Lors de son passage au Café Médias Plus du vendredi 29 Septembre 2017 à la Maison des médias à Gbèdjromèdé sur le thème "La destitution des maires devient banale. Va-t-on vers la mort de la décentralisation ?", le Président de la Fondation Le Municipal avait déploré le silence des acteurs de la décentralisation. Il avait notamment relevé le manque d’efforts du gouvernement pour renforcer les compétences managériales et les ressources des communes, l’indifférence des citoyens véritables bénéficiaires de la décentralisation, le manque d’engagement des élus pour la démocratie et la gouvernance locale et surtout le silence des partenaires techniques et financiers qui pourtant investissent les ressources de leurs compatriotes dans ce processus. Aujourd’hui, nous avons la preuve que les PTF appellent, de temps en temps, l’attention du gouvernement sur ce qui ne va pas dans le secteur de la décentralisation. Les autres acteurs devront en faire pareil, même si les démarches et les méthodes ne seront pas les mêmes.
Sakinath KABA du journal Le Municipal
Quelques efforts appréciés à leur juste valeur mais beaucoup des défis à relever. C’est ce qu’il faut retenir de cette allocution de Mme Franziska Jebens, prononcée le 5 septembre 2017 lors de la revue dans le secteur de la décentralisation, de la déconcentration et de l’aménagement du territoire, au nom de tous les partenaires techniques et financiers.
Des efforts notés de la part du gouvernement
Selon Mme Franziska Jebens de la coopération allemande, cheffe de file des PTF du secteur, « l’année 2016 a été marquée par quelques avancées que nous tenons à souligner, dont notamment :
- la désignation des 6 nouveaux Chefs-lieux de Départements et la nomination des Préfets, Secrétaires Généraux et Chargés de Mission ;
- la révision de l’ancrage institutionnel du Secrétariat Permanent de la PONADEC ;
- L’adoption du schéma national d’aménagement du territoire.
Les PTF félicitent le Ministère pour ces avancées ». Par ailleurs, l’intervenant félicite, au nom de tous les PTF, « le Ministère de la décentralisation et notamment la CONAFIL pour le bon déroulement en 2016 de l’audit du FADeC 2015 ».
Des interpellations partagées par les acteurs de la décentralisation en général.
Lorsque nous examinons le discours de la Porte-Parole des PTF, il relaie des interpellations et des interrogations que la plupart des acteurs de la décentralisation partagent.
La place de la décentralisation dans le PAG
« Le PAG n’accorde qu’un rôle très marginal au Ministère de la Décentralisation et de la Gouvernance Locale et aux questions de décentralisation/déconcentration et d’autre part, les documents de planification dans l’état actuel de leur rédaction, ne font pas mention de la PONADEC, ni même nommément de la décentralisation-déconcentration. Nous pouvons vous dire Monsieur le Ministre, que cela inquiète tout particulièrement les PTF quant à l’avenir du secteur », déclare Mme Franziska Jebens.
Le respect de la libre administration des communes
Au Bénin, développe Mme Franziska Jebens « les textes établissent définitivement les communes comme maîtres d’ouvrages dans plusieurs domaines clés du développement durable. Ainsi, le rôle de l’Etat central et de l’administration déconcentrée devrait s’infléchir et se recentrer sur des fonctions plus stratégiques et régaliennes de définition des politiques sectorielles et de régulation. Contrairement à cette orientation, les nouvelles réformes, notamment la création des agences dans plusieurs secteurs et la signature des contrats Etat-communes (dans leurs formes actuelles), semblent remettre en cause les acquis de la décentralisation. Les PTF s’interrogent aujourd’hui sur l’arrimage et l’articulation du rôle desdites agences avec la maîtrise d’ouvrage communale ».
Le transfert des ressources aux communes.
Pour Mme Franziska Jebens, « le choix des six nouveaux Chefs-lieux de Départements et l’opérationnalisation des douze Préfectures est salutaire. Toutefois, le transfert des ressources financières, humaines et logistiques aux Préfectures reste un enjeu majeur qui, par faute d’être à la hauteur de leurs besoins et de leurs attributions, pénalise considérablement leurs actions. Leur situation matérielle et humaine est préoccupante, spécialement pour les personnels récemment mis en place avec un nombre de cadres de niveau A encore beaucoup trop limité. C’est pourquoi les PTF pensent qu’une attention toute particulière devrait être rapidement accordée aux Préfectures et à l’efficacité des Services Déconcentrés de l’Etat ». La Porte-Parole des PTF poursuit son analyse en ces termes : « au cours de l’année 2016 nous avons observé une résistance des Ministères sectoriels notamment pour :
i) la budgétisation et le transfert effectif des ressources nécessaires au FADeC,
ii) la mise en œuvre des PDDI et
iii) l’élaboration des Plans 2D.
Selon les dernières statistiques, seulement 3,5% du total des dépenses du Budget Général de l’Etat sont transférées aux Communes. Ce qui amène les PTF à considérer que le MDGL a grandement besoin de stratégies innovantes pour affronter les multiples résistances aux changements notées au niveau desdits ministères. Les négociations sur le budget 2018 devraient mettre un accent particulier sur l’indicateur de ce taux. A défaut d’atteindre la cible de 15% recommandée par l’UEMOA, une augmentation substantielle s’avère nécessaire ».
Des interpellations à l’endroit des Maires.
« Le taux moyen d’exécution du budget communal sur les cinq dernières années tourne autour de 50% contre une cible de 80% mettant ainsi en évidence des goulots d’étranglement au niveau de la planification, de la budgétisation et de la chaîne de dépenses. A cet effet, les PTF insistent sur la nécessité pour les communes, d’élaborer des budgets réalistes garantissant aussi l’entretien régulier des infrastructures communales pour plus de durabilité du développement local ». Une interpellation qui prend tout son sens lorsque nous savons que les sessions budgétaires sont proches dans les communes de même que l’examen et le vote du budget général de l’Etat. Mme souhaite également, « au regard des résultats des audits FADEC, l’intensification des mesures d’accompagnement et la prise en urgence des mesures courageuses de sanction afin de mettre fin – ou du moins de réduire – les dysfonctionnements notés ». Elle précise « qu’il en va de la crédibilité de tout le processus de décentralisation ».
Des défis pour 2018
« Pour finir, nous osons espérer qu’en 2018 le dialogue de partenariat très exemplaire du groupe GT2DAT sera renforcé et que des mécanismes pertinents de concertation seront mises en place afin de relever les défis qu’il nous reste à franchir. En effet, ceux-ci restent nombreux. Les résultats du forum-bilan national sur la décentralisation en disent long et le Bénin gagnerait beaucoup à respecter les engagements pris lors dudit forum. Nous tenons à rappeler que même si des insuffisances et des défis sont encore manifestes, le niveau local nous apparait aujourd’hui comme le niveau le plus pertinent pour combattre la pauvreté et renforcer la légitimité de l’action publique. C’est pourquoi nous vous encourageons à poursuivre le processus. A cet effet, les PTF encouragent grandement le MDGL à mener un dialogue intense avec les plus hautes institutions de la République en vue de son propre repositionnement au centre de l’architecture de l’Etat et d’une recherche de soutien à la transversalité de la décentralisation et de la déconcentration. Les PTF encouragent également le Ministère à améliorer la coordination et le portage interministérielle de la décentralisation, et à maintenir la bonne réputation du groupe technique pour un meilleur suivi des recommandations de la revue sectorielle et pour la mise en œuvre efficiente de la Politique Nationale de Décentralisation et de Déconcentration (PONADEC) ».