. Par la suite, nous avons continué à l’université où j’ai été directeur de campagne de tous les responsables d’amphis (de la première jusqu’en quatrième année). J’ai toujours été directeur de campagne de tous ceux qui ont été promus responsables d’amphi.
Avec votre licence en droit, vous aviez quitté l’université ; la suite, c’était où?
J’avais fait une double inscription. Je faisais le droit et en même temps l’anglais. Donc, jusqu’après ça, à un niveau donné, j’ai aussi fait la formation à partir de la troisième année avec un grand professeur de français en la personne de Michel Agbokpanzo. Ainsi, j’ai commencé par enseigner le français. J’ai fait la formation pendant un an. Quand on avait fini l’université, j’ai enseigné le français au lycée Coulibaly de Cotonou pendant sept ans. Dans le même temps, j’enseignais le français dans une école anglaise à Missebo, où il y avait tellement d’élèves parce qu’eux, ils ne parlent que l’anglais. Et comme je maitrisais les deux langues, j’étais aussi enseignant dans cet établissement. C’est par là que j’avais commencé, même avant de finir la formation au lycée et de continuer en tant que professeur de français là. Jai tenu beaucoup de classes et j’étais même le plus jeune professeur du lycée technique où j’ai encadré beaucoup d’élèves.
J’avais commencé depuis les années 96–97. J’ai fait pratiquement sept ans avant d’abandonner.
Vous aviez abandonné très tôt la craie. Pourquoi ?
C’était pourtant passionnant, mais à un moment donné, j’ai continué à lutter politiquement et je me suis toujours vu des valeurs dans le privé. Comme beaucoup de mes amis, et vu des expériences à partir de certaines personnes, je préférerais me battre dans le privé. C’est comme ça que j’ai commencé par enseigner par-ci, par-là, même au collège Bon Berger d’Akpakpa. Dans le même temps, je donnais des cours de maison en anglais. Je gardais beaucoup d’élèves du lycée pour leur formation en anglais et en français. En tant que professeur de maison, j’en ai formés pour le Bac, et quand je prends, on n’échoue jamais. J’ai déjà fait mes preuves à ce niveau-là. Beaucoup d’entre ces élèves que j’ai gardés se retrouvent aujourd’hui l’administration publique et dans le secteur privé. Ils s’occupent de bons postes. Donc, d’une manière ou d’une autre, j’ai participé à l’émergence de cette nation, au moins de ce côté-là. Avec le temps, j’ai trouvé d’autres débouchés. Comme je vous l’avais dit, j’aime beaucoup plus évoluer dans le privé. J’ai vu d’autres opportunités dans lesquelles, je me suis incrusté. C’est comme ça que j’ai commencé à abandonner la craie et comme je ne voulais pas bâcler les choses, j’ai demandé à l’administration du lycée technique de me donner une seule classe. Quand les choses ont commencé par évoluer, je suis allé leur dire de me laisser partir. Ils n’ont pas voulu, mais j’ai tout fait et j’ai placé quelqu’un d’autre à ma place. J’ai donc quitté l’enseignement comme ça pour aller sur le terrain des affaires.
Sur le terrain des affaires, on vous a remarqué dans le secteur portuaire. Que faisiez-vous en ce temps?
J’avais été un opérateur portuaire, c’est tout. Nos activités étaient dans le port. Nous avions été gestionnaire de parcs. Des importateurs étaient nos clients et travaillaient avec nous. C’était ça, mais beaucoup de personnes ne comprenaient pas réellement en quoi consistait ma présence au port. Je n’étais pas un vendeur de véhicules, mais un gestionnaire de parcs. Donc j’ai fait réellement mes premiers pas dans la vie active, et c’était par la gestion d’un parc de vente de véhicules appelé Golden Wave dans la bande des 200 mètres. C’était sous Séverin Adjovi. Après, j’ai évolué. Je suis devenu indépendant dans mes activités. J’ai fait beaucoup d’autres choses, ainsi de suite. En tout cas, je me suis battu dans le privé.
En 2003, vous avez été brillamment élu député. Mais avant ça, vous avez été conseiller au conseil municipal de Cotonou. Une telle ascension a surpris non seulement vos adversaires politiques, mais aussi vos compagnons, voire vos mentors. Quel a été votre secret?
