L’homme d’affaires Sébastien Ajavon file du mauvais coton. Vendredi dernier, il était au tribunal de première instance de Cotonou pour faux et usage de faux et escroquerie. En effet, suite à une plainte avec constitution de partie civile en date du 31 mai 2017 adressée au président du tribunal de première instance de première classe de Cotonou, par le DG/Impôts Nicolas Yenoussi et l’Agent judiciaire du Trésor Eric Aclombessi, contre Mouftaou Lalèyè, Hyppolite Djegou, Sébastien Ajavon et autres pour « faux en écriture publique, complicité de faux en écriture publique, usage de faux, escroquerie… », ces derniers ont été inculpés. L’affaire remonte à 2003 où Sébastien Ajavon était encore l’administrateur général de la société Comon Sa et quand il était question de lutter contre l’escalade de la contrebande. A l’époque, les gouvernements du Bénin et du Nigeria ont signé un mémorandum d’entente à Badagry le 14 août 2003 qui interdit d’accès sur le territoire nigérian certains produits provenant du Bénin notamment l’huile végétale et les poulets congelés. En dépit de cette interdiction, il a été illégalement aménagé au profit de la société Comon Sa une facilitation de procédures douanières d’exportation de produits congelés en direction du Nigeria.
Cet aménagement consistait, en violation de l’Accord de Badagry (courrier N°1281/MEF/DC/SGM/DGDDI en date du 30 mars 2009) à autoriser la réexportation des produits interdits à la condition que le bénéfice des avantages liés à ce régime (bénéfice du remboursement de la TVA payée au cordon douanier sur les produits exportés) soit subordonné à la production de certificats, délivrés par les autorités consulaires béninoises accréditées auprès de la République Fédérale du Nigeria, attestant de l’entrée des marchandises sur ce territoire.
C’est ainsi que la société Comon SA, soutenant avoir exporté sur le Nigeria ses produits congelés, a adressé à la Direction générale des Impôts et des Domaines (Dgid), des réclamations en termes de remboursement de la TVA supportée sur lesdits produits. Ces réclamations qui couvriraient plusieurs périodes, s’élèvent à la somme de treize milliards quatre cent quatre-vingt-sept millions deux cent quarante-six mille huit cent quatre-vingt-treize (13.487.246.893) FCFA.
Aussi, à l’effet d’attester que les produits sont effectivement entrés sur le territoire nigérian, ladite société a présenté des quittances de sortie qui auraient été délivrées par la douane béninoise. De même, elle aurait présenté différents certificats sans aucune référence, lesquels auraient été délivrés et signés par l’Ambassadeur du Bénin à Abuja au Nigeria. En somme, la Dgid s’est opposée à cette réclamation en se fondant sur l’accord de Badagry qui interdisait l’exportation des produits en cause et au regard de l’irrégularité constatée au niveau des documents produits. C’est alors que Comon SA a cru devoir saisir les juridictions béninoises compétentes et, sur la base des documents présentés, a obtenu par jugement en date du 08 février 2013, condamnation de l’Etat béninois à la somme de treize milliards quatre cent quatre-vingt-sept millions deux cents quarante-six mille huit cent quatre-vingt-treize (13.487.246.893) FCFA au titre de remboursement de la TVA.
Par la suite, le sieur Oyédekpo Mouftaou Lalèyè, alors ambassadeur du Bénin auprès du Nigeria a, par courrier en date du 07 avril 2013, dénoncé ces agissements au président de la République en indiquant que les documents sur la base desquels l’Etat béninois a été condamné et qui font état de ce que les produits sont effectivement entrés au Nigeria ont été signés par lui sur recommandation du Directeur général de la Douane, Hyppolite Djegou et qu’en réalité, il n’a pas pu constater directement ou indirectement l’entrée desdits produits au Nigeria. C’est dire que les produits en cause n’ont peut-être jamais traversé la frontière en ce qu’au niveau des registres de la Douane béninoise, il n’y aurait pas trace du passage de ces produits. Et donc, c’est sur la base de cette argumentation contenue dans la plainte que les sieurs Ajavon, Djegou et Lalèyè ont été inculpés pour « faux en écriture publique, complicité de faux en écriture publique, usage de faux, escroquerie… ». Affaire à suivre.
Richard AKOTCHAYE (Coll)