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Gestion des eaux usées : Cotonou : un égout à ciel ouvert - De la rue à la lagune : un trajet à risques
Publié le vendredi 22 septembre 2017  |  Fraternité
Eaux
© aCotonou.com par DR
Eaux usées, un égout à ciel ouvert à Cotonou




A Cotonou, ville située en dessous du niveau de la mer, les eaux pluviales ne constituent pas à elles seules, une menace pour les populations. Dans cette agglomération urbaine, sans stations d’épuration, il y a pire : la menace des eaux usées.
De loin, un torrent noir, qui ne se distingue de la terre ferme que par les barques qui s’y flottent. De près, un flot intarissable d’eau, charriant toutes sortes de déchets, arrose la berge. Nous sommes à Ahouansori Tokpa, où s’achève, en permanence, une bonne partie des eaux usées de la ville. « C’est des eaux qui viennent aussi bien de Dantokpa que des quartiers voisins. Ça coule tout le temps, avec toutes sortes d’odeur », signale dame Geneviève, vendeuse de riz, installée sur l’une des canalisations qui se vide dans la lagune. Cependant, ce qui inquiète plutôt ces riverains, à l’image de Victor Gbokpon, la cinquantaine, debout sur la berge, les pieds enfoncés dans la boue, c’est l’état de pollution avancée du réceptacle naturel. « A l’école, nous enseignons que la rivière rend content. Eau fraiche, eau transparente, disions-nous. Mais ici, ce temps est révolu. Du fait des eaux sales et des déchets qui s’y déversent, le cours d’eau rend triste », fulmine-t-il.

Et au bout, de la gadoue
Tout au long de ce chenal d’environ 4 km construit à l’époque coloniale pour relier le lac Nokoué à l’Océan Atlantique, les déversoirs ne laissent couler que des eaux noirâtres, chargées de toutes sortes de déchets. Et si pour l’instituteur Victor Gbokpon, ces flots de déchets liquides nuisent à l’écosystème lagunaire, les résultats de plusieurs études effectuées ces dernières années révèlent le pire. Le Professeur Daouda Mama, du Laboratoire d’Hydrologie Appliquée de l’Uac reste préoccupé par cet état de choses. « Les eaux déversées dans les collecteurs sont chargées de phosphate, de minéraux azotés et de matières organiques, d’où la nécessité de les traiter en amont au risque d’assister à l’eutrophisation du Lac », souligne-t-il.

« Et alors ? »
Si visiblement, la lagune est fragile, le volume et le contenu des rejets en sont pour quelque chose. Une remontée des canalisations en direction de la ville permet de comprendre les véritables sources. Les eaux domestiques sont spontanément versées dans les collecteurs, quel qu’en soit le contenu. Une riveraine, en face du marché Dantokpa interpellée ce lundi, pique une de ces colères : « Et alors ? C’est ton problème ? », lance l’une d’entre-elle. Il nous a fallu écourter la discussion, pour éviter ça ne dégénère. Des scènes pareilles, nous en avons constaté plus d’une dizaine en un tour de ville, le long des collecteurs et caniveaux à Akpakpa, Gbégamey, Fifadji, Gbèdjromèdé, Zongo, et Agla.
Pourtant, la Loi-cadre sur l’Environnement interdit de « laisser couler les eaux usées dans le lit ou sur les bords des cours d’eau, lacs, étangs ou lagunes et canaux du domaine public ». Malgré cela, la ville peine à se doter jusque-là d’un système adéquat de gestion des eaux usées. La loi-cadre sur l’environnement et les conséquences d’une mauvaise gestion des eaux usées semblent être le cadet des soucis des Cotonois.

Un véritable casse-tête
Certaines femmes confessent n’avoir pas le choix. C’est le cas de Gertrude, 28 ans, coiffeuse à Ste Rita qui vient de verser dans les caniveaux une eau savonneuse, issue du nettoyage des cheveux à l’une de ses clientes. « A Cotonou ici, tu ne peux pas verser de l’eau dans la Vons sans que les voisins ne s’en plaignent. Il n’y a que dans les caniveaux qu’on puisse les rejeter », affirme-t-elle.
Des eaux usées domestiques, la ville en produit suffisamment avec une consommation moyenne estimée à 80L/jour/habitant, pour une ville d’une population de plus de 679 012 habitants. C’est donc des milliers de mètres cubes d’eau qui pèsent sous les bras des Cotonois, et qui finissent par être déversés en partie dans la nature. « L’eau est une denrée rare et limitée. Cotonou a besoin d’une politique de gestion des eaux usées, prenant évidemment en compte la conscientisation des populations. Bien gérée, elles présentent beaucoup d’atouts, et l’Etat y pense déjà », dévoile Eugène Goutondji, expert en gestion urbaine, Coordonnateur de l’Observatoire Urbain national (Oun). Pour le moment, les bassins et collecteurs construits servent d’abord de points de chute pour les eaux domestiques.