D’abord, en 2001 en tant que jeunes, nous avions commencé par former notre propre bloc politique qu’on appelait la Relève de qualité. C’était à la veille des élections de 2001. Nous avons œuvré pour le deuxième mandat du président Mathieu Kérékou. Si on a formé notre bloc, c’est parce que nous avons compris qu’on a toujours fait le travail, mais les aînés ont souvent pris le devant parce qu’en 1996, on avait été les vrais acteurs de la victoire du président Mathieu Kérékou. De l’université jusqu’à la ville, nous avions beaucoup travaillé. On a changé l’ordre des choses en 1996 dans la ville de Cotonou et partout. Mais dès qu’on a pris le pouvoir, on a constaté que ce sont nos aînés qui se sont accaparés de tout et qui ont géré comme bon leur semblait. Nous avons dit qu’en 2001, ça ne va plus continuer comme ça. Nous aussi, on fait déjà nos armes dans les affaires. On a dit non. Cette fois, nous allons prendre un pan de la chose. On s’est organisé et c’est cela qui a donné naissance à ce que vous entendiez par Relève de qualité en ce temps. Nous avions combattu en 2001 toujours avec les aînés, et nous avons repris le pouvoir. C’est par là que politiquement nous même on s’est dit, on peut évoluer. Après la Relève de qualité, nous avons créé l’Upr, l’Union pour la relève. C’est moi qui ai même donné le nom de ce parti. On avait pris Issa Salifou comme président. Moi, j’étais son premier vice-président ainsi de suite. Après, on a ramené les Agossa Iréné, et tout ça. C’était vraiment épatent. C’est comme ça que nous sommes réellement entrés en politique et les élections municipales étaient là en 2002 où moi je suis dans le 7è arrondissement de Cotonou, où je suis né, où j’ai fait mon enfance jusqu’à finir à l’université et je connais pratiquement tous ceux qui étaient nés dans cet arrondissement. Il était question qu’on aille aux élections municipales et j’avais mis sur pied beaucoup de structures intervenant dans le social, parce que je connais les problèmes et la vie que mènent les enfants et les gens de cet arrondissement.
Vous aviez fait tout cela en prévision à vos ambitions politiques.
En tout cas, on a pu inverser les tendances et j’ai pu me faire élire conseiller municipal pour la première fois dans Cotonou et j’ai été le premier à percer la citadelle Rb en ce temps, parce que c’était une citadelle imprenable. C’était une grande forteresse, mais j’ai pu me faire ma place. Avant l’installation, il y avait les élections législatives qui approchaient et j’ai continué mon travail alors que j’avais déjà assez de voix. En ce temps, j’étais déjà à plus de cinq mille (5000) voix dans cet arrondissement. J’étais premier de tous ceux qui étaient de la mouvance à Cotonou. Or, Cotonou appartenait à l’opposition, et personne ne pensait que je pouvais être élu, même le chef de l’Etat en ce temps me demandait si je pouvais réussir et même les gens des services des renseignements avaient fait une fausse fiche au président Kérékou lui disant que je n’allais pas réussir, mais ils ont été surpris et par la suite, lorsque les élections législatives étaient arrivées, il y avait eu le combat de positionnement. C’est par là que les problèmes ont commencé avec Sévérin Adjovi. Il était candidat dans le 12ème arrondissement à Cadjèhoun qui était la citadelle la plus rugueuse, parce que les Soglo y vivaient. Malheureusement, Sévérin Adjovi n’a pas pu sortir son épingle du jeu. Le combat a été âpre. On a refait même l’élection dans cet arrondissement et je suis reparti l’appuyer là-bas d’une manière ou d’une autre. Mais il n’a pas pu réussir pour les municipales en ce temps-là, parce que, je ne cesserai de le dire, les Soglo étaient trop organisés dans cet arrondissement. Ils avaient vraiment quadrillé tout le terrain. Par la suite, il était question que la mouvance s’organise pour avoir sa liste. C’est là où je n’ai pas pu m’entendre avec Sévérin Adjovi parce qu’au sein de la mouvance, j’ai été premier à Cotonou au sortir des municipales. Certains avaient obtenu 1000 voix, d’autres 1200, dans leurs arrondissements respectifs et avec ça, ils voulaient tous être tête de liste à Cotonou, notamment dans la 16ème circonscription. Pour avoir la victoire, il fallait désigner quelqu’un à qui on pouvait remettre la tête de liste. C’est le Chef de l’Etat qui a tranché et qui a dit qu’il faut nommer comme tête de liste celui qui a pu avoir un bon score. Donc 