Presque tous, les maires des 77 communes du Bénin ont déclaré leur soutien au Programme d’action du gouvernement (Pag). Le document qui s’est de boussole à l’action du gouvernement n’impressionne pas que par l’ambition qui y est décrite. Il comporte également un certain nombre de prérogatives dévolues aux communes depuis l’avènement de la décentralisation. Outre le projet Asphaltage qui concerne les cinq communes du Grand Nokoué (Cotonou, Porto-Novo, Ouidah, Sèmè-Podji et Abomey-Calavi), toutes les communes, à la limite, trouvent leur compte dans des projets de bitumage, de pavage ou de reprofilage de voies. Même des projets de construction d’écoles, de marchés et autres, domaines d’intervention par excellence des conseils communaux, se retrouvent dans le Pag 2016-2021. Du coup, c’est le service minimum au niveau des conseils communaux. Désormais, il suffit seulement de déclarer son soutien au Pag pour espérer la réalisation desdits projets dans sa commune. Le reste, les maires peuvent aller dormir sur leurs lauriers. Le Pag est perçu comme une bouée de sauvetage pour des maires qui, difficilement, s’en sortaient avec quelques réalisations. Quel bilan présenté en fin de mandat afin de solliciter à nouveau le suffrage des populations est devenu un souci de moins avec le Pag du gouvernement du Bénin révélé. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que presque aucun maire n’a protesté contre l’accaparement des prérogatives des communes dans le Pag. Seul, l’ancien maire de Cotonou a senti le besoin de rappeler dans ce sens les dispositions de la loi sur la décentralisation et il en a eu pour son compte. Il faut être Léhady Soglo pour ne pas saisir cette perche de la Rupture de présenter à la fin à ses mandants un bilan par procuration. Ses pairs y ont vu une aubaine. Face aux populations, ils pourront désormais justifier leur maigre résultat par la prise en compte de tel ou tel projet dans le Pag.
La décentralisation sous boisseau
Même si c’est le pouvoir central qui décline et met en œuvre la politique du développement au plan national, la décentralisation confère aux communes la réalisation des services sociaux de base au profit des administrés. C’est d’ailleurs pour cela que le terme déconcentration est souvent associé à celui de la décentralisation afin d’amener l’Etat à transférer certaines de ses compétences aux communes plus à même d’apporter des solutions plus rapides et plus efficaces aux préoccupations des populations à la base. Ce faisant, le pouvoir central peut se concentrer sur les problèmes cruciaux de la nation. Seulement, après près de quinze années de décentralisation, on constate que non seulement, la déconcentration n’est pas une réalité mais plus grave, le gouvernement de la Rupture tente d’accaparer les attributions dévolues aux communes. Or, il est connu de tous que trop embrasse, mal étreint. Si en procédant de la sorte, le pouvoir croit contraindre les maires à s’aligner, il ne fera qu’accroître en retour ses propres charges. Car, en fin de mandat, outre la réalisation des 45 projets phares contenus dans le Pag, le gouvernement sera aussi jugé par rapport à la construction d’infrastructures sociocommunautaires, le pavage et le reprofilage de voies, toutes choses auparavant à la charge des communes et que les maires essayaient, tant bien que mal, d’exécuter. Au souci d’exécution des grands projets du Pag, s’ajoute celui des communes. Et lorsque tous ces projets ne seront pas réalisés, les maires, face aux doigts accusateurs de leurs mandants, et, contraints de leur apporter des réponses, n’hésiteront pas en son temps à pointer du doigt le chantre du Nouveau départ.
Bertrand HOUANHO