Les méthodes modernes de contraception sont encore sujettes à certaines polémiques dans les rangs des femmes. Arlette Akouèïkou, sage-femme et conseillère pays au Fonds des Nations Unies pour la Population (Unfpa), apaise les bénéficiaires desdites méthodes. Elle lève un coin de voile sur les tabous en la matière et met l’accent sur la responsabilité des parents pour une sexualité responsable dans le rang des adolescents et jeunes.
La Nation : Les femmes sont souvent réticentes à adopter les méthodes modernes de contraception en raison d’un certain nombre de difficultés qu’elles évoquent. Qu’en est-il ?
Alertte Akouèïkou : Lorsqu’une femme en arrive à adopter une méthode moderne de contraception, c’est qu’elle a décidé de commun accord avec son mari de prendre un temps de repos entre deux grossesses, afin de mieux s’occuper de sa famille et se consacrer à ses activités. Il arrive qu’en adoptant ces méthodes, elles soient confrontées aux effets secondaires liés auxdites méthodes. Lorsque la femme n’y est pas préparée psychologiquement, cela devient très difficile à supporter pour elle. En tant que prestataire de ces services, nous devrions faire l’effort de dialoguer avec elles et leur parler des effets qui peuvent survenir éventuellement, afin de leur permettre de retourner au point de prestation où la méthode leur a été offerte pour leur prise en charge.
La prise en charge peut être juste psychologique. La femme bien qu’ayant été prévenue, a besoin d’être rassurée face aux effets secondaires. Et tout rentre dans l’ordre. Mais lorsqu’il s’agit d’un effet secondaire lié à un trouble hormonal, il existe également une prise en charge médicamenteuse qui doit être faite pour l’accompagner. Lorsque les femmes sont confrontées aux effets secondaires et qu’elles ne sont pas bien accompagnées, cela constitue un motif d’abandon de la méthode. Dans ces conditions, elles deviennent des actrices de rumeurs au sein de leurs communautés, du moment où elles ont eu à vivre des situations difficiles incommodantes. C’est ce à quoi nous devrions veiller. Si en tant que professionnels, nous avons pris le temps de les prévenir par rapport à la survenue de ces effets secondaires, elles sont plus préparées.
C’est pratiquement la même démarche de prévention qu’on adopte en ce qui concerne la vaccination des bébés où nous prévenons les mères d’administrer quelques doses de paracétamol ou d’Efferalgan aux enfants avant la vaccination En procédant ainsi, nous amoindrissons l’effet et préparons psychologiquement les femmes à mieux faire face aux effets secondaires qui les affolent.
Il y a encore un travail à faire avec les prestataires de méthodes modernes de contraception pour qu’elles puissent rassurer les bénéficiaires.
On se rend compte que les effets secondaires varient d’une femme à une autre. Comment l’expliquer ?
C’est une question d’organisme. Chaque femme est un spécimen unique. Une femme A peut réagir à une méthode d’une façon donnée tandis qu’une femme B n’aura aucune réaction face à la même méthode. Tout dépend de la constitution de l’organisme de chaque femme.
Il arrive que certains prestataires fassent de ces effets secondaires un tabou. De votre position, pouvez-vous apporter des éléments d’assurance là-dessus ?
Il existe plusieurs effets secondaires. L’absence de menstruation, par exemple. Dans les situations normales, lorsqu’une femme n’a pas ses règles, c’est qu’elle est enceinte. Mais dans le cas d’espèce, cette situation est liée à l’effet des pilules, parce que l’organisme réagit à la nouvelle molécule qui se retrouve dans son corps. Il se peut également que la femme soit soumise à des saignements intermittents qui durent dans le temps. Cela nécessite une prise en charge psychologique et médicamenteuse de sa part pour régulariser son cycle.
Il peut y avoir des règles plus abondantes que la normale. A ce niveau également, il faut rassurer la femme. D’autres commencent encore à prendre du poids, tout simplement parcequ’elles étaient sous la hantise de la survenue d’une grossesse non désirée. Mais avec les méthodes modernes contraceptives, elles sont à l’abri des grossesses non voulues. Les différents effets secondaires se gèrent au cas par cas. Lorsqu’elle est bien suivie, la femme ne perçoit plus la méthode comme une source de problèmes.
Lorsqu’on évoque les méthodes contraceptives aujourd’hui, il n’est plus un secret que les adolescentes et les jeunes filles sont aussi concernées. A partir de quel âge peut-on leur administrer ces méthodes ?
Selon les textes en vigueur au Bénin, on n’est majeur qu’à 18 ans. A cet âge, on est encore adolescent. Pour ceux qui sont sexuellement actifs avant 18 ans, cela relève de la responsabilité de leurs parents d’insister sur le dialogue et de renforcer leur éducation.
Le fait de mettre l’adolescente sous contraceptif n’est-il pas une porte ouverte à la débauche ?
La toute première étape, c’est de pouvoir apporter l’information de qualité à nos jeunes frères et sœurs, à nos jeunes filles et garçons pour qu’ils comprennent que le sexe fait appel à de la responsabilité. Le sexe n’est pas un jeu d’enfant. Il revient aux acteurs impliqués dans cette problématique de pouvoir apporter l’information qu’il faut à ces enfants afin qu’ils puissent s’assurer une sexualité responsable. Les professionnels des médias ont un grand rôle à jouer en la matière. Leur offrir une méthode contraceptive n’est pas synonyme de la dépravation.
Lorsqu’on a passé le cap de l’information et de la sensibilisation, et qu’on a suffisamment mis l’accent sur l’abstinence sans dissuader les jeunes, il faut leur conseiller de se prémunir ou de porter le préservatif masculin ou féminin. Le préservatif est une double protection à la fois contre les infections sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées. Offrir une méthode contraceptive à un adolescent ou à un jeune n’est pas une porte ouverte à la débauche. Et si on arrive à en offrir, c’est avec l’accord des parents qui sont dans un rôle d’accompagnement. On ne peut pas leur offrir simplement des contraceptifs à tout vent, du fait de leur ‘’rythme sexuel’’.
Comment les parents peuvent-ils assurer cet accompagnement auprès de leurs enfants adolescents sexuellement actifs ?
Il faut être à l’écoute et trouver des moments pour discuter avec eux. Lorsqu’un parent utilise comme stratégie les représailles pour éduquer son enfant, il passe à côté de l’essentiel. Il faut privilégier le dialogue avec les adolescents, être surtout à leur écoute et créer un climat de confiance entre eux et soi-même. A partir de cet instant, ils sont plus à l’aise à partager leurs préoccupations et peuvent bénéficier d’un accompagnement à travers l’utilisation des services de planification familiale auprès des professionnels de santé. Ces derniers doivent aussi user de stratégies pour éduquer les adolescents pour une sexualité responsable.
Maryse ASSOGBADJO