Françoise Assogba Comlan, secrétaire générale au ministère béninois de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP), tient à faire cette précision de taille : l’interdiction du poisson tilapia ne porte pas sur sa consommation mais sur son importation et ses produits dérivés en provenance de la Colombie, de l’Egypte, de l’Equateur, d’Israël et de la Thaïlande.
Cette précaution provient de l’existence d’un virus, le TiLV, détecté dans les tilapias importés des pays précités, a souligné Assogba Comlan, ajoutant que le communiqué publié ces derniers jours par le gouvernement a pour but de « préserver les populations naturelles et d’élevage de poisson tilapia au Benin et de garantir la sécurité alimentaire et nutritionnelle à travers une production en quantité et en qualité ».
Ce faisant, relève-t-elle, le gouvernement a pris ses responsabilités pour éviter que le virus ne contamine le tilapia produit au Bénin et dont la consommation n’est pas interdite.
En dépit de toutes ces précisions, l’inquiétude demeure au sein non seulement des consommateurs de cette espèce de poisson, mais également chez les pisciculteurs et les importateurs des produits congelés. Ils reprochent au gouvernement de n’avoir pas pris la peine de bien expliquer la décision aux populations.
Selon le président du Groupement des importateurs des produits congelés au Bénin, Auguste Issa Kora, le virus TiLV en lui-même n’est pas dangereux pour les consommateurs, mais plutôt pour les poissons tilapia eux-mêmes. Or regrette-il, « le communiqué du gouvernement n’a pas été clair à cet effet. Et depuis l’annonce de l’information, nos ventes ont chuté immédiatement. Nous subissons des préjudices depuis des jours. Car, nous avons des conteneurs qui sont bloqués au port de Cotonou et qui nous font dépenser des millions de FCFA par jour ».
Même regret du côté du Président de la Fédération nationale des pisciculteurs du Bénin, Martial Koudérin. Selon lui, ses collègues ont du mal à vendre leurs tilapias aux restaurateurs et simples consommateurs subitement devenus méfiants pour cette espèce de poisson.
« Nous avons déjà constaté en moins d’une semaine, une mévente de plus 400 kilos sur le tilapia qu’il va être difficile de corriger», indique Martial.
Du point de vue groupe piscicole, le Bénin ne produit que deux types de poisson : le poisson chat et le poisson tilapia.
Officiellement, les besoins en poissons au titre de l’année 2016 se chiffrent à plus de 200.000 tonnes. Or la production locale (la pêche continentale et la pisciculture) tourne autour de 42.000 tonnes, soit un gap de près de 158.000 tonnes comblé par l’importation.
Décidé à tirer profit de l’interdiction temporaire d’importation du tilapia des pays infectés par le TiLV, le gouvernement béninois compte, selon le Secrétaire général adjoint du ministère de la pêche, Innocent Togla, «procéder à la restructuration de ce secteur en mettant un accent particulier sur le développement de la pêche locale pour augmenter au moins de 20.000 tonnes chaque année la production de poissons, notamment du tilapia ».
Pareille mesure est saluée par les associations des consommateurs. Ainsi, Ernest Gbaguidi, président de l’Organisation de défense des consommateurs ‘’Bénin santé et suivi du consommateur’’, estime que « l’interdiction temporaire d’importation du tilapia est une décision qui préserve la santé des populations ».
Toutefois, souligne-t-il, « pour éviter de subir les conséquences de cette interdiction qui crée déjà une rupture sur le marché local, il va falloir que l’Etat accompagne et encadre les producteurs locaux, en l’occurrence les pisciculteurs. Cela afin d’améliorer la production de tilapia en qualité et en quantité pour satisfaire les besoins alimentaires et nutritionnelles des consommateurs ».
UB/cat/APA