(Comment le Bénin finance l’économie asiatique ! Engrais de coton dans les rizières)
Aliment hautement stratégique dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, le riz est quasiment la deuxième céréale la plus consommée aujourd’hui au Bénin après le maïs avec notamment 40 à 45 kg de riz consommé par an et par habitant. Si le gouvernement du Bénin a compris l’enjeu et la nécessité de placer le secteur agricole comme levier de lutte contre la pauvreté à travers le développement de treize filières porteuses (déclinées dans OSD et SCRP2006-2011) dont celle de riz compte tenu de son importance socio-économique et alimentaire, le défi de la commercialisation du riz reste et demeure une impasse. De nos investigations, il ressort que le gouvernement n’effectue que des achats institutionnels du riz importé, sacrifiant ainsi la filière locale du riz et des milliers d’emplois sans oublier la fuite des devises vers des pays asiatiques.
Les grands ménages tels que les cantines scolaires et universitaires ; centres de formation professionnelle ; les casernes militaires ; les centres hospitaliers et les prisons continuent d’être alimentés avec du riz importé. De plus de 120 000 tonnes de riz importé en 2014, le Bénin importe depuis deux ans, environ 1 000 000 de tonnes de riz, selon un grand importateur, membre du Collectif des importateurs des denrées alimentaires. Conséquence, le gouvernement n’effectue que des achats institutionnels du riz importé.Cependant, le Gouvernement béninois à l’instar des autres pays africains, ont, pour solutionner la crise alimentaire de 2008, investi avec l’appui de plusieurs Partenaires Techniques et Financiers, dans le développement de la riziculture au Bénin. Ainsi, la production rizicole nationale est passée de 80 000 tonnes en 2008 à 255 924 tonnes de paddy en 2014, soit une augmentation moyenne de 31,26 % en six (6) ans. Et d’après la Stratégie Nationale de Développement de la Riziculture du Bénin, la production nationale devra passer, à l’horizon 2018, en moyenne à 385.000 tonnes de riz blanc par an au moins pour satisfaire les besoins de la population et dégager éventuellement des surplus pour les échanges commerciaux.De sources proches du Ccr-B, les besoins du Bénin sont actuellement estimés à 300 000 tonnes de riz blanc par an, soit 420 000 tonnes de paddy. « Concrètement pour obtenir les contrats pour les achats institutionnels, c’est la croix et la bannière. Les marques de riz que nous produisons au Bénin ne figurent même pas sur le guide des achats des produits qui existent au niveau du ministère du commerce. Donc la première raison que les institutions vous brandissent, c’est que la marque de riz que vous leur proposez ne figure pas sur le guide d’achats de produits retenu par le ministère », se désole le Coordonnateur national du Conseil de concertation des riziculteurs du Bénin (Ccr-B), Joseph Koutchika. Et à un autre acteur de la filière riz d’estimer que « les politiques publiques de développement de la riziculture béninoise, aussi bien dans leur format interventionniste que libéral, tout en contribuant à l’amélioration de la production du riz, à son intensification, au renforcement de l’efficience des systèmes rizicoles, à leur compétitivité ainsi qu’à leur avantage comparatif, n’ont guère réussi à lever le défi du déficit commercial structurel en riz … ». Quant à l’ingénieur agronome, Olivier Vigan, membre du Bureau d’études et d’appui au secteur agricole (B2A) et ancien Dg/Carder-Ouémé, il a laissé entendre que le défi reste celui de la régularité et de la fiabilité du riz local. « Les unités de production et de transformation du riz sont-elles en mesure d’approvisionner sur la durée ces grands ménages ? » S’interroge-t-il. A cette question, le coordonnateur du Ccr-B apporte une réponse plus ou moins convaincante « Nous avons assez d’unités de transformation du riz pour répondre à ces commandes. »Et le constat fait sur le terrain le démontre.Des ESOP (Dangbo et autres régions) à l’UNIRIZ-C de Glazoué sans oublier la Cafrop, la Soderiz, la Rizerie du Crr-Mc,etc, que d’unités de transformation du riz local commercialisé sous les marques DELICE, SAVEUR, RIVALOP, RIZ NATI, RIZ SOUROU, RIZNO etc.Dans ce cas, qu’est-ce qui empêche alors l’Etat d’autoriser les achats institutionnels du riz local au détriment du riz importé ? Si les riziculteurs estiment qu’il s’agit simplement d’une question de mauvaise volonté, l’ingénieur agronome Olivier Vigan pense que ce n’est pas si facile pour l’Etat de réguler l’importation du riz sans enfreindre aux exigences de l’Organisation mondiale du commerce dont le Bénin est membre. Mais les vraies raisons se trouvent ailleurs…
Des raisons évoquées aux réalités du marché…
