Des forces politiques béninoises se bousculent au fil des jours pour clamer leur soutien au Président Talon et aux réformes qu’il entreprend depuis qu’il préside aux destinées du Bénin. Députés, partis, mouvements et personnalités politiques diverses chantent à l’unisson les « exploits » du chantre de la Rupture. Parfois, avec excès. Tant de bruits et de soutiens à un seul homme pour des raisons bien curieuses et diverses.
Epiphane Quenum a rejoint la vague, le samedi 30 septembre dernier, en proclamant haut et fort son allégeance à Patrice Talon. Président du Rassemblement pour la Démocratie et la République (RDR), il a mobilisé autour d’un congrès extraordinaire tenu au palais des sports à Kouhounou, du grand monde pour annoncer la nouvelle. « Je ne suis pas du régime de la Rupture, mais je voudrais vous dire que ce qui se passe est bon », a-t- il tonné. Cet ex-préfet sous Yayi, anciennement député à l’Assemblée nationale, rejoint ainsi le camp élargissant qui se constitue autour de Talon. Quelques jours plus tôt, un forum des cadres des partis et mouvements politiques composé majoritairement des formations politiques du nord et du centre du Bénin, sous l’égide de Fard-Alafia, ont aussi lancé une action de regroupement politique qui laisse déceler un autre soutien de taille à Talon. Puisque les ténors, au nombre desquels, Rachidi Gbadamassi, Robert Gbian, Adam Bagoudou, Barthélémy Kassa et autres, ont très tôt affiché leur intention de ne point aller contre les actions du régime de la Rupture.
Si Patrice Talon a ses soutiens de première heure et ceux non moins négligeables, regroupés au sein de la Coalition de la Rupture au fort de la présidentielle 2016, il est devenu depuis peu comme l’aimant national qui attire tout vers lui. Le week-end qui s’annonce, il n’est pas exclu que d’autres déclarations de soutiens se manifestent encore, comme celle presque certaine de l’Union pour le Développement d’un Bénin Nouveau (UDBN) de l’honorable Claudine Prudencio, qui ne s’est pas attardée, il y a plusieurs semaines déjà, à se rallier au Bloc de la Majorité Parlementaire. Voici en effet l’autre machine politique, constituée d’une soixantaine de députés, qui ratisse large, au fil des jours, avec de nouvelles adhésions, comme celle récente de l’honorable Edmond Agoua, influent homme politique des Collines. Et si dans cette gibecière parlementaire dont se galvanise Talon pour renforcer son poids politique national, avec presque tous les dinosaures du monde politique béninois, tels que Bruno Amoussou, Adrien Houngbédji, Idji Kolawolé et autres, on peut en déduire que le Chef de l’Etat fait fort sur le marché politique béninois. IL en est de meilleur encore pour lui, avec les crises qui secouent deux grands partis politiques nationaux, à savoir la Renaissance du Bénin (RB) et le Parti Social Démocrate (PSD), dont des leaders et membres influents se sont mis de côté pour converger vers le même Patrice Talon et ne cachent aucunement leur choix.
Mieux encore, si le vent de destitution qui balaie plusieurs mairies du Bénin, ne prend pas visiblement son envol des arcanes du pouvoir, il semble ne pas être entièrement fortuit, d’autant que les nouveaux maires qui s’élisent se montrent déjà tous bienveillants au régime de la Rupture.
Il ne reste dans le lot que quelques rares formations politiques comme la RB, le PSD, l’alliance FCBE dont des ailes en disgrâce avec le pouvoir, s’échinent à garder leur ligne de départ et à s’investir dans une opposition encore fébrile.
Tout ceci, à quel prix !
Quand tant de soutiens s’extériorisent pour le même homme, il y a de quoi se poser des questions. Et il en existe bien évidemment des réponses, aussi variées que multiples. Patrice Talon est après tout un Chef d’Etat, disposant des pouvoirs discrétionnaires de décisions, de nominations et sur diverses promotions convoitées par ces nombreux soutiens. Si dans plusieurs des cas, ce sont des actes politiques visant à protéger et à conserver des intérêts, postes électifs et autres acquis, il y a aussi ceux qui ont des soucis liés à des gestions antérieures peu orthodoxes d’affaires publiques qui pourraient les rattraper. Il y a également ces partis politiques qui ont fait de longues expériences d’opposants contre des régimes antérieurs et qui se sont ravisés aujourd’hui.
Dans le cheminement de l’expérience démocratique béninoise en cours depuis la conférence nationale de 1990, plusieurs acteurs politiques ont connu des hauts et des bas et semblent en tirer quelques leçons aujourd’hui, oints par un certain réalisme qui leur dicte le seul chemin du pouvoir pour assurer leur survie. Dans tous les cas, il se dégage que Patrice Talon, qui aussi n’est pas un intrus dans le gotha politique béninois, pour avoir été l’influent acteur de l’ombre pendant de longues années auparavant, tient aujourd’hui toute la classe politique nationale en haleine, du haut de son fauteuil présidentiel. Qu’en fera-t-il ? Toute la question est là. Pour ceux qui y voient déjà une forte mobilisation en vue de la présidentielle 2021, pour laquelle, il n’a pas encore dit son dernier mot, ils n’excluent pas non plus les législatives de 2019 qui se préparent ainsi assidûment du côté du pouvoir Talon avec la clémence d’une classe politique conviviale. Avoir une majorité parlementaire qualifiée et absolue lui donnera sans doute plus d’assurance pour nager en eau libre dans la mer politique béninoise en vue de garantir un succès total à ses futurs combats politiques et électoraux. Si ce n’est pas cela, ça y ressemble.
Christian TCHANOU