Il était temps. La minorité parlementaire est sortie de sa torpeur. Après avoir fait échouer in extremis le 4 avril 2017, le projet de révision constitutionnelle, les députés qui ne partagent pas la vision du gouvernement, ont donné leur langue au chat. A l’Assemblée nationale, on ne les entendait plus vraiment. La création du Bloc de la majorité parlementaire (Bmp), intervenue peu après le vote historique du 4 avril dernier, faisait croire que l’opposition n’avait plus droit de cité à l’hémicycle. Ces derniers mois, en dépit des divergences d’opinions des députés, l’Assemblée nationale donnait l’impression d’être une caisse de résonance du gouvernement. C’était sans compter avec la détermination d’un nombre restreint d’élus du peuple, qui jusqu’à preuve du contraire, n’ont pas retourné leur veste. Ils ont le mérite de faire retentir un autre son de cloche dans un environnement apparemment acquis au pouvoir.
Le vendredi 28 septembre dernier, le silence de la monotonie a été rompu par une déclaration plutôt osée. Du haut de la tribune, Justin Adjovi, au nom de ses 23 collègues de la minorité parlementaire, a été on ne peut plus acerbe contre le régime de Patrice Talon. Le député s’est notamment insurgé contre les « conflits d’intérêts au sommet de l’Etat », du « limogeage et de la traque des responsables syndicaux », « de l’acharnement politique contre les maires » et des « redressements fiscaux sélectifs ». La minorité parlementaire a, par ailleurs, enfoncé le clou en dénonçant « la vassalisation de l’Assemblée Nationale qui se manifeste entre autres par la mise entre parenthèse de son règlement intérieur » et « les nombreux ateliers d’imprégnation des députés sur instigation du gouvernement, sur des textes qui ne sont pas introduits à l’Assemblée Nationale ».
Dans le même registre des dénonciations, Justin Adjovi, porte-parole de ses pairs a qualifié de « complot contre le peuple », « la révision du code électoral qui se prépare en catimini » par certains de ses collègues députés. Tout comme le parlement, le gouvernement en a également eu pour son compte. Le bloc de la minorité parlementaire s’est plaint de « l’accentuation de la pauvreté » alors que le cap devait être mis sur sa réduction. « Les déguerpissements sauvages » des populations des sites de leurs activités économiques et les « licenciements en masse » n’ont pas été occultés. Les membres de la minorité parlementaire n’ont pas du tout été tendres vis-à-vis du gouvernement dont la gestion est peinte en noir. Un nouveau vent souffle sur l’hémicycle et il faut espérer que la contradiction soit désormais de mise dans cette enceinte où la pluralité des opinions est la règle.
A cette sortie officielle du bloc de la minorité, doivent succéder plusieurs autres actions. C’est bien beau de critiquer. L’opinion publique avait grand besoin d’un autre son de cloche dans cet océan d’unanimisme. Maintenant que les hostilités sont, pour ainsi dire, déclenchées, ce creuset est appelé à démontrer que la sortie du vendredi dernier n’est pas le fruit du hasard. Les Béninois veulent sentir davantage la présence de ces 23 députés lors des débats parlementaires. Leur mérite sera d’autant plus grand si, en plus des dénonciations, ils font des propositions au gouvernement. En effet, la quête de tout groupe d’opposition, c’est la conquête et l’exercice du pouvoir. A eux de prouver à leurs mandants qu’ils maîtrisent les sujets sur lesquels ils opinent en indiquant la voie au gouvernement toutes les fois qu’ils ont l’impression que le pouvoir se trompe de chemin. Désormais, les populations les ont à l’œil.
Moïse DOSSOUMOU