Selon les témoignages de quelques riziculteurs rencontrés, les principales raisons évoquées par les autorités sont relatives à la qualité et le coût élevé du riz localement produit. Ce qui est malheureusement faux, selon Joseph Koutchika, Coordonnateur national du Ccr-B. « On ne peut pas comparer aujourd’hui la qualité du riz produit en 2000 au Bénin et celle du riz que nous produisons en 2017. Il y a eu beaucoup d’amélioration. S’il y en a qui avaient été déçus, je les invite à consommer le riz produit actuellement au Bénin et ils s’en rendront compte. Parce que tout est question de temps. Car les équipements dont disposaient les acteurs en 2001 ne sont plus mêmes à la date d’aujourd’hui. A Glazoué, l’Uniriz qui est un démembrement du Ccr-B dispose d’une trieuse optique. Vous n’allez pas consommer le riz local et y constater des coins noirs, des corps étrangers. Ce n’est plus possible. Même à Esop de Dangbo qui dispose aussi d’une trieuse optique, le riz qui en sort est de grande qualité »,fit-il savoir. Pour Serge Akpovo, Assistant technique du Programme d’Appui au Développement des Filières Agricoles (PROFI) de la Coopération technique Belge (Ctb-Bénin), les béninois continuent de consommer le riz importé au détriment du riz produit au Bénin, soit par manque de visibilité du riz produit au Bénin, soit également par méconnaissance de toutes ses qualités nutritionnelles. « La qualité et le prix sont deux choses qui vont de pair. Le riz est un aliment dont le passage de l’état brut à la cuisson est très rapide. En dix minutes au plus, il faut que le riz soit cuit. L’Asie pendant des millénaires a toujours privilégié le riz comme culture de base. Le riz qui est importé des pays asiatiques est de bonne qualité et coûte moins cher que le riz local parce qu’ils ont pris le temps de maitriser tous les aspects y afférents. Au Bénin, nous avons le riz de bas-fonds et le riz de terre ferme. En Asie, le riz de bas-fond, c’est des productions rizicoles par irrigation. Le riz produit sur terre ferme ne peut point concurrencer celui produit dans un champ irrigué. Il est alors primordial alors qu’on ait une politique de maitrise d’eau. De même, en Asie, vous avez des gens qui ont 10tonnes/ha et au Bénin, nous avons 1tonne/ha. Comment peut-on concurrencer ceux qui produisent plus que nous pour les mêmes cultures, les mêmes semences. Il faut revoir nos sols, il faut une maitrise d’eau pour la production rizicole opérationnelle et surtout mécaniser l’agriculture béninoise. Sans cela, on ne peut pas espérer avoir suffisamment de paddy et envoyer au décorticage dans les unités de transformation. Encore que les unités disponibles actuellement au Bénin tournent à peine parce qu’il n’y a pas suffisamment de paddy et les charges du personnel, des matériels et autres pèsent », accuse l’importateur. Quant au prix élevé du riz local, il affirme que le riz qui vient des pays asiatiques est non seulement subventionné et de qualité mais il coûte moins cher que le riz local. Ceci se justifie, selon ses dires, par le fait que le riziculteur asiatique est en mesure de récolter 10 tonnes à l’hectare alors que le riziculteur béninois n’en peut récolter qu’un tonne à l’hectare. « Au Bénin, on vend le kilogramme de paddy à 170Fcfa. Si le décorticage, le transport et autres sont estimés à 65Fcfa, le kilo de riz revient 235f sans les emballages et environ 300f/Kilo avec l’emballage. Ce qui donne 15000F pour un sac de 50Kg sans les frais divers et intérêts sur le marché. Or le sac de 50kg de riz thaïlandais long grain vous coûte à peine 14 mille voire 15mille Fcfa sur le marché », clarifie-t-il. L’autre problème, selon lui, est que très peu de paysans sont outillés pour une utilisation convenable des engrais, leur périodicité et par surcroît, ils s’échinent à travailler à longueur de journée sans que les résultats ne soient jamais là. Cependant, les riziculteurs béninois rencontrés estiment que le riz local n’est pas aussi cher comme cela se distille dans l’opinion publique. A en croire Joseph Koutchika du Ccr-B, les prix réels, des différentes marques de riz devraient être insérés dans le guide des achats institutionnels. « Aux dernières nouvelles, j’ai appris que quelques-unes des marques locales de riz sont inscrites dans le dernier guide mais avec des prix exorbitants. Ce qui n’arrange point les acteurs parce que la simple comparaison avec le prix du riz importé démontrerait qu’on n’est pas concurrentiel. Parce qu’il y a des prix référentiels que nous inscrivons pour aider les contrôleurs à vérifier et s’assurer que les dépenses sont faites selon les normes. Je n’en suis pas encore sûr puisque je n’ai pas vu le dernier guide en question mais si cela est vrai, c’est inadmissible que cela soit fait sans associer les vrais acteurs. Ils sont passés à côté de la plaque », martèle-t-il.
