Ils étaient des puissants hommes d’affaires sous les régimes précédents. Opérateurs économiques, leur capacité financière était telle que les Béninois qu’ils emploient dans leurs différentes entreprises n’avaient rien à envier aux fonctionnaires d’Etat. Mais aujourd’hui, ils ont toutes les difficultés du monde. Certains ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Pour Sébastien Ajavon, Francis da Silva, Martin Rodriguez, Séfou Fagbohoun, Razack Olofindji et Jean-Baptiste Satchivi, les affaires ne sont plus ce qu’elles étaient. Si pour certains l’avènement de la Rupture n’a pas été d’un grand secours, il a plutôt précipité d’autres dans le gouffre. En général, les opérateurs économiques, à l’ère de la Rupture, traversent un sale temps.
Sébastien Ajavon
Les difficultés s’enchaînent et s’entremêlent pour l’opérateur économique, arrivé 3ème lors de la présidentielle de 2016. Après les affaires de cocaïne, la fermeture des médias dont il est le promoteur, le redressement fiscal de 167 milliards adressé à sa société Cajaf-Comon, Sébastien Ajavon fait face depuis le 20 octobre dernier à une inculpation pour faux en écriture publique. Sans oublier que la radio Soleil Fm dont il est promoteur subit depuis quelques temps des attaques ciblées de pirates qui choisissent les heures d’émissions critiques de grande écoute pour brouiller ses fréquences. C’est vrai que Sébastien Ajavon avait aussi eu des difficultés sous le régime Boni Yayi. Mais jamais cela n’a dépassé le cadre des redressements fiscaux. Aujourd’hui, ça lui tombe dessus de partout. Avec le régime Talon, Sébastien Ajavon boit la coupe jusqu’à la lie.
Séfou Fagbohoun
Richissime homme d’affaires sous le régime Kérékou, les difficultés ont commencé pour Séfou Fagbohoun avec l’avènement de Boni Yayi. Le natif d’Adja-Ouèrè a même connu la prison. Une fois libéré, il a engagé son parti le Madep dans une opposition et a œuvré avec l’Union fait la nation pour l’alternance en 2016. Entre Lionel Zinsou, Patrice Talon et Sébastien Ajavon, Séfou Fagbonou a entretenu le flou lors de la présidentielle. D’aucuns le disent très proche du magnat de la volaille. D’autres par contre l’annonçaient du côté de Lionel Zinsou. Mais lui-même n’a fait officiellement aucune déclaration de soutien en faveur de l’un ou l’autre des candidats arrivés 1er, 2ème ou 3ème après le tour. Cet embarras de choix est-il sans aucune conséquence pour Séfou Fagbohoun ? On ne peut que constater qu’aujourd’hui le malheur de l’homme s’est accru. Depuis quelques jours, il est cité dans une affaire d’escroquerie foncière qui date de plusieurs années et serait même en cavale. Son complice dans cette affaire, l’ancien maire de Sakété Raliou Arinloyéa été arrêté le 29 août 2017. Depuis, Séfou Fagbohoun serait en train de chercher à rencontrer le Chef de l’Etat sans succès. L’homme a laissé certes beaucoup de plumes sous Yayi. Mais sous Talon non plus, ça ne va pas pour Séfou Fagbohoun.
Francis Kabirou da Silva
Il se considère comme une victime du tandem Boni Yayi-Patrice Talon. Francis da Silva était dans le même secteur d’activité que le magnat du coton.Tout comme lui, il était importateur et distributeur d’intrants agricoles. Ses malheurs ont commencé quand Boni Yayi, pour lequel il a quand même appelé à voter en 2006, s’est retrouvé une fois élu sous la coupole de son concurrent d’affaires Patrice Talon. Toutes les structures de gestion de l’or blanc étaient sous la « dominance » de son concurrent direct Patrice Talon dont la méthode, dit-il, est « tout pour lui, rien pour les autres ». Dès lors Francis da Silva s’est senti floué. L’Etat lui devait des dettes qui se chiffrent en milliards et qui sont restées impayées. Aujourd’hui, alors qu’une fois aux affaires, l’actuel Chef de l’Etat a mis un coin d’honneur à solder les dettes de l’Etat envers les sociétés de l’homme d’affaires Patrice Talon, qu’en est-il des dettes de l’Etat envers Francis da Silva ? Plus que jamais les sociétés des proches de Patrice Talon détiennent le monopole dans le secteur de l’or blanc alors que toutes les études préconisent l’ouverture du secteur. Victime du système, Francis da Silva se voit aujourd’hui confiné dans le rôle d’observateur avec ses milliards évaporés.
Martin Rodriguez
Il est l’un des opérateurs économiques les plus malmenés sous la Rupture. Déjà en difficulté sous le régime du Changement puisqu’exilé, Martin Rodriguez qui a combattu la candidature de Patrice Talon lors de la présidentielle de 2016 vit aujourd’hui des moments terribles. L’homme d’affaires a été dépossédé du Bénin Marina Hôtel dont il contrôle le capital depuis 2004. C’est au cours d’un Conseil des ministres que le gouvernement de la Rupture a décidé de lui arracher cet établissement qui était un fleuron de l’industrie hôtelière et touristique nationale. Martin Rodriguez perdra également le Marlan’s Cotton Industry (Mci). L’Etat a en effet décidé de vendre aux enchères cette industrie au motif qu’elle ployait sous le poids des dettes. La décision du gouvernement sera confirmée par le Tribunal de première instance de Parakou en septembre 2017. Au Bénin, Martin Rodriguez a été fragilisé ces derniers mois. Le régime de la Rupture ne lui a fait aucune concession.
Jean-Baptiste Satchivi
Le Président de la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin (Ccib) n’est pas dans les petits papiers du Chef de l’Etat. On dirait que les deux hommes s’évitent depuis avril 2016. Homme d’affaires et créateur d’emplois, Jean-Baptiste Satchivi n’a jamais été invité au palais de la présidence. Le président de la Ccib n’a pu jamais faire partie de l’une des délégations ayant régulièrement accompagné le Chef de l’Etat lors de ses visites officielles. Jean-Baptiste Satchivi prend également des initiatives sans l’appui du gouvernement. Il était récemment au Nigéria presque seul. Mais seul, le président de la Ccib pourra-t-il réussir à changer l’environnement des affaires? Toutporte en tout cas à croire que Patrice Talon ne compte pas sur le soutien des investisseurs locaux pour réussir son mandat.
Razack Babatundé Olofindji
En 2016, il avait avoué être au bord de la faillite. Les activités de l’opérateur économique Razack Babatundé Olofindji ont périclité au cours des dix dernières années. Agrobusiness man, agro-industriel, transporteur et concessionnaire, cet ancien soutien de Yayi Boni dit n’avoir pas « profité » du régime du Changement. Razack Babatundé Olofindji qui n’a visiblement pas mouillé le maillot pour Patrice Talon n’est pas encore devenu l’un des privilégiés de la Rupture. Il ne fait pas partie du cercle restreint bénéficiant des contrats de gré à gré du gouvernement. Certes l’homme a affirmé en avril dernier dans une interview espérer redonner vie à ses entreprises d’agrobusiness, de vente de véhicules haut de gamme ou son imprimerie. Mais concrètement, cet homme d’affaires n’a pas encore fait de prouesses ces derniers mois. Ses showrooms ne sont plus aussi garnis, la rupture ayant préféré collaborer avec un autre concessionnaire. Razack Olofindji est aussi victime du climat invivable des affaires imposé par l’équipe de Patrice Talon.
La Rédaction