1er de Cotonou au niveau de mouvance. La décision a été prise par le Chef de l’Etat. Et c’est en cela que je remercie encore le président Bruno Amoussou qui a eu la lucidité de conduire les débats et a respecté les instructions données par le président Mathieu Kérékou, qui avait même fait des propositions et qui disait que si nous voulons gagner, il vaudrait mieux prendre celui qui a eu plus de voix, et c’était moi. Donc, nous avions fait les débats et c’est cela qui m’a opposé à Sévérin Adjovi. Comme j’étais son poulain, il me disait de laisser, or si je laissais, c’est lui qui suivait en matière de nombre de voix réunies pour les municipales dans la ville de Cotonou. Mais ses voix ne lui permettront pas d’être élu député à Cotonou. Il m’a mis toutes les pressions, mais je lui ai dit que je ne pouvais pas laisser, parce que j’ai fait un travail dans le 7ème arrondissement que les gens ont suivi. Ça a atteint les arrondissements environnants et tout le monde voulait me voir. C’était mon étoile qui brillait en ce temps et j’ai refusé de faire ce qu’il me demandait. Quand je suis allé aux élections, ils ne m’ont même pas aidé. Je ne les ai pas vus alors que c’était une question de la mouvance, donc tous les acteurs devaient se mettre au travail. J’étais seul au front face à la Rb. On ne les a pas vus battre campagne. Au contraire, il y avait des aînés qui demandaient aux gens de se soulever contre nous de ne pas travailler avec nous, mais ils ont tous échoué et j’ai pu gagner les élections. Ils ne savaient pas que même pour faire la campagne des municipales dans le 7ème arrondissement, je me suis préparé pendant près d’un an et moi je ne vais pas aux élections n’importe comment. Pour y aller, je commandite toujours une sorte d’audit du terrain, et c’est ça qu’on avait fait pour les municipale. Juste après notre élection pour la députation, quand nous sommes allés faire l’installation du conseil municipal de Cotonou, le président Soglo m’a regardé ce jour-là comme un phénomène. Je l’avais salué et il ne m’avait pas franchement répondu, alors que je suis son enfant. Il devait même m’encourager. Si moi j’étais à sa place et un petit a pu faire cet effort, j’allais l’encourager malgré les insultes, le dénigrement dans son discours. Parce que les élections sont terminées. Il ne se souviendra plus de tout ça, mais moi qui ai reçu ce coup, je l’ai gardé. Elu député, j’ai abandonné le poste de conseiller communal de Cotonou à mon supplément qui était Basile Bandera, qui est resté jusqu’à la fin du mandat.
Après cela, votre étoile a continué par briller
Moi j’ai continué à l’Assemblé Nationale. J’ai été élu vice-président de l’Assemblé Nationale. Sur le plan international, j’ai été élu vice-président des ACP-Union Européenne. C’était une grande organisation parlementaire qui regroupait les pays de l’Afrique, des caraïbes et du pacifique avec les pays de l’union européenne.
Membre du bureau de l’Assemblée nationale en 2003, ce n’était pas donné à n’importe qui.
Nous étions un groupe serré, nous étions nombreux à constituer une Relève de qualité et un certain nombre avaient déjà été élus députés. Nous avons aussi fait le lobbying et en ce temps-là, le président de la République ne voulait même pas que je reste à l’Assemblée Nationale parce qu’avant cela, on m’avait déjà choisi une première fois pour rentrer au gouvernement, c’était avec Lazare Sèhouéto parmi près de 18 jeunes qui avaient été identifiés par le chef de l’Etat. Nous tous étions soumis à une sorte d’interrogatoire pour voir ce que chacun vaut en termes de capacités pour intégrer un gouvernement. On était deux retenus sur les 18. Lazare Sèhouéto et moi. Je devais donc rentrer au gouvernement pour remplacer le ministère de la jeunesse, Valentin Houdé. Mon nom était sur la liste officielle remise aux journalistes. Le gouvernement a été formé à 11h et à 15h, il fallait déposer le pli à l’Assemblée Nationale. On ne sait pas ce qui s’est passé et mon nom a été retiré de la liste. Je ne sais pas qui en est l’auteur, mais je sais comment cela s’est passé et c’est Lazare Sèhouéto seul qui était allé au gouvernement en tant que jeune. Aujourd’hui, il y a des gens qui racontent des histoires pour parler de politique et insulter le président Patrice Talon alors qu’ils avaient été des faussaires en ce temps pour mani puler des listes du gouvernement. On aura l’occasion d’en parler.