De l’engrais du coton pour produire le riz au Bénin : c’est réel !
De nos investigations sur la qualité du riz produit au Bénin, il ressort malheureusement que les riziculteurs béninois utilisent l’engrais du coton pour produire le riz. « Cela n’est pas adapté à la culture du riz. Il faut impérativement faire usage d’un engrais spécifique du riz dans nos rizières ou champs de riz. Les importations d’engrais au Bénin sont à 100% des engrais de coton. Ce sont les mêmes paysans qui ont accès aux engrais de coton qui prennent cela pour en faire d’autres cultures. L’engrais que les riziculteurs utilisent est un engrais développé à 100% pour le coton », nous a confié un importateur de riz qui a requis l’anonymat.
Un fait confirmé d’ailleurs par le Coordonnateur national du Conseil de concertation des riziculteurs du Bénin (Ccr-B), Joseph Koutchika. A l’en croire, aucun importateur privé n’a pu convoyer au Bénin des intrants spécifiques pour la production du riz et les riziculteurs ne peuvent faire qu’avec ce qu’ils ont. Mais le hic ici est de se demander si les nombreux partenaires techniques et financiers (Ptf) qui investissent dans le développement de la filière riz ainsi que l’Etat béninois n’ont-ils toujours pas perçu la nécessité de rendre disponibles les engrais appropriés en vue de l’amélioration de la qualité du riz local ?L’Etat est-il réellement dans la dynamique de promouvoir la production, la commercialisation et la consommation du riz local ? Œuvre-t-il suffisamment pour sa compétitivité sur le marché ? Le Directeur général du commerce, contacté à plusieurs reprises sans oublier des notes à lui transmises via son secrétariat, n’a point manifesté sa disponibilité ni son désir de nous apporter des éléments de réponses. Pourtant, le point 10 des notes d’instruction et modalités d’exécution des budgets 2015 & 2016 stipule clairement qu’il faut prioriser la consommation des produits locaux dans les restaurants universitaires, les cantines scolaires, les camps militaires et les prisons dans une proportion égale à au moins 80%. Mais le Bénin reste encore dépendant des importations pour couvrir la totalité des besoins de sa population en riz. Ces importations constituent des facteurs de déséquilibre du marché national de riz parce que faisant subir au riz produit localement, une concurrence sans nul autre pareil.
