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Appréciation de la gestion du Nouveau départ : Alokpo parle de la gouvernance Talon
Publié le mardi 10 octobre 2017  |  Fraternité
Michel
© aCotonou.com par DR
Michel Alokpo, Président de l’Ong Ambition Bénin et Secrétaire général, porte-parole du Cadre de concertation des confessions religieuses au Bénin




Plusieurs actions phares sont à mettre à l’actif du Chef de l’Etat Patrice Talon, selon le Pasteur Michel Alokpo. A travers cette interview, l’ancien conseiller technique de Boni Yayi à la sécurité intérieure se dit sidéré entre autres par : la désignation des 6 nouveaux chefs-lieux de département et la nomination des 12 préfets, le vote d’une cinquantaine de lois qui permettent de concrétiser les réformes, la modernisation en cours de la fonction publique, la création des cellules de voyages officiels pour une gestion rationnelle des ressources de l’Etat. Il met également l’accent sur la gratuité du visa à tous les citoyens d’Afrique vers le Bénin, la construction des forages dans plusieurs villes du Bénin, le lancement de la construction de centrales thermiques et de 20.000 logements sociaux, le démarrage des travaux de protection de la côte pour la lutte contre l’érosion côtière, puis la création d’une police républicaine de sécurité. Le pasteur Michel Alokpo a aussi analysé les réformes mises en œuvre sur le plan socio-économique et identifié quelques erreurs qui entachent les nombreux efforts fournis par le Gouvernement et qui forcent le peuple à continuer de rêver d’un réel Nouveau départ.
Pasteur Michel Alokpo, comment appréciez-vous le Nouveau départ, presque deux ans après son envol ?
La gouvernance politique au Bénin a du plomb dans l’aile. C’est avec regrets que je le dis. Nombreux sont ceux qui ont conduit le navire du Nouveau départ qui ont été isolés au profit de ceux qui ont combattu la rupture. Pis, les ennemis acharnés du Président Talon sont aujourd’hui devenus ses partenaires politiques au détriment de ceux qui ont mouillé le maillot pour le porter au pouvoir. C’est un constat qui nous amène à nous demander si nous sommes vraiment dans la rupture ou que nous passons à côté. Si moi j’ai opté pour la rupture, c’est pour qu’on en finisse progressivement avec la vieille classe politique. On dit souvent que c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle. Aujourd’hui, on ne fait plus la différence entre l’ancienne corde et la nouvelle corde. Pour moi, les échéances électorales de 2019 doivent être celles du vrai nouveau départ. Il faut que la classe politique soit renouvelée à 70% par de nouveaux hommes politiques qui vont reconstruire le Bénin de demain. Sinon, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Nous avons reproché au Gouvernement passé le manque d’éthique et de morale dans la gestion du pouvoir. Aujourd’hui, rien n’a encore changé. C’est seulement les hommes qui ont changé.

Que reprochez-vous concrètement au Gouvernement sur le plan économique ?
Sur le plan économique, nous constatons que notre pays n’est pas prêt à décoller à cause de plusieurs facteurs. Il y a les facteurs endogènes et ceux exogènes. En ce qui concerne les facteurs exogènes, la crise économique mondiale et régionale n’épargne point notre pays. Notre grand voisin le Nigéria a longtemps favorisé la croissance économique de notre pays. Mais on se demande si les autorités béninoises ont toujours gardé de bons rapports avec les autorités nigérianes. Le Bénin ne peut jamais décoller seul, économiquement, sans une franche collaboration avec ses voisins.
A propos des facteurs endogènes, ça me rappelle l’histoire de la poule aux œufs d’or. Le fermier, à vouloir tuer la poule pour avoir plus d’or a mis à mal sa production. Donc, c’est l’économie du pays qui en pâtit du fait de la volonté de gagner plus. Alors, si l’on détruit tout ce que le gouvernement passé a mis en œuvre sous quelque prétexte pour repartir sur une nouvelle base, nous allons passer à côté, car l’administration est une continuité. De même, les redressements fiscaux tous azimuts ne règlent pas le problème du quotidien des Béninois et du panier de la ménagère. Il y a plus de chômeurs dans la rue aujourd’hui que les 100.000 emplois promis à la jeunesse dans le Pag. Les entreprises qui doivent créer d’emplois ont licencié des centaines d’agents à cause des redressements fiscaux. Aujourd’hui, l’Etat doit énormément à ses prestataires et n’est pas prêt à faire face à ses engagements, mais demande par contre de réviser à la baisse l’ardoise laissée par le régime défunt. Il est aussi vrai que certains prestataires ont triché avec le régime défunt, mais il est bon de négocier avec les prestataires afin de trouver un compromis.
Les marchés de gré à gré sont devenus monnaie courante. On se demande comment les chefs d’entreprises qui n’ont personne et qui emploient des dizaines d’agents vont s’en sortir. Aujourd’hui les riches deviennent plus riches et les pauvres s’appauvrissent d’avantage. C’est le cas des agences de location de véhicules. Plus rien ne tourne dans les petites agences de location. Il semble que c’est à deux grandes agences que les marchés sont confiés aujourd’hui. Il y a de grands malaises au sein des opérateurs économiques au Bénin et ceci affecte les couches sociales. L’option d’une économie libérale se mue en un capitalisme à outrance.