Ça a été un grand coup pour vous. Quelle a été la réaction du président Kérékou ?
C’était un grand coup, on était trop déçu, parce que ça a été fait au palais, le président n’était pas informé. C’est à partir de ce moment que Kérékou avait commencé à faire son gouvernement à la main. Les gens sont intervenus auprès de nous pour nous calmer et nous apaiser. C’était juste après notre victoire de 2001. En 2002 et 2003 quand j’étais élu député, la même chose a voulu se produire ; tous ceux qui ont été élus étaient en réunion à l’Infosec quand ils m’ont demandé de ne pas entrer dans le bureau de l’Assemblée Nationale et que le chef de l’Etat voulait que j’aille au gouvernement. J’ai donc posé la question de savoir si le poste de vice-président de l’Assemblée Nationale que je vais occuper, était un poste où je serai inamovible jusqu’à la fin du mandat. Ils m’ont répondu que seul le président de l’Assemblée Nationale pouvait rester inamovible jusqu’à la fin du mandat. J’ai donc dit non, car même si je suis élu vice-président de l’Assemblée Nationale, je peux devenir ministre et après un vote on peut désigner quelqu’un d’autre à ma place. Même si le président de l’Assemblée veut accepter un poste plus élevé que le sien, il peut abandonner, mais ils ne l’avaient pas compris car, pour eux le Chef de l’Etat avait donné des instructions que je n’ai pas voulu respecter. J’ai donc expliqué que je préférais d’abord garder ce poste à l’Assemblée nationale au lieu de le refuser et qu’on me dribble après. Ce qui avait frustré les aînés, mais j’ai tenu bon. Je devais même être 1er questeur en ce temps, mais comme je n’étais pas assez formé en matière de finances, j’ai dû abandonner et laisser le poste a monsieur Gangninto qui est venu négocier personnellement avec moi, car je ne voulais pas faire piètre figure à un poste. J’ai donc convaincu mes amis et on lui a laissé le poste. Mais les aînés ont dit que c’est parce que je n’avais pas respecté les consignes du Chef de l’Etat que je n’ai pas été nommé pour la 2ème fois dans le gouvernement. C’est ainsi que les choses se sont passées jusqu’à la fin de mon mandat à l’Assemblée Nationale en 2007 sous le Président Yayi qui, aussitôt nous a pris en adversité et nous a combattus un à un.
C’est le début de la traversée du désert ?
Oui, c’est ça. C’est à cause de Yayi Boni qui est venu en 2006, parce qu’on ne l’a pas soutenu en son temps, mais on l’a quand même soutenu au second tour. Sur instruction de l’actuel président Patrice Talon, c’est lui qui a fait Wologuèdè qui a supporté Yayi d’entre les deux tours. Ça a commencé chez moi. Il était avec Charles Toko en ce temps, Adam Bagoudou. Donc les trois étaient chez moi, Adam Bagoudou, Charles Toko et Patrice Talon. C’est de chez moi qu’on a commencé toutes ces négociations jusqu’à avoir tout le monde. C’est moi qui suis allé voir Issa Saley le lendemain matin. On a travaillé jusqu’à deux heures, voire 4h du matin. Après, j’ai amené Saley voir le président Patrice Talon chez lui vers la plage. On a discuté. On a convaincu Saley. On est allé prendre ensuite Amoussou Bruno, ainsi de suite. On les a pris un à un jusqu’à ce qu’on ait pu faire Wologuèdè pour soutenir le président Yayi Boni au deuxième tour. C’est pourquoi d’ailleurs vous allez constater que c’est à notre siège, Upr à Gbégamey que la déclaration de soutien a été lue. Donc, vous voyez qu’on a fait beaucoup de choses dans ce pays politiquement. Quand les gens parlaient de révision de la constitution en son temps, on nous harcelait. Quand nous avions parlé avec le Chef de l’Etat, on a compris qu’il disait qu’il ne veut pas qu’il y ait de révision d’une manière ou d’une autre. C’est pourquoi nous avons bloqué la révision de la constitution. Le ministre des finances d’alors, c’était Cosme Sèhlin qui faisait feu de tout bois. On avait eu beaucoup de problèmes, même avec Hounsou Guèdè qui était le directeur des services de renseignements. Ils nous mettaient la pression si bien qu’il y avait déjà près de 34 députés qui avaient déjà signé la révision de la constitution. Aujourd’hui, moi je regarde ces gens-là qui s’agitent et qui montrent qu’ils sont patriotes. Non. On les avait déjà vus. C’est nous qui avions bloqué sur instruction du chef de l’Etat la révision. Ce n’était nullement le mérite de quiconque, encore moins de l’Ong Elan. En tout cas, tel que nous avions discuté, nous avons vu que le président ne dirigeait pas trop. Les gens dirigeaient beaucoup plus à sa place. Donc, on a dit non. Il n’était plus question de continuer avec cette histoire et le président même n’en voulait pas.
