Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste, l’Arcep-Bénin a pour principales missions la veille concurrentielle, la gestion des autorisations, des ressources rares (fréquences, numérotation…) puis la protection des consommateurs dans les secteurs de la téléphonie fixe, de l’internet, de la téléphonie mobile et tous les services postaux. Dix (10) ans de régulation pour la satisfaction des intérêts de chacun des acteurs du secteur, c’est aussi 10 ans au service de développement. Mais face aux grognes et plaintes persistantes quant à la qualité des services et aux coûts des offres proposés par les fournisseurs de ces services relatifs aux télécommunications et aux technologies de l’information et de la communication (Tic), les gros efforts du régulateur sont souvent mal perçus voire incompris. Et pourtant… !
Autrefois, c’était l’Autorité transitoire de régulation des postes et télécommunications (Atrpt), institution publique, créée sur la base de l’Ordonnance N°2002-002 du 31 janvier 2002 et par Décret N°2007-209 du 10 mai 2007, pour assainir le secteur des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication (Tic) au Bénin.Luc Boko, Directeur des marchés et de la prospective au Secrétariat exécutif de l’Arcep-Bénin fait la genèse :« Il faut reconnaitre que jusqu’en 2006 (…), chacun des acteurs a eu son ticket d’entrée, c’est-à-dire la licence, dans des conditions très peu transparentes (…). Quand l’Etat a fait le constat des coûts de licence très faible payés par ces opérateurs comparé à la moyenne de la sous-région, il a été procédé à une revalorisation du coût de la licence qui est passé à 30 milliards FCfa (…). Ainsi, le gouvernement a mis en place l’Autorité transitoire de régulation (…) en 2007». Face aux réalités, l’Atrpt va se métamorphoser en 2014 avec le vote par l’Assemblée nationale de la loi 2014-14 du 9 juillet 2014 relative aux communications électroniques et à la poste qui a consacré la mise en place de l’Arcep-Bénin.
De la mission de contrôle et de régulation… aux acquis
Dès sa mise en place,l’Arcep-Bénin,sur les traces de l’Atrpt,va poursuivre la mission en précisant aux opérateurs, entre autres, les conditions de renouvellement de la licence, les normes techniques de l’Union internationale des télécommunications (Uit) et de l’Institut européen des normes de télécommunications (Etsi) à respecter en matière de qualité, de coûts de services de télécommunications, le mécanisme de couverture du territoire national et les sanctions au non-respect des dispositions du cahier des charges et de la licence. Cependant, s’il est une évidence que dans ses missions de régulation, l’Arcep s’intéresse plus aux Gsm vu le chiffre d’affaires que génèrent ces opérateurs, il n’en demeure pas moins qu’une attention est accordée aux autres acteurs du secteur. « Par rapport à l’internet, le défi majeur c’est d’amener la connexion internet, le très haut débit à toute la population où qu’elle se trouve. (…). S’agissant du coût, l’Arcep vient de faire la mise à jour de son modèle de calcul des coûts avec un accent particulier sur la structure des coûts du service Data (…) Avant, si mes souvenirs sont bons, on nous vendait 1Go à 7000f mais aujourd’hui vous pouvez avoir 1, 5 Go à 5000f », souligne le Directeur des marchés et de la prospective à l’Arcep-Bénin qui en a profité pour faire savoir que des actions sont aussi en cours dans le secteur de la poste pour sensibiliser ceux qui sont dans l’informel afin qu’ils se conforment à la règlementation. Pour mener à bien ses missions, l’Autorité de régulation, dans une approche pédagogique, prend des décisions exécutoires qui impactent positivement le développement du secteur. Aux yeux du consommateur, ces décisions sont des baromètres importants. Dans le Rapport bilan Atrpt 2007-2011, de mars 2007 à décembre 2011, on peut dénombrer 390 décisions relatives entre autres à l’attribution des ressources en numérotation, l’attribution des ressources en fréquences, la régulation des marchés du secteur des communications électroniques, les mises en demeure, Idem pour les années suivantes où en 2016 par exemple, l’Arcep, sur la base de plaintes, a procédé à différents contrôles (planifiés et inopinés) sur les 4 réseaux mobiles sur toute l’étendue du territoire (Arcep-Bénin, Rapport d’activités 2016). Robin Accrombessi, président de l’association La Voix des consommateurs dresse une liste non exhaustive d’autres actions au-delà de la communication entre réseaux et la tarification à la seconde qui sont des acquis: « (…) en mai 