Comment se porte aujourd’hui, selon vous, la décentralisation au Bénin ?
Le Bénin est en train de faire un recul par rapport à la décentralisation. Un progrès a été fait sous les anciens régimes. Mais aujourd’hui, c’est le statu quo. La destitution tous azimuts des maires pose problème. La confiscation du pouvoir des maires par certains préfets jettent du discrédit sur le Gouvernement de la rupture. De manière générale, le peuple n’apprécie pas la gestion du régime pour lequel, j’ai appelé à voter en 2016. Par ailleurs, il est important de souligner que dans l’ensemble, les confessions religieuses ne semblent pas être d’accord avec la manière dont elles sont traitées sous la rupture. Elles sont aujourd’hui marginalisées.

Pourtant, plusieurs réformes ont été mises en œuvre par le Gouvernement avec des retombées positives dans plusieurs secteurs. Quelles sont les avancées qu’on peut mettre à l’actif du Gouvernement ?
Il y a avant tout la désignation des 6 nouveaux chefs-lieux de départements et la nomination des 12 préfets, le vote d’une cinquantaine de lois qui permettent de concrétiser les réformes, la modernisation en cours de la fonction publique, la création des cellules de voyages officiels pour une gestion rationnelle des ressources de l’Etat. On note également la gratuité du visa à tous les citoyens d’Afrique vers le Bénin, la construction des forages dans plusieurs villes du Bénin, le lancement de la construction de centrales thermiques et de 20.000 logements sociaux, le démarrage des travaux de protection de la côte pour la lutte contre l’érosion côtière, puis la création d’une police républicaine de sécurité. La réconciliation des frères méthodistes est à mettre à l’actif du régime du nouveau départ. C’est grâce à la sagesse et au sens de négociation du Président Talon et de son gouvernement qu’on en est arrivé là. Il y a aussi la réconciliation des membres de la Fédération béninoise de football qui a permis de relancer le championnat national de la discipline. La relance de la filière Coton qui a redonné espoir aux producteurs et qui a permis d’atteindre des résultats extraordinaires cette année est un grand pas. Il en est de même de la relance des cantines scolaires qui va soulager bon nombre de parents d’élèves. L’assainissement des finances publiques qui permet aujourd’hui d’assurer le salaire des fonctionnaires et le recrutement de plusieurs centaines d’agents dans la fonction publique sont des acquis considérables. La relance de l’Aéroport de Glo-Djigbé avec des partenaires chinois et du projet de la route des pêches dont les travaux sont annoncés pour bientôt sont à saluer. Le budget de 2018 qui a été revu à la baisse et qui témoigne de l’humilité du Gouvernement est un point positif. Plusieurs réformes ont été notées pour une éducation de qualité.
Le lancement de Bénin Taxi qui permet aux Béninois et aux étrangers de circuler en toute sécurité dans la ville de Cotonou, la maitrise du délestage dans les grandes villes du Bénin, la réduction du grand banditisme au Bénin constituent aussi des acquis notables.