Tout cela a profité à Yayi Boni vous voulez dire? Est-ce qu’il a été mis au courant ?
Yayi Boni est informé. Il fut un jour, on lui a montré la liste de tous ceux qui ont signé pour qu’on fasse la révision de la constitution. Ils étaient 34. On lui a montré cette liste-là. C’était lors d’une réunion. Il y avait Issa Salifou dit Saley, Irénée Agossa et moi-même. C’était dans la maison même de Maurice Thomas, le Pdg de Mri. C’était entre les deux tours de l’élection de 2006. Il n’était pas encore au pouvoir. Il nous disait toujours, je viens au pouvoir, je vais vous aider. Je vous ferai ci et ça. Quand il est venu au pouvoir, on était les premiers à qui il s’est attaqué. Et même, je me rappelle, lorsqu’il a pris le pouvoir, nous étions avec lui au Palais (Saley, Modeste Kérékou, Charles Toko lui assis à même le sol sur le carreau devant le président, Amouda Issifou) quand Yayi Boni nous remerciait. Il nous disait, vous avez été très braves. Il disait même que s’il devrait nommer quelqu’un comme ministre de la défense, qu’il aurait pu nommer Charles Toko, qu’il a fait beaucoup, qu’il a été brave. Mais on est les premiers sur lesquels il a bondi pour nous taper. « Toute révolution mange ses premiers enfants », dit-on en politique. Donc, nous avions été sacrifiés et moi j’ai été totalement déçu. Je me suis retiré. C’est pourquoi, pendant les dix ans, j’ai rien fait avec Yayi. Il nous a rappelés dans sa maison. J’ai été chez lui, il m’a dit tout ce qu’il voulait et en ce temps, c’était pour que je puisse être devant pour détruire d’autres. Moi, j’ai dit non. Moi, je ne fais pas ces choses-là. Si c’est ça que je dois faire avant qu’on ne m’aide, je ne le ferai pas et j’ai quitté sa maison. Il a dit « tout ce que vous voulez, je vais vous donner. Je suis prêt même à vous donner un autre ministère ». Modeste était déjà ministre en ce temps, moi je n’ai pas accepté ça parce que je ne peux pas le faire. Donc, moi je ne l’ai pas fait, mais mes autres amis ont accepté et l’ont suivi. Agossa est entré dedans comme conseiller à la Haac, après directeur de la Sonacop. Moi, je suis resté à l’écart. J’ai une conviction. Ils m’ont donné tellement de coups. On m’a détruit totalement pendant ces dix ans de Yayi. J’ai dit ce n’est pas grave. Dieu m’a aidé et je suis resté debout et je me suis toujours battu. Même en 2011, ils sont venus, ils ont tout fait pour qu’on puisse travailler pour lui. J’ai dit non. Je ne l’ai pas suivi. On a fait Houngbédji, en ce temps-là, c’était ma conviction. Quand il a dirigé pendant les cinq ans encore, moi je suis resté à l’écart de tout.
Alors dix ans après ?
Dix ans après, je suis toujours là.
Quel a été votre combat après tout ça?