2015, sous la pression de notre organisation (…), l’Arcep(…) a sanctionné les opérateurs Mtn et Moov qui ont été contraints de restituer des crédits (…) c’était une première (…). Le 5 juillet 2017, nous allions vers un boycott et une marche sans répit contre les opérateurs Gsm, et six jours avant, l’Arcep a pris une décision de sanction pour 523 millions contre Mtn et Glo et c’est allé directement au Trésor public (…). Il faut aussi ajouter qu’il y a eu le 131, le numéro vert à l’endroit des consommateurs sans oublier les nombreux renforcements de capacités techniques des associations de consommateurs qui nous ont permis d’éduquer davantage les consommateurs… ». A lumière de tout ce qui précède, nul doute que l’Arcep fait un travail titanesque au point où « le Bénin pratique aujourd’hui les tarifs les moins cher de la sous-région », a mentionné Luc Boko. Et c’est à juste titre, qu’engagée dans la démarche qualité orientée satisfaction clients l’institution a décroché la Certification Iso 9001 version 2008 puis Iso 9001 version 2015. « (...) C’est une raison de plus pour que tous les acteurs qui gravitent autour de l’Arcep soient rassurés du travail qui s’y fait ». En dépit de cette assurance du Dmp, Luc BOKO, il reste à faire au regard des préoccupations dans le rang des consommateurs, opérateurs de téléphonie et des Fai.
L’Arcep face aux prochains défis du secteur
« (…) L’Arcep n’a pas pu encore corriger les dérives constatées et dénoncées. Nous pouvons alors dire qu’elle ne joue pas pleinement son rôle… Qu’elle puisse passer à la sanction effective… ». A l’instar de Nicholas Mattofi, Entrepreneur en Bâtiments et travaux publics, l’instituteur Serge Sicca a les mêmes appréhensions. Mais lui estime que le régulateur doit organiser « des journées de lutte contre les mauvais services rendus par ces opérateurs » afin que les consommateurs puissent se faire entendre. Pour Robin Accrombessi, cette façon de voir les choses par la majorité des consommateurs est légitime pour autant que l’Arcep ne communique pas assez sur ses activités. « Il faut que l’Arcep comprenne à des moments donnés qu’ayant les moyens, elle doit pouvoir les mettre à disposition des associations des consommateurs pour aller sur le terrain faire le travail de sensibilisation », a-t-il martelé. Du côté des opérateurs et Fai, on salue les compétences et les efforts de l’Arcep mais sans occulter les problèmes spécifiques. Armand Tchémadon est le Responsable commercial et marketing à Sud Telecom Solutions : « (...) sur le volet internet par exemple, la concurrence déloyale persiste avec des opérateurs Gsm qui proposent des offres normalement réservées aux Fai. (…) sur la transmission des données, la Data, on note également une concurrence toujours avec ces opérateurs; ce qui fait que les mêmes clients sont partagés entre Fai et Gsm…». Pour Jean-Claude Akogbeto, Responsable régulation-conformité à Mtn Bénin, la véritable question à régler, c’est la question de l’infrastructure et du coût de l’accès à la fibre. Cela pourra contribuer à baisser drastiquement les tarifs pratiqués, soutient-il. Et quelle Arcep pour mieux faire face aux défis du secteur et surtout satisfaire les itérêts divegents de l’Etat, des opérateurs et du consomateur? Jean-Claude Akogbeto : « Pour moi, dès lors qu’on a établi les grandes règles et qu’on s’est assuré qu’il y a deux ou trois opérateurs qui peuvent assurer la concurrence, on devrait laisser le marché régler la question de la concurrence (…) ». Et le modèle-type d’Arcep dont il rêve, c’est celle-là qui priorise la régulation ex post et non ex ante comme c’est le cas au Bénin où le régulateur passe au contrôle toute offre avant son lancement. Le Fournisseur d’accès internet, Sud Telecom Solutions, par la voix de son Directeur général, Carl Aniambossou propose à son tour :« (…) C’est vrai que l’Arcep a pris l’initiative de segmenter le marché (…) et se bat contre les mastodontes du secteur, mais parfois on a l’impression qu’elle a les pieds lourds. Plus d’autonomie décisionnelle de l’Arcep serait mieux. Mais est-ce possible puisqu’elle n’est qu’un organe du gouvernement ? Je ne vois pas le côté punitif du gendarme mais plutôt le côté organisationnel… ». Et de poursuivre: « ...vivement le nouveau cahier de charges qui semble être plus réaliste et permet l’équilibre. Ce cahier de charges correspond aux Fai ». Même point de vue sur le volet autonomie du régulateur avec le président de ‘’La voix des consommateurs’’ qui souhaite qu’on sorte « l’Arcep de la tutelle du chef de l’Etat… ».