Les puisards, la source des bagarres
A chaque rue correspond donc un égout circonstanciel. Des ménages en sont même arrivés, à se connecter à ces ouvrages par des conduits depuis leurs douches. « C’est plus simple. Les eaux vont directement dans les caniveaux. Cependant, souvent en saison pluvieuse, les conduits refoulent l’eau et nous sommes submergées », confie une sexagénaire, résidant non loin de l’église St Jean-Baptiste de Cotonou. D’autres, dans les Vons, ont construit des puisards à cet effet. Mais, c’est sans compter avec l’état précaire de ces bassins. A Gbégamey, Agla, comme à Cadjèhoun, par exemple, nombreux sont ces puisards qui, soit couverts de dalles ou de tôles, ou à ciel ouvert, laissent couler leurs contenus putrides dans la rue, une fois remplis. « Quand il fait chaud, je ne peux même pas respirer. Ceci est encore mieux par rapport à d’autres dans le quartier. Il y a des maisons où en saison pluvieuse, on ne peut distinguer les eaux pluviales des eaux usées. Et nous marchons dedans, avec tous les risques », témoigne Octave Johnson, résidant non loin du commissariat de Cadjèhoun. Le hic selon ce dernier, c’est l’incivisme de certains ménages qui attendent la nuit profonde pour vider ces fosses.
Des plaintes, Jean-Marc Medatadji, Chef Quartier de Houenoussou, en reçoit presque tous les jours. L’ancien Président de la Fédération de Boxe est parfois débordé. « On a beau sensibiliser, il y en a qui attendent la nuit pour vider leurs puisards dans la rue. Le matin, les autres se réveillent accueillis par des odeurs insupportables. La situation est à telle enseigne que j’ai dû saisir l’arrondissement aux fins de sanctionner désormais les auteurs », explique-t-il.

Abattoir de Cotonou : « Une goutte d’eau dans la mer »
Au-delà des eaux domestiques, la menace des eaux usées qui plane sur la ville se retrouve également dans les conduits de l’abattoir de Cotonou. D’un tuyau, rendu visible par l’érosion sur la plage de Tokplégbé, il coule, à flots intarissables, des affluents brunâtres sur la plage. Et dans l’atmosphère, un relent putride saisit les narines. « Je suis né ici, et la situation perdure depuis lors. Ce sont des eaux qui quittent l’Abattoir. C’est surtout les matins à partir de 5 heures. On a du mal à respirer ici », confie Joseph Donou, riverain.
Installé en 1978, l’Abattoir de Cotonou ne dispose pas d’une station de traitement des eaux usées. C’est une défaillance que reconnait le Responsable de l’Abattoir, Dr Mohamed Sossouhounto : « C’est l’un des problèmes que nous avons en matière d’assainissement. L’abattoir ne dispose pas d’une mini-station de traitement des eaux usées. C’est la canalisation qui les draine vers la mer », explique-t-il. Cependant, il reste contrarié par le fait que les nuisances constatées sur la plage soient attribuées principalement à l’Abattoir. « Les eaux usées de l’abattoir ne sont qu’une goutte d’eau dans la mer. Les gens ne voient pas les eaux qui affluent de la canalisation de la mairie située juste à côté. Je crois que si tout va bien, nous aurons l’année prochaine un nouvel abattoir avec une station de prétraitement des eaux usées », ajoute-t-il.

Eviter la catastrophe
Dans tous les cas, Cotonou n’est pas à l’abri des épidémies hydriques. Le Dr Cyriaque Degbey, assistant du Chef de clinique d’Hygiène Hospitalière au Cnhu de Cotonou propose : « l’Etat et la municipalité doivent prendre leurs responsabilités pour un système d’assainissement plus hygiénique avec des solutions technologiques dont les stations de traitement des eaux usées. C’est nécessaire pour briser le cycle de transmission des maladies hydriques ». Dans le cadre du Pugemu, des jalons été posés. Les études relatives à l’avant-Projet détaillé de la Station de traitement de Boues de Vidange Est et du système d’assainissement des eaux usées de la cité vie nouvelle ont été réalisées. Cotonou attend donc de voir le bout du tunnel, pour se mettre à l’abri d’une éventuelle catastrophe.
Fulbert ADJIMEHOSSOU
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