En privé, on disait déjà au président Patrice Talon, tu dois entrer réellement en politique toi-même. Moi, j’ai fait tout ce que j’ai dit avec le Président Patrice Talon depuis 2006, même en ce temps, c’est l’homme le plus riche. Mais , moi je n’ai pas eu un franc de lui. Je n’ai jamais demandé un franc pour travailler avec lui. On a fait Wologuèdè. Ça a marché. Moi, ma conviction, ce n’est pas l’argent. Ce qui est sûr, si on gagne un pouvoir, on va participer à sa gestion. Donc, ton intérêt est déjà là.
Avant les élections de 2016, vous vous battiez déjà pour Patrice Talon ?
Oui, par l’entremise de mon ami Charles Toko. On est toujours ensemble. Chaque fois, j’ai toujours envoyé le message au candidat pour lui dire qu’il faut qu’il entre en politique lui-même parce qu’il était question qu’il mette des gens devant pour qu’on ait encore un président. On lui a dit non. Il faut que lui-même se lève pour être candidat. Toutes les fois que Charles Toko voulait aller le voir, quand il était à l’extérieur, je l’ai toujours exhorté à être candidat. S’il est candidat, moi, je serai avec lui. Et c’est comme ça, nous l’avons convaincu. Il y a un autre ami, Gilles Bandera qui l’appelait régulièrement pour la même cause. Nous tous, on s’est organisé comme ça. C’est comme ça que nous lui avons forcé la main. On lui a démontré que tous ceux qui sont là, aucun n’est capable de battre Yayi et sa clique. Il y avait des gens qui ont travaillé avec lui et qui avaient même peur de lui. Ceux-là ne peuvent pas être candidats et gagner. Il faut que lui-même soit candidat. Dieu merci, il est entré au pays et il a pu être candidat. Nous, on a commencé le travail comme ça dans la discrétion et ça a donné.
A Savalou, commune acquise aux Fcbe, où vous étiez le premier lieutenant du candidat Patrice Talon, vous aviez pu réunir 37% des suffrages. Quelle a été sa réaction?
Après le premier tour, on a fait une première réunion au siège du parti dans un cercle restreint. Le président était là, Olivier Boko était là, Sacca Lafia, Directeur de campagne et bien d’autres. Le président m’a beaucoup apprécié. Il me l’a dit directement. D’ailleurs lui-même, déjà quand il était venu en campagne, vu la mobilisation sur le terrain, il a dit c’est dingue, ça va marcher. Donc, il a vu le score et il m’a vraiment remercié. A travers moi, il a remercié tous les amis qui nous ont aidés à faire le travail sur le terrain. Il disai : « Si je savais on allait mettre plus les moyens pour creuser davantage l’écart ». Il a compris que si on avait plus de moyens, on aurait fait plus, on pouvait même égaler les Fcbe ou les dépasser. Il n’a pas trop regretté, mais il nous a remerciés, « vraiment vous avez fait un travail gigantesque », a-t-il signifié. Or, en ce temps, les gens lui disaient, c’est un Savalois de Cotonou. Il ne pourra rien faire. Même des ainés de la région allés le voir. Eux, ils ont posé des conditions pour prendre beaucoup d’argent. Les membres de mon parti et moi n’avions posé aucune condition. J’ai travaillé parce que c’est mon candidat. C’est ce que je voulais. Donc, je suis allé avec nos amis. Je suis allé travailler. On a pu avoir cette victoire-là. C’est une victoire pour nous, parce que les autres n’ont jamais pensé qu’on pouvait avoir ça. Donc, aujourd’hui, il est président de la République et nous sommes fiers, parce que nous sommes aussi acteurs de cette victoire.
Le remaniement s’annonce sur tous les toits. Si votre ami vous faisait appel, quelle serait votre réponse ?
