Tanguy Agoy : monsieur Djenontin bonjour, une identification de plus en plus floue avec le temps, la signature au bas de votre dernière déclaration parle de « minorité parlementaire. C’est qui ? Vous êtes combien aujourd’hui ? Qui sont ceux qui sont encore avec vous ?
He Djenontin : Merci cher ami Agoy. Effectivement au bas de la déclaration, vous avez lu « la minorité parlementaire ». En réalité, l’organisation interne à l’Assemblée Nationale se distingue par ceux qui soutiennent le gouvernement et ceux qui ne supportent pas le gouvernement. Autrement dit, la minorité comme le nom l’indique montre que nous sommes en nombre infime. C’est en réalité une classification qui s’est imposée à nous au lendemain du rejet du projet de révision de la constitution. Ce bloc s’est en effet constitué suite à la déclaration du Chef de l’État qui a annoncé avoir désormais 60 députés avec lui et 23 autres en face de lui. Donc pour le rejet du projet de révision, nous étions 23 mais à ce jour nous sommes 22 parce qu’il y a un de nos collègues qui s’est retrouvé du coté des 60 plus un ou moins un.
-On dit qu’aujourd’hui vous êtes pratiquement à 16 ou 17 et que pendant ce temps qui s’est écoulé, d’autres ont été aussi attirés par la rivière aussi
Non pas du tout, nous étions 22 à faire la déclaration, nous sommes toujours 22. J’ai lu aussi beaucoup de choses sur les réseaux sociaux. Vous savez les gens ont intérêt à ce que ce groupe s’effrite. Mais jusqu’à l’heure où je vous parle, nous sommes encore 22. Je ne sais pas ce qui va se passer par la suite mais je crois sincèrement en mes collègues et ils sont conscients qu’ils sont en train de faire un combat salutaire pour le peuple et qu’ils n’ont pas intérêt à se faire attirer par une quelconque rivière.
-Dans ce combat que vous trouvez salutaire et dans cette même logique, vous avez fait une déclaration ou vous parlez de conflit d’intérêt au sommet de l’État entre autres points abordés. Honorable, cela vous plaît-il de parler plutôt que d’agir ? Vous parlez de conflit d’intérêt au sommet de l’État, vous êtes député à l’Assemblée nationale avec toutes les prérogatives qui accompagnent ce titre. Mais curieusement vous ne posez pas de question, vous ne faites pas d’enquête, vous n’initiez rien du tout. Vous faites juste une déclaration.
Nous avons beaucoup à dire. Vous savez c’est dans notre camp qu’il y avait eu une question au gouvernement par rapport à la SONAPRA avec tout le bruit que cela avait fait. Et lorsque nous avions posé cette question au gouvernement, il s’est trouvé des personnalités fortes ou du moins des gens influents de l’Assemblée Nationale qui se sont rapprochés de nos collègues pour leur dire qu’ils n’auront plus jamais cette occasion au parlement. Vous savez le parlement est un haut lieu de la politique et lorsque vous posez des questions au gouvernement, il faudrait bien que cela soit programmé par la conférence des présidents et le bureau de l’Assemblée Nationale. Et donc, il y a beaucoup de questions qui sont en attente d’être programmées. Et lorsque c’est programmé, il faudrait bien que le gouvernement vienne y répondre. Depuis un moment, le jeudi a été réservé comme jour des questions au gouvernement. Mais depuis un moment, les questions ne sont plus programmées. Est-ce l’agenda de l’Assemblée Nationale qui ne le permet pas. ? Est-ce les ministres qui ne sont pas disponibles ? J’espère que le calendrier permettra finalement que la conférence des présidents accède à notre requête afin que ces questions soient programmées et débattues. Donc nous sommes dans l’action.
-Mais vous parlez d’acharnement également dans votre déclaration et les gens s’étonnent
C’est ceux qui ne veulent pas regarder les choses en face. Nous sommes tous au Bénin et comme je le dis souvent, aucun d’entre nous n’a intérêt à ce que le régime en place échoue. C’est donc la meilleure manière pour nous d’accompagner ce régime et de l’aider à mieux faire. Et pour ce qui concerne l’acharnement, ce n’est plus un secret pour personne. Je prends l’exemple de canal 3 où je suis actuellement. On est venu enlever un compteur ici. Ce n’est même pas le compteur le problème. Si vous devez l’argent, vous devez payer. Mais qu’un directeur général d’une grande société se permette d’aller parler d’un seul client au cours d’une conférence de presse, cela dénote d’un manque de finesse dans les actions .Quelqu’un d’autre est obligé de fuir du territoire national parce qu’il a un problème. Lorsque je vois encore un autre à qui on a adressé un redressement fiscal de 165 milliards (j’entends dire que nous roulons pour celui là).Sur les 11 points de notre déclaration, combien de point spécifiquement sont consacrés à ce dernier ? Nous sommes des représentants du peuple et nous sommes là pour porter la voix du peuple. Lorsque quelque chose ne se passe pas bien, c’est de notre devoir d’attirer l’attention des gouvernants, c’est notre devoir de travailler pour que les choses aillent au mieux pour le bonheur de la population.
