La danse contemporaine se construit au Bénin avec l’engagement de jeunes danseurs d’exister. Des efforts qui demeurent toutefois insuffisants.
Le secteur de la danse contemporaine connaît au Bénin un timide essor avec l’engagement de certains professionnels d’exister malgré le manque de structuration le caractérisant.
Il y a une dizaine d’années, il a connu ses débuts sous l’impulsion de Kettly Noël, chorégraphe haïtienne ayant organisé des résidences de formation et de création à l’intention de passionnés de cette discipline alors inexistante. Une initiative qui a révélé un groupe de jeunes danseurs tels que Clément Cakpo, Awoulath Alougbin, Etienne Acakpo, Médard Sossa et Solange Adéyè qui ont entretenu la flamme d’éclosion de cette discipline dans le pays.
Au-delà de la danse traditionnelle et sa version modernisée que présente généralement le ballet national, la danse contemporaine s’est construite avec la volonté des acteurs d’en faire une discipline artistique à part entière, la mise en place de compagnies dont l’essentiel des activités est consacré à la valorisation de ce secteur et l’organisation de quelques manifestations.
Dans un environnement où la création en matière de danse contemporaine est la chose la moins visible, certaines initiatives ont vu le jour avec l’association Oriculture de Florent Eustache Hessou, de par sa section de danse dénommée « Ori Dance », la compagnie Walô de Rachelle Agbossou, ancienne danseuse du ballet national, l’association Richculture de Richard Adossou, danseur du ballet national, le Centre Multicorps de Marcel Gbeffa qui s’est illustré avec sa participation aux derniers Jeux de la Francophonie à Abidjan, le Centre Art & Mouvement Academy (AMA) de Valérie Fadonougbo et les associations Ori Art de Yann Gbédji et Street Motion School de Kévin Adjalian, tous deux spécialistes de danse urbaine, break-dance et de hip hop.
Véritables creusets d’échanges et de formation d’acteurs, ces compagnies ont marqué par ailleurs l’univers de la danse en initiant des rencontres entre professionnels pour booster le secteur.
Organisation d’ateliers de formation à leur intention et d’évènements dédiés à la danse et quête de partenariats Nord-Sud à travers des échanges entre professionnels locaux et ceux d’horizons divers, sont entre autres les activités promues par ces compagnies dont le souci est de professionnaliser la danse au Bénin.
Plus qu’une opportunité pour les danseurs de s’aguerrir au contact des professionnels et de publics différents, des rencontres telles que « Seul sur scène » organisé par l’association Oriculture et ‘’Dansons maintenant’’ de la Fondation Zinsou ont favorisé la mise en place d’une tribune d’expression des différents acteurs. Mais, elles se sont malheureusement étiolées au fil du temps. Laissant place aujourd’hui à d’autres initiatives qui ne tarderont pas à connaître le même sort.
Ces manifestations auraient pu gagner en consistance et en qualité organisationnelle si un effort est fait dans leur accompagnement.
Dans son rapport sur l’état des lieux de ce secteur, le Programme de soutien aux initiatives culturelles décentralisées (PSICD) financé, il y a quelques années, par l’Union Européenne (UE) a noté également que l’une des caractéristiques de ce secteur est l’absence d’une collaboration entre les danseurs et chorégraphes professionnels béninois résidant à l’extérieur et ceux exerçant au pays. En dépit des efforts déployés parfois pour la valorisation de la danse contemporaine, ils ne font pas assez profiter les générations présentes au Bénin de l’expérience qu’ils ont accumulée.
En dehors des activités de Koffi Kôkô, professionnel de la danse résidant en France et Germaine Acogny, professionnelle de la danse d’origine béninoise exerçant au Sénégal, aucune autre initiative visant une collaboration d’intérêt artistique n’a été enregistrée. Le premier s’est illustré en réunissant à Abomey pendant trois mois une vingtaine de jeunes danseurs parmi lesquels il a eu à sélectionner sept pour le spectacle « Les feuilles qui résistent au vent » avec lequel il a tourné en Allemagne, au Brésil, en Colombie etc.
La seconde ne manque pas d’accueillir de jeunes danseurs béninois dans son centre dénommé ‘’L’école des sables’’ à Dakar pour des sessions de renforcement de capacités dont l’impact se ressent encore sur les créations locales.
De telles initiatives devraient être rééditées d’autant plus que non seulement elles renforcent les capacités des acteurs du secteur, mais en outre elles leur donnent l’opportunité de confronter les expériences à d’autres techniques.
Mauvaise infortune
Presque vingt ans après avoir vu le jour au Bénin, le secteur de la danse contemporaine souffre d’un manque de structuration préjudiciable à son plein essor.
« La danse au Bénin est comme une discipline inexistante ou sans aucune valeur aux yeux des autorités politico-administratives. J’en veux pour preuve, l’absence des danseurs ou compagnies aux rendez-vous chorégraphiques même de la sous-région, faute d’accompagnement dans l’achat de tickets de bus ou billets d’avion, pendant que les autres pays envoient plusieurs délégations de danseurs sur une seule plateforme », se désole Rachelle Agbossou.
Parler de structuration du secteur de la danse alors que celui des arts en général ne l’est pas, c’est une autre paire de manches, selon cette professionnelle qui a remis au goût du jour en 2005 la célébration de la Journée internationale de la danse, le 29 avril de chaque année. « Il faudra qu’il y ait un statut de l’artiste, que chaque artiste quelle que soit sa discipline ait une carte professionnelle, une structure ou une direction qui défende ses droits », ironise-t-elle.
Pis, le peu d’intérêt que l’on note de la part du public pour la discipline n’est pas pour encourager les acteurs en dépit de leur optimisme quant à la place de la danse dans la promotion de la culture béninoise.
« Outre l’absence d’un accompagnement de l’Etat, le public ne croit pas à la danse alors qu’elle est un élément fondamental de la culture. Avec l’environnement actuel il est difficile de vivre de son art. En tant qu’acteur, vous êtes mal vu parce que la danse est considérée comme un genre mineur », renchérit Richard Adosso.
Des conditions de travail, point n’est besoin d’en dire davantage tant l’on déplore l’incertitude régnant dans le secteur. N’ayant pas fait une école de danse ou d’art, les danseurs ont fait leurs armes au sein de troupes, véritable creuset de formation où la pratique est vécue quotidiennement. A l’aune des rencontres et autres stages aussi bien au plan national qu’à l’extérieur, les capacités des uns et des autres ont été renforcées.
Assez passionnés, les acteurs ne ménagent guère leur effort pour s’illustrer, résistant à la mauvaise passe et à l’infortune.
« Nous n’allons pas changer de profession parce que l’Etat refuse de nous accompagner. Il y a heureusement encore en ce bas-monde des personnes et structures qui accordent encore de la valeur à la chose artistique aussi bien au Bénin qu’en dehors du pays. Les professionnels toujours à l’œuvre puisent dans leur passion pour continuer à faire des créations », se satisfait Rachelle Agbossou.
Avec une grande variété de danses traditionnelles liées aux communautés culturelles présentes, le pays regorge d’énormes potentialités dont s’inspirent les professionnels pour nourrir leur sens de créativité.
« La danse est une discipline assez passionnante qui pourrait connaître ses grands moments au Bénin si l’on s’appuyait sur le vivier que constitue la tradition », défend fièrement Marcel Gbeffa, acteur majeur du secteur de la danse mais peu connu du public de son pays à l’instar de tous les autres talents de la discipline.