Quelles sont les perspectives pour le reste du quinquennat au regard des jalons posés ?
Si le Président de la République et son Gouvernement réussissent à exécuter le Pag à hauteur de 70%, le pari est gagné pour lui et le peuple peut lui renouveler sa confiance en vue des élections de 2021. Cependant, puisqu’il avait promis faire un seul mandat, il vaudrait mieux pour lui de respecter sa parole à moins que Dieu n’en décide autrement. Il faut que le Président Talon renoue les relations avec les confessions religieuses. Avoir les confessions religieuses contre soi, c’est avoir Dieu contre soi. Il faut également que le Ravip ne soit pas un instrument de fraude et de manipulation pour les prochaines élections législatives. Un apaisement des relations avec les anciens partenaires politiques, je veux dire le Président Ajavon, Nicéphore Soglo, Candide Azannaï, Albert Tévoèdjrè est nécessaire. Sinon la tâche ne lui sera pas facile. Il faut que le Président de la République pose les bases de la vraie rupture et du Nouveau départ pour ne pas avoir le peuple contre lui. Tous les partis politiques et les députés qui se rangent de son côté n’ont aucune conviction politique et seront prêts à le lâcher demain parce qu’ils n’ont pas épousé au départ sa conception du Nouveau départ ni de la rupture. Il faut qu’il permette à ce qu’une opposition s’installe dans le pays sinon la démocratie sera enterrée dans notre pays. Je ne fais plus confiance à la classe politique car elle s’est toujours comportée comme un caméléon.

Vous faites partie de ceux qui ont appelé le peuple à voter pour Patrice Talon en 2016. Mais aujourd’hui, vous avez peint en noir sa gestion. Seriez-vous prêt à le servir, s’il vous tendait la main ?
Je n’ai pas peint en noir la gestion de Talon. Je n’ai fait que l’apprécier à sa juste valeur. J’ai dit ce qui est positif mais également ce qui ne l’est pas. Je n’ai pas soutenu Talon parce qu’il faut le soutenir. J’ai soutenu une vision. J’ai soutenu un projet de société qui s’inscrit globalement dans la vision du nouveau départ et de la rupture. Cela m’a marqué, parce que, à la veille des élections présidentielles de 2016, j’ai fait observer les succès et les échecs au plan éthique et moral sous Yayi. Mais quand on m’a parlé de Nouveau Départ, j’ai très tôt saisi le point, surtout lorsque j’ai écrit un livre sur la refondation. Pour moi, le nouveau départ, c’est la rupture d’avec les vieilles habitudes, d’avec la vieille classe politique. Il y a eu une poignée de partis politiques qui ont soutenu Yayi et d’autres Talon. Mais ceux qui ont combattu le Président Talon à visage découvert sont devenus ses partenaires politiques. Et ceux qui l’ont porté au pouvoir en 2016 sont mis de côté. Et la vieille classe, qui était d’un autre bord, est aujourd’hui à ses côtés. Si c’est pour faire voter ses lois à l’Assemblée nationale, je le lui concède. Si c’est pour le repositionner sur la liste électorale en 2019, je dis non et cela ne répond plus à la vision du Nouveau Départ ni de la rupture, et nous avons toujours clamé qu’il faut tisser la nouvelle corde au bout de l’ancienne. Mais cela ne veut pas dire que nous allons renouveler à 100% la classe politique. C’est pourquoi je dis qu’en 2019, il faut que la classe politique soit renouvelée à 70%. Sinon, on est passé à côté de la conception de la rupture et du nouveau départ.
Si le Président m’appelle à ses côtés, vu que je suis éclaireur, je vais influencer positivement la conception du Nouveau Départ et de la Rupture et positivement la gestion du pouvoir. Je vais corriger ce que nous avons vu par le passé. Nous n’allons pas retomber dans les mêmes erreurs. Je ne dis pas que le régime défunt a mal fait sur toute la ligne. Il a fait le maximum qu’il peut. Mais nous voulons que le régime s’attaque à l’éthique et la morale, et surtout la transhumance politique. Il y a beaucoup de transhumants sous Talon. On s’achemine aujourd’hui vers la réforme du système partisan. Et j’attends de voir sa mise en place par cette vieille classe politique. Je ne sais pas si les acteurs vont accepter un regroupement de 10 partis politiques dans le pays. Je ne sais pas comment cela va se passer, à conditions que la Constitution soit modifiée. Si la Constitution n’a pas été modifiée, cela pose un véritable problème. Je ne veux pas que les politiciens trompent le peuple. Aujourd’hui, on agite la réforme du système partisan. A quelles fins ? Pour revenir au pouvoir ? Comment comprendre qu’il y a un député qui a élu domicile au parlement depuis le Renouveau Démocratique ? La Constitution prévoit que le Président de la République a deux mandats. Mais il va falloir que, au sein du parlement, on n’ait pas plus de 3 mandats pour un député. C’est ce système qu’il faut mettre en place pour permettre à la nouvelle classe de reprendre la place au niveau de l’hémicycle.