Comment le gouvernement sacrifie la filière riz…
Disposant d’un important potentiel pour la promotion de la riziculture en termes de terres irrigables (322.000 ha avec un faible pourcentage de terres exploitées) et des ressources en eaux souterraines et de surface, de technologies et équipements adéquats, le Bénin ne dispose toujours d’aucune mesure cohérente de promotion et de commercialisation mise en œuvre pour soutenir le développement de la filière riz, soutient Joseph Koutchika. Pire, le gouvernement béninois semble avoir obscurci la voie de la promotion du riz local en procédant à l’abrogation de l’arrêté interministériel n° 028/MCAT/MDRAC DGM/DCE/SRE du 29 mai 1987, portant réglementation de l’importation du riz au Bénin, qui fait obligation aux sociétés d’importation de riz de disposer de 25% de riz local dans leurs stocks d’importation. Et par la suite, le gouvernement décrète la libéralisation de l’importation du riz avec la loi n°93-007 du 25 mars 1993 selon les dispositions de l’article 30. Plus récent, le 15 juillet 2016 par arrêté interministériel 2016 N° 086/MICA/MAEP/DC/SGM/DGCI/SA portant mesures d’assainissement du marché du riz et de la promotion du riz produit et transformé en République du Bénin, le gouvernement de la Rupture a exigé des importateurs du riz, une preuve de mise en œuvre d’un programme d’investissement substantiel dans la promotion du riz local (Voir copie de l’arrêté en bas). Chose curieuse, en moins de deux semaines, le présent arrêté interministériel signé des désormais anciens ministres du commerce Lazare Sehoueto et de l’Agriculture, Delphin Koudandé a été abrogé. Qu’est ce qui a pu bien se passer ? « Il y a un véritable lobbying politique derrière. Ce n’est jamais facile. Même si le gouvernement entend privilégier le riz local dans le cadre des achats institutionnels et la régulation des importations du riz, il y en a qui useront de leur puissance financière et politique pour le faire fléchir. Les journalistes doivent apprendre à marcher sur la corde raide pour découvrir ce qui se cache derrière toute décision gouvernementale. C’est vraiment plus fort que ce que nous pensons », a confié une autorité qui a requis l’anonymat. Est-ce les importateurs qui ont démarché pour l’abrogation dudit arrêté ? « Ce serait malhonnête de penser que les importateurs sont derrière cette abrogation. Nous sommes à la base de cet arrêté. Et nous ne pouvons pas milité pour son abrogation. Posez la question à Mr Iréné Koukpaki quand il était ministre de développement sous le régime Yayi Boni. C’est nous qui sommes allés lui dire que le degré d’importation du riz au Bénin est inquiétant car le Bénin ne devrait pas continuer à subir des chocs extérieurs que nous ne maitrisons pas. Depuis deux ans, les meilleures recettes du Bénin proviennent du riz. S’il y a un problème aujourd’hui en Asie, c’est clair que nos recettes pendront un sérieux coup. Nous leur avons proposé ceci. Le Mali est un grand producteur de sucre que beaucoup ignore. Le Mali a mis en place pendant 5 ans un plan de développement qui exige le paiement de 10 dollars de taxe spéciale sur la tonne de sucre importé pour lever un fonds pour la production du sucre au Mali. L’Etat du Mali a alors permis aux investisseurs privés de gérer ce fonds puisqu’ils y ont énormément contribué. Ainsi, les études, les intrants, la mécanisation ont été financés par ce Fonds. Les investisseurs concernés se sont donc partagé les contrats. C’est comme cela que les investisseurs privés ont fait du Mali, un grand pays producteur de sucre dans la sous-région. Les années où le Mali connait un déficit en sucre, l’Etat autorise uniquement ceux qui ont contribué à la levée du Fonds à obtenir des quotas d’importation pour combler le gap. On a proposé le même schéma à Mr Iréné Koukpaki, à la Table ronde en octobre 2012, au ministre des finances Komi Kouché. Mais les gens n’étaient pas d’accord parce que le Bénin importe annuellement 1000 000 de tonnes de riz depuis trois ans. Imaginez la taxe spéciale de 10 dollars appliquée sur chaque tonne de riz importé, cela fera 10 000 000 de dollars/an pour le Bénin. Depuis trois ans, on aurait levé un Fonds de 30 millions de dollars soit environ 18 milliards de francs Cfa. Ce qui est largement suffisant pour sortir la filière locale du riz de l’ornière »,répond un membre du Collectif des importateurs de denrées alimentaires. Mais il ne garde pas son bec dans l’eau et dévoile que ce sont les importateurs informels qui ont convaincu l’autorité ministérielle à abroger cet arrêté interministériel. Une abrogation qui visiblement crée des manques à gagner à l’économie nationale puisque 80% des importateurs sont dans l’informel. L’Etat perçoit ses taxes au niveau de la douane mais à l’intérieur du pays, aucun franc n’est perçu par le service des impôts car il est difficile de mettre la main sur un individu qui importe du riz au Bénin.
