Ils ont perdu leur langue. Depuis l’élection de Patrice Talon à la tête de l’Etat, ils se sont repliés sur eux-mêmes. Eux qui dans un passé récent, étaient sur tous les fronts, prêts à dégainer contre le pouvoir, ne jurent aujourd’hui que par le silence. Bien qu’occupant une place de choix dans l’arène politique béninoise, ces acteurs ont radicalement changé de posture. Du jour au lendemain, ils sont devenus aphones. Or, ce ne sont pas les sujets dignes d’intérêt qui manquent. Depuis le 6 avril 2016, le gouvernement a posé suffisamment d’actes qui méritent d’être passés au crible par ceux qui en avaient l’habitude sous le précédent régime. Par la force des choses, ils en sont venus à donner leur langue au chat. Les honorables Eric Houndété et Janvier Yahouédéou se retrouvent de plus en plus dans cette posture.
Premier vice-président de l’Assemblée nationale, Eric Houndété s’est très vite affiché depuis les premières heures de l’Union fait la nation. Il n’a de cesse de pourfendre le régime de Boni Yayi qu’il a constamment peint en noir. Au parlement, il a fait du contrôle de l’action du gouvernement, son cheval de bataille. Il n’y a pas encore si longtemps, il détenait le record des questions orales, écrites, avec ou sans débat. En prélude à la présidentielle de 2016, il s’était porté candidat à la candidature unique de l’Union fait la nation. Ce projet n’ayant pu prospérer, il a trouvé en Lionel Zinsou, le candidat présenté et soutenu par Boni Yayi, la solution pour le Bénin. Mais les Béninois ne l’entendaient pas de cette oreille. Si ce ralliement surprise l’a mis dans une position inconfortable au lendemain de la victoire de Patrice Talon, la gouvernance de celui-ci lui donne des raisons de rebondir. Mais il ne semble pas s’inscrire dans cette dynamique.
Tout comme lui, son collègue Janvier Yahouédéou ne jure que par le silence. Ardent défenseur de la bonne gouvernance, ce député a donné du fil à retordre à feu Mathieu Kérékou. Avec Boni Yayi, le divorce est intervenu très vite. Reprenant ses vieilles habitudes, Janvier Yahouédéou a de nouveau adopté une posture d’opposant. Il fait partie de ceux qui ont mené une lutte acharnée contre la révision de la Constitution ces dix dernières années. Mais lorsque ce débat s’est posé il y a tout juste quelques mois par l’instigation de Patrice Talon, il ne s’y est pas mêlé. A contrario, vêtu de son manteau de parlementaire, il a eu le courage d’indexer Boni Yayi comme le principal artisan du scandale « Icc services et consorts ». Soutien de Sébastien Ajavon à la présidentielle de 2016, il est devenu de fait un allié du gouvernement. Est-ce pour autant qu’il faut garder le silence ?
Contrairement à Eric Houndété et Janvier Yahouédéou qui ont de la matière pour se prononcer sur la gestion de la cité et qui choisissent de se défiler, leur collègue commun, Dakpê Sossou semble prendre le relai du contrôle de l’action gouvernementale bien qu’étant un soutien affiché du chef de l’Etat. La nature ayant horreur du vide, c’est l’ancien maire de Lokossa aujourd’hui élu du peuple, qui joue le rôle de prédilection de ces deux collègues. Que s’est-il passé pour que Houndété et Yahouédéou ne veuillent plus se prononcer sur les sujets d’actualité ? Loin de les confiner à une obligation de réserve, le poste électif qu’ils occupent les oblige, tout comme leurs pairs, à animer la vie politique nationale. Peut-être qu’ils ont reculé pour mieux sauter.
Moïse DOSSOUMOU