Vous avez souhaité que le Président Patrice Talon fasse un seul mandat, tel qu’il l’avait dit en 2016, mais il a déclaré la semaine dernière qu’il sera encore candidat. Quelle appréciation faites-vous de cet état de choses ?
C’est son choix, et non celui du peuple. Une parole donnée doit être respectée. Je sais que c’est difficile au politicien de respecter sa parole. Mais c’est Dieu qui a établi Patrice Talon. Et s’il va à l’encontre de la volonté de Dieu, je ne sais pas ce qui adviendra. Je ne souhaite pas qu’il aille aux élections et qu’il échoue. Ça va être une honte, ce que je ne voudrais pas du tout. Il doit avoir des personnalités morales autour de lui pour le conseiller, et c’est en cela que je disais qu’il a marginalisé les personnalités morales du Bénin. Pour moi, il est important qu’il respecte la parole donnée.

On vous a vu très actif sous le Président Yayi. Et vous avez reconnu qu’il a beaucoup fait pour la Nation, même si tout n’est pas rose. On apprend que l’ancien Chef d’Etat sera candidat aux élections législatives. Comment appréciez-vous cela ?
Il faut reconnaître que la popularité de Boni Yayi dépasse le territoire béninois, à cause de son silence, son humilité, ses réalisations, son leadership, à cause du fait qu’il était avec le peuple. Ce qui n’est pas le cas du Président Talon. Si Yayi était candidat aux législatives, c’est son choix. Il peut être élu. Mais j’aurais voulu qu’il prenne du recul et laisse le jeu aux jeunes. S’il était élu, il peut laisser sa place à son suppléant comme l’a fait le Président Abdoulaye Wade au Sénégal. C’est une sagesse pour lui. Mais chercher coûte que coûte à conquérir le pouvoir en allant aux élections, n’est pas souhaitable.

Nous avons appris que le Président Patrice Talon ne vous a pas reçu, tel que vous le souhaitez, en tant que membre des confessions religieuses.
C’est vrai que Talon a reçu certains dignitaires, mais il n’a pas reçu les confessions religieuses. S’il a reçu les musulmans, c’est parce qu’il y a eu une crise de confiance entre la communauté musulmane et le préfet Toboula. Donc, c’est pour calmer la tension que Talon les a reçus. Il n’a donné aucune place aux confessions religieuses, même dans son Pag. Quelle place occupe l’Eglise catholique sur l’échiquier national ? L’appui des différents gouvernements aux confessions religieuses a disparu sous Talon. J’aurais appris que rien n’a été fait pour appuyer le pèlerinage de Dassa. Idem pour celui des christianistes célestes….même celui de la Mecque. C’est vrai que les subventions créaient des problèmes au sein de ces confessions, mais elles faisaient plus de bien, parce que les membres se contentaient des miettes. C’est comme une dîme que l’Etat paye à Dieu à travers les confessions religieuses. Talon doit prendre conscience de cela. Les confessions religieuses sont mécontentes de lui. Il faut qu’il les reçoive une à une, même s’il n’a rien à leur donner. Il en a besoin pour sa santé spirituelle et pour la cohésion nationale.
Adrien TCHOMAKOU

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