Faut-il s’en inquiéter pour la réalisation du PAG ? Ce jeudi au parlement, le ministre de l’énergie, Jean-Claude Houssou a laissé entendre qu’en raison des difficultés de la BOAD, l’accord de prêt de 25 milliards que le Bénin a signé avec cette banque le 12 septembre dernier, sera au taux de 6,9% l’an sur une durée de dix ans avec un différé de trois ans. Cet accord entre dans le cadre du financement partiel du projet d’aménagement et de bitumage de la route Lokossa-Dévè-Aplahoué-Frontière du Togo. Où doit-on trouver les ressources pour réaliser le PAG si les prêts sont à ce niveau ?
Le fait est que le recours au marché est onéreux, très onéreux même. Alors qu’avec des institutions comme la BOAD, on était habitué à des prêts à taux concessionnel (moins de 2%), il est question désormais de multiplier par trois ce taux, avec des répercussions immédiates sur les finances publiques. Comme on sait, le Fonds Monétaire International (FMI), partenaire principal du Bénin sur la problématique de la dette, risque bien de taper du poing sur la table, en cas de dépassement des marges autorisées. Et si vous avez suivi l’actualité financière de ces derniers jours, vous avez certainement appris qu’un pays comme le Congo Brazzaville s’est vu contraint de faire appel au FMI pour un programme d’assistance destiné à aider le pays à assainir son économie. Le pays entend retrouver ses équilibres macroéconomiques avec un endettement estimé à 5 329 milliards de francs CFA, soit 110% du produit intérieur brut (PIB), selon le Fonds monétaire international. Je n’ose même pas imaginer les mesures d’austérité que le pays sera contraint de suivre : coupes sombres dans le budget de l’Etat, compression au sein de la fonction publique, réduction des dépenses sociales…Le remède de cheval que le Bénin a connu dans les années 1990. Mais notre pays est actuellement loin de cette perspective, étant donné qu’il enregistre un taux d’endettement d’environ 45% du PIB, encore loin du plafond communautaire des 70% du PIB.
En s’appuyant sur les emprunts obligataires pour financer ses besoins à moyen ou long terme, le Bénin engrange des ressources du marché financier réputées chères. On ne pouvait en faire une habitude, d’autant d’ailleurs que le marché est volatile par définition. Le recours à des institutions non directement commerciales comme la BOAD, est une voie médiane permettant aux Etats de financer leurs investissements à taux acceptable. Et sur ce terrain, la Chine est aujourd’hui LE partenaire privilégié des Etats africains. Non seulement le pays est disposé à « aider », mais encore ses ressources sont disponibles.
Problème cependant, la Chine a commencé par enregistrer ses premières frayeurs depuis quelques mois. Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour dire ouvertement que la dette chinoise est hors de tout contrôle. L’une de ces voix, Charlene Chu, ancienne analyste chez Fitch, affirme que la dette chinoise est si large que son niveau est devenu inimaginable. Dans le Financial Times de Londres, elle a laissé entendre récemment que le pays était en train de dépasser tous les records. Et les chiffres semblent lui donner raison. La dette chinoise a atteint près de 300% du PIB du pays. Le secteur bancaire représente trois fois la taille de l’économie du pays et la croissance du crédit y est inquiétante. La dette des entreprises représente environ 170% du PIB national. Et les observateurs du secteur financier tirent la sonnette d’alarme. Ils ont peur d’un effondrement à la Lehman Brothers, en 2008.
Vous l’avez bien compris. En recourant au porte-monnaie chinois, le risque est grand de se retrouver dans le tourbillon qui se prépare. Mais le plus immédiat est que le marché financier chinois a lui-même commencé à resserrer les conditions de prêt, rendant plus difficile l’apport un marché jadis généreux.
Que faire dans ces conditions pour un Etat comme le Bénin ? Dire « comme le Bénin » ici n’a rien d’anodin. Vous verrez depuis près de dix ans très peu de grands investisseurs s’intéresser au pays. Toutes proportions gardées, le Bénin n’est clairement pas un marché attractif pour les grandes multinationales présentes au Ghana, au Nigeria ou en Côte-d’Ivoire. Et c’est dans cet engrenage que le gouvernement devra trouver des ressources pour financer son programme d’action.
En clair, la solution en elle-même doit être multidimensionnelle. Recourir aux ressources non concessionnelles, oui. Mais il faut être réaliste.
Par Olivier ALLOCHEME