On a déjà discuté de ces genres de questions avec le Chef de l’Etat le 5 avril 2016. On a déjà eu des débats du genre. Le président sait déjà ce que moi je veux, mais je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il faut coûte que coûte être ministre. Si le destin m’amène quelque part, je vais l’accepter, mais je ne vais pas bousculer les gens et je ne suis pas de ceux qui veulent bousculer. Nous avons à Savalou, une grande sœur qu’on a déjà nommée ministre. Ça nous a déjà réconfortés en la personne de Marie-Odile Attanasso. Nous ne sommes pas dans la logique de forcer la main au chef de l’Etat pour qu’on l’enlève. Au contraire, nous sommes dans la logique de la supporter pour qu’elle reste au gouvernement pour beaucoup plus aider les politiques de la zone. C’est ça notre ambition. Et à ce niveau, tous ceux qui n’ont pas travaillé d’ailleurs avec nous dans la zone et qui se lèvent aujourd’hui pour avoir des ambitions ministérielles doivent rester tranquilles d’abord parce que les choses ne se font pas comme ça. Aujourd’hui, moi je pense que c’est l’union des enfants de la zone qui va aider au développement de cette commune. Le président aussi a vu que nous avons beaucoup travaillé et il est en train de nous aider. Il y a beaucoup de projets qui sont mis en chantier, il y a la route Dassa-Djougou-Savalou qui a été lancée et ça, économiquement, c’est un projet viable pour la commune en ce qui concerne le développement. La question fondamentale dans les collines particulièrement à Savalou, c’est la question du manque d’eau et d’électricité. Il y a beaucoup d’arrondissements qui manquent d’eau, mais avec l’arrivée du président Patrice Talon aujourd’hui, on a vu, pratiquement que tous les arrondissements sont en train d’être électrifiés actuellement et les populations voient. C’est sans tambour ni trompette que cela se fait. Lors de nos tournées pendant la campagne, le candidat a promis aux populations d’aboutir à une politique où l’eau sera dans les robinets douze mois sur douze. En cela, il y a déjà des projets qui ont été initiés. Ils ont déjà eu les financements pour que ce projet d’adduction d’eau dans les collines et plus particulièrement à Savalou soit une réalité. Donc, je pense que si la question de l’eau et de l’électricité est résolue, Patrice Talon aurait tenu parole et je pense que nous sommes sur la bonne voie.
Le Chef de l’Etat vous consulte souvent ?
Moi je ne suis pas au gouvernement. Ce n’est parce que c’est un ami, un proche à toi qui est devenu président que tous les jours, tu vas te porter chez lui où à la présidence. Pour lui dire quoi. ? Moi je suis politique, je ne dois pas abandonner le terrain. Je suis sur le terrain, je vais continuer à Savalou mais nous n’allons pas abandonner les choses ici parce qu’on est en train de mettre des structures ici maintenant pour que demain, on puisse être debout. Parce que nous aussi, pouvons avoir des ambitions d’une manière ou d’une autre, on ne sait jamais. En 2021, il ne serrait pas question de laisser le terrain à qui que ce soit parce que notre cause doit être encore entendue.
Votre étoile a brillé pendant un moment avant de disparaître
Oui. C’est des questions d’expériences. En ce temps, j’étais beaucoup plus jeune. Aujourd’hui, j’ai eu le temps de traverser le désert et ça m’a donné des leçons, j’ai compris beaucoup de chose. Aujourd’hui tant qu’on n’est pas mort, on a encore le temps de parler de soi. Donc je pense que c’est un nouveau départ aussi pour moi. On a de grandes choses devant.
Qui vous conseille souvent ?
Tout ce que je fais, je ne le fais pas sans consulter ma famille, mes frères, mes amis, ma femme. Je consulte tout le monde. Je parle avec tout le monde parce que je ne peux pas réfléchir tout seul sur certaines questions. Parfois, je prends le point de vue des gens autour de moi et je ne me suis pas encore trompé jusqu’à maintenant. Nous avons fait notre fétiche. Nous n’allons pas lui donner de coup de pied. Nous devons aider ce fétiche à réussir là où les gens n’ont pas réussi depuis des années. C’est notre conviction.
Selon vos proches, votre maman a été pour beaucoup dans votre réussite. Qu’en est-il ?
Ah oui, c’était une dame qui a été tout le temps très rigoureuse en ce qui concerne l’éducation de tous ses enfants et précisément en ce qui me concerne. Elle a été très dure et ça a porté ses fruits.
En dehors de la politique et des affaires, quelles sont vos occupations ?
J’aime lire parce qu’en lisant, vous arrivez à avoir beaucoup d’expériences. À travers la lecture, vous avez beaucoup d’autres expériences que vous n’avez pas vécues. C’est une source d’inspiration, la lecture. En dehors de tout ça, j’ai un goût pour l’habillement.

Réalisation Fidèle Nanga
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