« Faire de l’Arcep-Bénin une institution de régulation forte et de référence qui favorise le développement d’une économie numérique au Bénin ». A l’Arcep, on est bien conscient que ce leitmotiv et surtout la vision du gouvernement à travers son programme d’action(Pag), dont l’objectif est: «Positionner le Bénin comme la plateforme des services numériques en Afrique de l’Ouest et utiliser les Tic comme catalyseur d’accélération de croissance et d’inclusion sociale» à l’horizon 2021, ne pourront être concrétisés sans la prise en compte des défis du secteur. Mesurant l’enjeu, l’Arcep s’affaire déjà pour actualiser son plan stratégique 2018-2021 avec un accès particulier sur le renforcement des capacités du personnel « très jeune et très dynamique ». Et, au-delà du Centre de contrôle et de gestion des fréquences de Hêvié, du Centre de gestion du trafic et des équipements de contrôle de la qualité dont elle dispose, « l’Arcep a en projet d’acquérir, dès l’année prochaine, les outils de contrôle de suivi de la qualité de services en temps réel », rassure Luc Boko.
Adékin Jacques BOCO
Les Ce en chiffres
De la régulation et de la saine concurrence qui se mènent dans le secteur des Communications électroniques (Ce) se dégagent les statistiques suivantes :
* Marché de la téléphonie fixe
L’opérateur historique Benin Telecoms (Benin Telecoms + Benin Telecoms Infrastructures).
* Marché de la téléphonie mobile
Après la révocation de la convention de Bbcom(conseil des ministresdu 02 août 2017), 04 opérateurs mobiles animent désormais le marché: Libercom, Glo Mobile Bénin,Spacetel Bénin (Mtn) et Etisalat Bénin (Moov).
* Marché de l’Internet
- L’internet haut débit fixe : Bénin Telecoms et 10 Fai à savoir : Isocel Sa, Oti Sa, Canalbox Bénin, Univercell Sa, Alink Telecom Sarl, Jenny Sas, Sud Telecom Solutions Sarl, Marlan’sTelecoms, Firstnet Sa et Abc Corporation Sarl.
-L’internet haut débit mobile :Mtn et Moov.
* Parc (nombre) global d’abonnés actifs mobiles en 2016 : 8, 8 millions avec une concurrence non réelle entre un duopole Mtn et Moov
* Chiffres d’affaires du secteur : 296 milliards FCfa en 2016 contre 289 milliards en 2015.
* Investissements par an :Environ 40 milliards de FCfa
* L’ensemble des contributions des opérateurs au financement de l’Etat: 91,14milliards de FCfa en 2016 contre 89,61milliards de FCfa en 2015.
* Taux de pénétration internet : 33,08% au 31 mars 2017 contre 25,17% en 2016.
* Pénétration du Mobile Payement : 23,6% en 2016 contre12%en 2014 avec un volume des transactions estimé à plus de 250 milliards de FCfa en 2016 contre 205 milliards en 2015.
* Emplois directs opérateurs de téléphonie et Fai : 1610 au 31 décembre 2017.
Source : Arcep-Bénin