L’espoir brisé avec l’Onasa, liquidé par le gouvernement de la Rupture…
Dans ses démarches de plaidoyer pour l’écoulement des produits locaux sur le marché local, le Conseil de concertation des riziculteurs du Bénin (Ccr-B) a pu obtenir de l’Onasa, un contrat pour la livraison de 500 tonnes de riz blanc mélangé. Il s’agit d’un contrat négocié par le Ccr-B au profit du Cadre national des transformateurs du riz du Bénin (Cntr-B). Alors que les riziculteurs se frottaient déjà les mains d’avoir franchi un palier, le gouvernement de la Rupture a procédé à la liquidation de l’Onasa, suspendant ainsi l’exécution du contrat. Le contrat a étéexécuté seulement à 35%. 65 % du riz n’ont pas alors été enlevés avant la liquidation de l’Onasa. Au finish, difficile désormais pour les riziculteurs de rentrer en possession de leurs fonds car le plaidoyer n’a toujours pas abouti et le désespoir semble prendre le relai.
Quid des cantines scolaires et du riz japonais…
Le gouvernement béninois a décidé de la relance du programme des cantines scolaires avec plus de 1000 écoles bénéficiaires retenues. Une aubaine alors pour les producteurs locaux qui devraient pouvoir écouler leurs produits. Hélas ! Le rêve est encore loin de se concrétiser en ce qui concerne le riz local. Selon les dires de Joseph Koutchika, tout se passe comme si le Programme alimentaire mondiale (PAM), à qui le gouvernement a confié la gestion des cantines scolaires, ne sait pas que le Bénin produit du riz. Il estime simplement que le PAM n’a mené aucune démarche vers les acteurs de la filière riz. Selon ses confidences, des importateurs se seraient déjà positionnés pour fournir leurs prestations. « Nous sommes en train de préparer une rencontre avec le PAM. Nous attendons surtout que l’Interprofession trouve un créneau approprié avec le PAM à cet effet. Etant donné que les démarches au niveau du PAM ont commencé avant la création de l’Interprofession et que les contacts étaient établis avec la Plateforme nationale des organisations paysannes et de producteurs agricoles (Pnoppa), c’est à cette Plateforme que nous avons demandé de négocier la rencontre entre l’Interprofession des acteurs directs de la filière riz et le PAM. A priori, c’est comme si le PAM ne sait pas qu’on produit du riz au Bénin. Donc, il nous faut aller vers eux et leur donner l’information », a-t-il déclaré. L’autre fait qui n’est pas passé inaperçu est bel et bien, l’affectation du riz japonais au niveau des cantines scolaires. Ce riz, don du peuple japonais, souvent vendu à des prix forfaitaires aux citoyens béninois y compris les fonctionnaires d’Etat ne l’a pas été cette année. D’après un cadre d’un ministère, les fonctionnaires auraient déjà payé et attendaient simplement que le riz leur soit livré quand il leur a été retourné, l’argent versé. La raison évoquée est que le riz japonais servira à alimenter les cantines scolaires. Contacté à plusieurs reprises, le Directeur départemental du Littoral en charge des cantines scolaires n’a de cesse évoqué des raisons de disponibilité pour ne pas répondre à nos préoccupations. Quant à un cadre du ministère des enseignements maternel et primaire, il a confié que personne ne voudra en parler pour l’instant compte tenu des débats autour du programme. Que devient alors le riz local ? Le gouvernement béninois devra-t-il espérer toujours du Japon, une assistance alimentaire pour combler le déficit céréalier au Bénin ? A quoi servent les politiques de promotion de filières agricoles notamment celles du riz si l’Etat ne peut s’investir pour la compétitivité du riz local et en garantir l’écoulement à travers les achats institutionnels ? Pourquoi l’Etat ne peut-il pas mettre à la disposition des riziculteurs béninois, des intrants spécifiques de qualité comme cela se fait au niveau du coton ?
