Les Allemands votent ce dimanche pour des législatives qui devraient déboucher sur la réélection de la chancelière et une percée historique de l'extrême droite.
Angela Merkel devrait rempiler pour un quatrième mandat à la chancellerie à l'issue des législatives de ce dimanche en Allemagne. Selon toute vraisemblance, ces dernières devraient également se traduire par une percée historique de la droite populiste et nationaliste.
Depuis l'ouverture des bureaux de vote à huit heures, quelque 61,5 millions d'électeurs répartis en 299 circonscriptions ont jusqu'à 18 heures pour élire leurs députés, selon un mode de scrutin mêlant principes majoritaire et proportionnel. Dès la fin du vote, des sondages doivent donner une indication claire des rapports de force au prochain Bundestag, une estimation qui s'affinera tout au long de la soirée.
À moins d'une énorme surprise, impliquant que toutes les enquêtes d'opinion se soient trompées, le camp conservateur CDU-CSU d'Angela Merkel devancera (34-36 %) l'ex-président du Parlement européen Martin Schulz, chef des sociaux-démocrates du SPD (21-22 %). Ce dernier risque donc un score historiquement bas et une quatrième défaite de rang après avoir peiné à se poser en porteur de changement, son parti gouvernant avec Mme Merkel depuis 2013. Son appel à plus de justice sociale n'a guère pris dans un pays en pleine croissance avec un chômage au plus bas.
»Merkel est fatiguée, mais elle va gagner »
La chancelière a, elle, fait campagne pour la continuité d'une Allemagne prospère, un message destiné à rassurer face à des électeurs déstabilisés par les crises du monde et les succès de Donald Trump et du Brexit. Sous un épais brouillard et une fine pluie, Wolfang Lange, 75 ans, habitant d'un quartier populaire de l'est de la capitale en est convaincu: « Merkel est fatiguée mais elle va gagner ».
Il était le premier à glisser son bulletin dans l'urne dès l'ouverture à huit heures de son bureau de vote situé dans une école entre de hautes tours d'immeubles. Un quartier où les partis extrêmes ont raflé près de la moitié des suffrages lors d'une élection locale l'an dernier, près de 27 % pour la gauche radicale et plus de 19 % pour la droite nationaliste. « Le plus important pour moi, c'est la paix et le combat contre les inégalités sociales. Mais est-il normal que, malgré nos petites retraites, nous soyons taxés autant ? » accuse le retraité, regrettant que ces thématiques n'aient pas joué une place centrale dans la campagne.
« Burqas ? On préfère les bikinis. »
Les extrêmes pourraient, eux, représenter finalement un quart de l'électorat, réparti entre Die Linke à gauche et l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) à droite. Les nationalistes de l'AfD se préparent en particulier à un « miracle bleu », la couleur du parti, en visant une entrée en force à la Chambre des députés avec un score sans précédent pour une telle formation depuis 1945. Crédité de 11-13 % par les instituts de sondage, il se classe troisième, devant la gauche radicale, les libéraux du FDP et les Verts. En 2013, il avait échoué à atteindre le seuil de 5 %.
L'AfD, mouvement anti-islam, anti-élite, anti-euro et anti-immigration particulièrement fort en ex-Allemagne de l'Est, n'a cessé de radicaliser son discours durant la campagne, proclamant par exemple que « l'Allemagne (était) devenue un refuge pour les criminels et les terroristes du monde entier », ou le droit d'être fiers des soldats allemands des deux derniers conflits mondiaux. « Beaucoup les caricaturent sans avoir lu leur programme. Mais ils restent dangereux et j'espère qu'ils obtiendront le moins de voix possible », affirme Wolf Herbert, 37 ans, casquette vissée, en sortant d'un bureau de vote au sud-est de Berlin.
Un voeu également partagé par l'étudiante en droit Sabine Maier, pour qui l'AfD « flirte avec l'anticonstitutionnalité et est trop extrême ». Pourtant, elle estime que « tous ne sont pas des fascistes. Les médias en font beaucoup sur eux et laissent parler ceux qui gueulent plus fort, et donc les plus limites ». Avant d'enfourcher son vélo, elle se retourne et baisse les yeux en voyant justement un grand panneau électoral de l'AfD sur lequel deux femmes se promènent en maillot sur une plage. Le slogan : « Burqas ? On préfère les bikinis ». « Parfois, ils vont quand même trop loin », soupire-t-elle, avant d'aller assister au marathon dans le centre de Berlin « pour se changer les idées ».
Merkel taxée de « trahison »
Cible préférée de l'AfD : Angela Merkel, taxée de « trahison » pour avoir ouvert le pays en 2015 à des centaines de milliers de demandeurs d'asile majoritairement musulmans. La chancelière de 63 ans s'est d'ailleurs fait régulièrement siffler et conspuer par des perturbateurs lors de ses meetings électoraux.
Cette percée à la droite de la droite, très populaire notamment dans l'ex-Allemagne de l'Est, constituerait un séisme pour un pays dont l'identité d'après-guerre repose largement sur la repentance pour le nazisme et le rejet de l'extrémisme. Selon Jörg Forbrig, du German Marshall Fund, l'arrivée en nombre de députés d'un parti « xénophobe, révisionniste et anti-européen » est « le plus grand test de résistance auquel la démocratie allemande a jamais été confrontée ». « S'ils entrent dans l'opposition, ils ne feront pas grand-chose », prédisait pour sa part Harald, agent de sécurité de 66 ans rentrant d'une nuit de travail à Francfort (Ouest), qui hésite encore entre SPD et FDP.
Quelle coalition ?
Outre la percée de l'AfD, Angela Merkel risque d'être confrontée à des négociations compliquées pour former une majorité au gouvernement. L'option la plus simple serait de reconduire la grande coalition avec les sociaux-démocrates. Mais le SPD, en pleine crise existentielle, pourrait préférer se ressourcer dans l'opposition. À en croire les sondages, une seule possibilité resterait alors : une alliance de la CDU-CSU avec le FDP et les Verts. Mais les divergences entre écologistes et libéraux sur l'avenir du diesel ou l'immigration promettent d'être très compliquées à gérer.
Les couleurs de la prochaine coalition auront une importance capitale pour une série de sujets brûlants sur la scène internationale comme les réformes de la zone euro, la négociation du Brexit, l'avenir de la relation transatlantique sous la présidence Trump ou encore la question des sanctions imposées à la Russie.