Vous parlez d’une CENA qui serait menacée de disparition ou de défiguration. Qui votent les lois , honorable ? C’est bien vous.
Effectivement c’est nous qui votons les lois. Les gens nous clouent aux piloris et nous vouent aux gémonies comme si nous sommes des apatrides. Vous savez, lorsque les textes sont bons, nous les votons. Lorsque les textes ne sont pas bons, nous ne les votons pas et nous ne les voterons jamais. Pour cette affaire de la CENA, nous avons bien dit qu’il y a des choses qui se trament .Tout ce qui va constituer des handicaps dans l’évolution de ce pays, pour la promotion de la liberté et de la démocratie, nous on votera toujours contre.
Pourquoi n’avez-vous pas bloqué par exemple le RAVIP puisque cela constitue pour vous actuellement un motif d’inquiétude ?
Le RAVIP, nous étions parmi ceux qui ont commencé très tôt à attirer les attentions. Cette loi sur l’identification, moi personnellement je ne l’ai pas voté. C’était déjà depuis Dassa que j’étais l’un des premiers à m’acharner contre cette loi. Vous pouvez vous renseigner sur ma position. Au niveau du COS-LEPI, nous avons englouti des milliards. Quelle est alors la plus value de cette nouvelle loi ? Même si on nous parle aujourd’hui de carte d’identité numérique, figurez-vous qu’au moment du régime du président Boni Yayi, on avait dit qu’on pouvait se servir de la carte LEPI pour en faire une carte d’identité. Et à voir les sommes astronomiques à engager pour cette activité, il y a de quoi s’inquiéter. Nous avons des données, pourquoi ne pas chercher à les améliorer simplement.
Ici on parle des enfants de 0 jusqu’à X années à prendre en compte, ce que ne présente pas la LEPI
C’est justement l’avantage de cette opération. Mais étant donné que nous avons déjà une base, pourquoi ne pas récupérer cette tranche d’âge et l’ajouter à ce qui existait.
Il y a également honorable, l’intérêt biométrique, car tout le monde n’avait pas été enregistré
Vous pensez réellement qu’en 6 mois, on peut vraiment faire ce travail ? Encore que l’opérateur qui est commis pour ce travail est décrié déjà dans la sous région et un peu partout. Au lieu de corriger ce qui n’est pas parfait, on veut encore reprendre à zéro alors que nous sommes dans un pays à ressource très limitée. Lorsque l’on a reproché hier aux gens une certaine gestion et qu’on est maintenant au pouvoir, on a intérêt à gérer de manière rationnelle les ressources au lieu de créer tout le temps des marchés nouveaux juste pour gaspiller de l’argent.
Vous parlez aussi de vassalisation de l’Assemblée Nationale ce qui a fait sourire plus d’un.
Je ne voudrais plus aller plus loin sur ce thème car cela ne va pas plaire à certains. Mais en réalité ce sont des constats qui nous ont amené à le dire. Comme nous appartenons également à l’institution, les gens pensent qu’on ne devrait pas parler en ces termes. Nous avons pourtant donné des exemples. Il ya en effet des lois par exemple qui ne sont encore au parlement et dont on programme des séminaires d’appropriation.
Vous votez pourtant à l’unanimité ces textes quand ils atterrissent sur vos tables
Curieusement, j’ai l’impression que les gens ne lisent pas, ne savent pas lire ou qui lisent en diagonale. Comment par exemple un projet qui n’est pas encore arrivé au parlement peut faire l’objet d’atelier ?
Mais vous y participez honorable
Nous sommes des députés. Et si on ne participait pas à ces rencontres, on aurait déjà assisté au pire. Lorsque nous étions par exemple en séminaire à Dassa , 12 projets de lois faisait l’objet d’appropriation, mais ces 12 projets ont été rapidement transformés en des propositions de loi. De Dassa ces propositions devraient être rapidement votées. Ce sont les analyses pertinentes et les suggestions des députés de toute tendance qui ont empêché que ces lois soient expédiées. Il y a beaucoup d’autres situations que je me garde d’évoquer sur la place publique car j’appartiens à un groupe et certains mots n’ont pas plu à certains de nos responsables.
Vos propos n’ont pas plu également à certains béninois qui estiment que certains députés de la minorité avaient aussi appartenu à un pouvoir qui vassalisait l’Assemblée Nationale. Quelle a été votre réaction, honorable Djenontin quand on vous avait servi ce « PIN PAN » à l’époque.
Ce qui se passe aujourd’hui, on ne l’a jamais connu depuis l’avènement de la démocratie au Bénin. J’ai été garde des sceaux et je ne dis pas que c’est la première fois que des lois sont portées par des députés. Mais lorsque vous voyez la fréquence, le rythme et le nombre actuellement, cela inquiète. On vous donne les documents, vous constatez que c’est des projets et puis après tout change et cela devient tout un mélange.
Mais vous êtes là justement pour décanter tout cela
On ne veut pas nous donner ce droit à la différence. Nous respectons nos collègues, il faut qu’ils nous respectent en retour. Nous sommes « représentant du peuple » jusqu’en 2019.
Transcrription : MGA