Considérés au moment des Printemps arabes comme les porte-voix des aspirations démocratiques dans le monde, Facebook et Twitter sont aujourd’hui accusés par beaucoup de servir de plateforme de désinformation et de nuire à la démocratie.
En particulier depuis que Facebook a indiqué que des intérêts russes avaient financé des messages promotionnels sur le réseau au moment de la campagne électorale américaine de 2016, les coups pleuvent sur le géant de la Silicon Valley, ainsi que sur Twitter, qui a fait part jeudi de révélations similaires et ce, bien que les deux groupes jurent régulièrement vouloir protéger la démocratie.
Sous pression, les deux groupes ont accepté de collaborer avec le Congrès et la justice, qui enquêtent sur une possible ingérence russe dans le scrutin remporté par Donald Trump. Le Kremlin a nié plusieurs fois ces accusations.
Selon la presse, Google est aussi en train d’examiner si ses services ont pu être utilisés par des intérêts russes pour interférer dans la campagne.
«Les deux services sont mûrs pour être détournés et manipulés par toutes sortes de gens peu fréquentables, notamment des services de renseignements hostiles», pense Andrew Weisburd, de l’Alliance for Securing Democracy («Alliance pour la sécurité de la démocratie»), créée cette année par des chercheurs européens et américains, inquiets de ce qu’ils considèrent comme des tentatives de Moscou pour saper la démocratie.
«Ce que nous avons vu de la part du Kremlin ces dernières années est directement un avatar de ce qu’ils ont fait au peuple russe dans le but de maintenir (le président Vladimir) Poutine et ses copains au pouvoir», dit encore M. Weisburd.
Pour le chercheur Tim Chambers, la prolifération des systèmes automatisés --les «bots»-- destinés à propager certains sujets, comme ceux qui furent utilisés en 2016, sont dangereux.
«Ils font de fausses signatures de pétitions. Ils trompent les sondages et les moteurs de recherche», écrit M. Chambers dans un article pour le New Policy Institute, organisation marquée à gauche.
Ils «créent l’impression qu’il y a un réel soutien profond, positif et durable, pour un candidat, une cause, une politique ou une idée. Ce faisant, ils représentent un réel danger politique et social pour notre pays», dit-il encore.
Une étude de l’Université d’Oxford publiée en juin affirme que des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, destinés à l’origine à être des plateforme de liberté d’expression, «sont aussi devenus des outils de contrôle social» dans de nombreux pays.
Des gouvernements emploient de très nombreuses personnes pour «créer des contenus, influencer l’opinion et interagir avec le public dans leur pays ou à l’étranger», indiquait cette étude portant sur 28 pays, concluant que «tous les régimes autoritaires font des campagnes via les réseaux sociaux à destination de leur propre population».
- «1984» -
Zeynep Tufekci, sociologue à l’Université de Caroline du Nord (est des Etats-Unis) spécialisée dans l’étude des mouvements militants et des réseaux sociaux, explique que ces plateformes qui ont aidé les Printemps arabes sont désormais utilisés contre les dissidents.
«Ce n’est pas nécessairement +1984+, de (George) Orwell», écrit-elle dans son ouvrage «Twitter et le gaz lacrymogène: comment les médias sociaux ont changé la contestation pour toujours».
«Plutôt qu’un totalitarisme complet fondé sur la peur et le blocage de l’information, les nouvelles méthodes s’emploient notamment à diaboliser les médias en ligne et à mobiliser des armées de soutiens ou d’employés payés pour noyer les médias en ligne avec de la désinformation, un trop-plein d’informations, du doute, de la confusion, du harcèlement et de la diversion», dit-elle.
Pour Andrew Weisburd, les réseaux sociaux «sont largement exempts de toute responsabilité» d’un point de vue juridique.
Mais «devant le tribunal de l’opinion publique, c’est une autre affaire. Et les autorités américaines pourraient un jour légiférer si (les réseaux sociaux) ne s’attaquent pas au problème de façon pertinente», pense le chercheur.
Attention à ne pas idéaliser ou diaboliser les réseaux sociaux, prévient Emily Parker, auteur d’un livre sur le sujet.
«Les médias sociaux ont toujours été une arme à double-tranchant», dit-elle, soulignant que certains régimes autoritaires censurent internet, preuve qu’ils craignent aussi que ce dernier menace leur pouvoir.
AFP