Le Bénin finance l’économie asiatique : des milliers d’emplois sacrifiés…
De l’importation massive du riz aux achats institutionnels du riz importé, l’Etat béninois est accusé de cautionner une fuite importante de devises vers les pays asiatiques. Si en 2014, environ 120 000 tonnes de riz a été importé à raison de 150 000Fcfa la tonne, au moins 18 milliards de Franc Cfasont donc injectés chaque année par les importateurs béninois pour le développement de la riziculture dans les pays asiatiques (120.000 t x 150.000 F CFA). D’après les derniers chiffres relatifs aux importations du riz ces deux dernières années et relevés par un membre de l’Association des importateurs de denrées alimentaires, le Bénin importerait environ 1000 000 de tonnes annuellement. Ce qui ferait 150 000F x 1000 000tonnes, injectés dans le développement du riz asiatique par les importateurs béninois. Des investissements énormes qui auraient servi à résoudre la problématique des intrants spécifiques de qualité ; résoudre les difficultés de maitrise d’eau pour une production rizicole opérationnelle ; mécaniser l’agriculture béninoise et du coup, rendre compétitif, le riz localement produit. Une situation qui entraine le découragement des acteurs de la filière riz au niveau national faute d’investissements adéquats et structurants avec pour corollaire, la régression de la production rizicole.
A travers cette fuite de devises, c’est également des milliers d’emplois sacrifiés par l’Etat béninois. D’après les chiffres rendus publics par le Conseil de concertation des riziculteurs du Bénin, pour satisfaire une demande de 10.000 Tonnes de riz blanc au niveau des universités, cantines scolaires, garnisons, etc. il faudra mettre en valeur 5.128 hectares : ce qui occasionnera en moyenne, la création de 2.564 emplois permanents, soit un emploi permanent pour la mise en valeur de 2 ha. Cette main d’œuvre permettra de mobiliser 15.384 tonnes de paddy qui seront transformés dans au moins 5 unités de transformation. Ici encore, ce sont des emplois qui sont garantis. Si la production de 10 000 tonnes de riz blanc doit générer 2.564 emplois permanents, la satisfaction des besoins actuels de 300 000 tonnes devra générer 76 920 emplois permanents. Encore que le Bénin pourrait bien être le grenier de certains pays de la sous-région.
Gaston Dossouhoui : du B2A au Maep : une lueur d’espoir…
Rencontré dans le cadre de notre enquête alors qu’il était encore Secrétaire technique permanent du Bureau d’études et d’appui au secteur agricole (B2A), l’actuel ministre de l’Agriculture, Gaston Dossouhoui avait souligné la nécessité d’œuvrer au retour et l’entrée en vigueur de l’arrêté interministériel qui stipule que tout importateur de riz doit avoir dans son stock, 25% du riz local. C’est d’abord le plus important, selon ses dires. « Avec B2A, nous travaillons depuis un bout de temps et nous l’avons toujours mis au-devant de nos rencontres de plaidoyer. Nous l’avons toujours consulté par rapport aux démarches et autres. J’ai récemment échangé avec monsieur Gaston Dossouhoui (désormais ministre de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche), ces propositions étaient très claires. Nous, nous avons souhaité qu’ils nous accompagnent dans un plaidoyer pour la régulation des importations. Tout de suite, il (le ministre) trouve que ce n’est pas le moment et qu’il faut d’abord qu’on travaille pour améliorer la productivité et par ricochet, la production nationale. Et qu’on accompagne les transformateurs à mettre sur le marché, un riz de bonne qualité et que l’emballage que nous utilisons pour conditionner notre riz également soit retravaillé de sorte à ce que ce soit plus attrayant et attractif. Donc de ce point de vue, vous comprenez que c’est un monsieur qui réfléchit réellement et qui tient à accompagner le développement de la filière riz » a laissé entendre Joseph Koutchika, coordonnateur du Ccr-B. Est-il alors possible d’espérer un véritable essor de la filière riz au Bénin ? De toute façon, au regard des actions menées par ce dernier à la tête du B2A, une entité autonome qui appuie, conseille et accompagne le Chef de l’Etat dans ses réformes agraires, des acteurs de la filière riz affirment que l’actuel ministre a désormais les moyens qu’il faut pour relancer le riz made in Bénin. Cependant, il convient de retenir que même si la filière riz a fait partie des filières prioritaires dans le PSRSA et même dans le PAG du Gouvernement actuel, son développement souffre d’un manque de protectionnisme.
Enquête réalisée par Aziz BADAROU